Elom 20ce, le rappeur togolais passeur d’histoires

Un quatrième album, une exposition à Lomé et plusieurs documentaires… Pour le rappeur Elom 20ce, 2020 est une année foisonnante. Avec pour fil rouge un panafricanisme ancré dans l’action.

Selon le rappeur togolais Elom 20ce, « le rôle de l’artiste est de créer des connexions ». © EMERSON LAWSON

Selon le rappeur togolais Elom 20ce, « le rôle de l’artiste est de créer des connexions ». © EMERSON LAWSON

Publié le 25 novembre 2020 Lecture : 3 minutes.

« Je souffle le feu dans les cœurs aveuglés, la révolte dans les têtes calcinées. » Ainsi s’ouvre le dernier album d’Elom 20ce, Amewuga. Les cuivres portent haut le verbe engagé, en français ou en éwé, du rappeur indépendant, avec ses références politiques et historiques, son regard tourné vers le futur. « On me dit en colère, je ne parle que d’amour et d’espoir », lâche-t-il.

Plus que jamais, dans cet opus autour duquel il a voulu rassembler, l’artiste se livre. « Je suis parce que nous sommes », dit le dernier morceau, « Ubuntu ». Une formule fédératrice reprise pour qualifier une série d’entretiens radiophoniques menés, parallèlement, avec de jeunes artistes et étudiants togolais. « Quel temps accorde-t-on à celles et ceux qui nous portent ?” En se posant cette question, Elom 20ce retourne micro et caméra vers celles et ceux qui l’entourent.

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Archives du futur

« Aux impossibles imminents » n’est plus seulement un morceau du nouvel album, il est aussi une bande son et s’incarne en Blacky, Mawuto, Yawo, Kezita, Lex, Bertha. Vendeurs ambulants, taxi-moto, fossoyeur, artiste, motarde, portefaix, ils ont été filmés dans leur quotidien. « Je déterre les archives du futur pour montrer ce que l’on est encore capable d’avoir déjà réalisé ! Je suis un Impossible Imminent ! » insiste Elom 20ce, qui a interrogé ces habitants de différents quartiers de Lomé sur leurs rêves et a mêlé leurs voix à la sienne.

Ces courts-métrages de 13 minutes chacun, qui racontent la capitale-frontière, sont parties prenantes d’une exposition de l’architecte anthropologue Sénamé Koffi Agbodjinou au palais de Lomé.

L’être humain est plus précieux que l’argent

Elom 20ce nourrit ainsi son quatrième album Amewuga – qui signifie : « l’être humain est plus précieux que l’argent » –, d’une véritable démarche documentaire. Le titre « Le silence est un cri », est une trilogie autour de la paysannerie. L’un des volets, hommage au révolutionnaire agronome Amilcar Cabral, questionne : “Que sont nos capitales sans les campagnes qui les nourrissent ?” Des paysannes d’Alagbowé témoignent de leurs pratiques et s’interrogent sur leurs transformations.

Tourné en mars dernier, le documentaire en accentue l’une des problématiques : la fracture entre les mondes rural et urbain.  « La crise sanitaire m’a permis d’ancrer mon propos dans une réalité », précise Elom 20ce. Panafricaniste convaincu, proche de l’historien Amzat Boukari-Yabara, présent dans son troisième album, il poursuit : « Être africain c’est forcément être politique. Nous sommes des sociétés en lambeaux où l’État est en faillite et ne se préoccupe pas de sa population.”

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Luttes africaines

« Amewuga », le nouvel album du rappeur togolais Elom 20ce, s’ouvre avec les voix incarnées des ancêtres et se referme avec celle de son propre fils. © Juvencio Ayivi/Adjo-Massan Djeha

« Amewuga », le nouvel album du rappeur togolais Elom 20ce, s’ouvre avec les voix incarnées des ancêtres et se referme avec celle de son propre fils. © Juvencio Ayivi/Adjo-Massan Djeha

Né à Lomé en 1982, Elom Kossi Vinceslas Khaunbiow a grandi entre la capitale togolaise et Hahotoé. Puis il s’est installé quelques années à Cotonou, au Bénin, y a fait des études en relations internationales et sciences politiques avant de revenir au Togo. Il réside aujourd’hui, avec sa famille, entre Accra, au Ghana, et Lomé.

On ne milite pas pour soi

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En 2009, il crée Arctivism : des rencontres autour de personnages phares des luttes africaines, de Cheikh Anta Diop à Angela Davis, de Thomas Sankara à Kwame Nkrumah. « En vérité, dit-il, un prétexte pour s’apprendre, car on ne milite pas pour soi. »

À chaque Arctivism, il publie Asrafozine, un magazine gratuit. Il conçoit aussi les ciné-débats Cinéréflex et les rendez-vous « La feuille et le papier », autour d’une plante locale et d’un livre. Il lance également la marque de vêtements Asrafobawu : « tisser est aussi une écriture », raconte Elom.

Livres audio et films

Sous son label Asrafo Records, qui signifie "guerriers" et qui est symbolisé par une fourmi, il a signé récemment la poétesse Antonya David-Prince. © EMERSON LAWSON

Sous son label Asrafo Records, qui signifie "guerriers" et qui est symbolisé par une fourmi, il a signé récemment la poétesse Antonya David-Prince. © EMERSON LAWSON

Aujourd’hui, il pense à la production de livres audio et à d’autres films. Sous son label Asrafo Records, qui signifie « guerriers » et qui est symbolisé par une fourmi, il a signé récemment la poétesse Antonya David-Prince. Une métaphore du « construire ensemble et que chacun fasse sa part ».

Là encore, réunir est un credo : « Le rôle de l’artiste est de créer des connexions. »

Sur ses propres albums, on retrouve par exemple Oxmo Puccino, Blitz the Ambassador et Le Bavar (La Rumeur).

Un véritable voyage dans le temps

Sur Amewuga ? Les rappeurs Rocé et Modedine, le musicien funk togolais Dama Damawuzan et la saxophoniste Nathalie Ahadji. Ce dernier opus de 16 titres, arrangés une nouvelle fois par le complice Alexis Hountondji, est un véritable voyage dans le temps, s’ouvrant avec les voix incarnées des ancêtres et se refermant avec celle du fils d’Elom. Du passé qu’il s’attache à transmettre aux projecteurs tournés vers celles et ceux qui font aujourd’hui, Elom 20ce est résolument un passeur d’histoires.

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Musique : David Walters, artiste globe-tchatcheur

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