[Chronique] Fatou Bensouda et la CPI au tribunal de Donald Trump

Alors que la CPI enquête sur les agissements de soldats américains en Afghanistan, les États-Unis ont annoncé des sanctions contre la procureure gambienne d’une CPI qualifiée de « corrompue ».

 © Damien Glez

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Publié le 3 septembre 2020 Lecture : 2 minutes.

Donald Trump est passé maître dans l’art de présenter en trompe-l’œil l’actualité à laquelle les Américains sont mêlés. Depuis le début de son mandat, il invite à rejeter les « fake news » présumées de journaux de référence et à gober les « vérités alternatives » de son administration. Et plus c’est gros, plus ça passe : après les sept balles dans le dos de l’Africain-Américain Jacob Blake, le chef de l’État vient de comparer les tirs policiers à un coup manqué lors d’un tournoi de golf…

Le président-candidat s’en prend désormais à l’idée louable qui prévalut à la naissance de la CPI : empêcher un auteur de génocide, de crime contre l’humanité ou de crime de guerre d’échapper à une justice nationale trop laxiste, pour ne pas dire complice.

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Sanctions et avertissements

Opportuniste, Trump ne voit l’institution transnationale que par le petit bout de la lorgnette conjoncturelle : celle-ci a ouvert une enquête sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis en Afghanistan, qui pourrait mettre en cause l’armée américaine, ainsi qu’une autre sur les interventions de l’allié israélien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Comme il dédouane les uniformes policiers, particulièrement au cours d’une campagne électorale ciblée sur les questions sécuritaires, le chef de l’État américain dédouane les uniformes militaires.

Les États-Unis viennent d’annoncer des sanctions économiques – éventuels avoirs aux États-Unis gelés et accès interdit au système financier américain – contre Fatou Bensouda, mais aussi contre Phakiso Mochochoko, le directeur de la Division de la compétence, de la complémentarité et de la coopération à la CPI et ancien co-superviseur de la création du Tribunal spécial pour la Sierra
Leone.

Et pour que chaque groupie de la justice internationale garde le doigt sur la couture du pantalon, Washington ajoute que « tout individu ou entité qui continuera à assister matériellement » la procureure « s’expose également à des sanctions ».

En juin déjà, un décret autorisait des sanctions contre les « fonctionnaires, employés et agents, ainsi que les membres de leur famille immédiate » travaillant au sein de cette Cour qui tente « de soumettre les Américains à sa juridiction ».

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Où est la solidarité africaine ?

Si Trump peut se permettre de sanctionner avec autant de désinvolture, c’est que ses prédécesseurs – toutes sensibilités confondues n’ont jamais ratifié le Statut de Rome à l’origine de la création de la CPI.

Et l’Afrique dans tout ça ? Le continent s’outrera-t-il de sanctions occidentales contre une Gambienne et un Lésothien ?

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Souvent critique contre une juridiction soupçonnée d’afrophobie –au regard du nombre d’inculpés africains –, l’opinion publique va-t-elle valider l’acharnement contre une ressortissante du continent de celui qui évoqua, en 2018, les « shithole countries » (“pays de merde”) de cette même zone géographique ? Il y a fort à parier que les réactions se caractériseront par un silence assourdissant…

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