Dix choses à savoir sur le couscous, inscrit au patrimoine immatériel de l’Unesco

Où est apparu le couscous ? Comment doit-il être cuisiné ? Avec ou sans sucre ? Alors qu’il vient d’entrer au patrimoine immatériel de l’Unesco, Jeune Afrique fait le tour de la question.

Le couscous est entré au patrimoine immatériel de l’Unesco le 16 décembre 2020 © ADAM AMENGUAL/The New York Times-REDUX-REA

Le couscous est entré au patrimoine immatériel de l’Unesco le 16 décembre 2020 © ADAM AMENGUAL/The New York Times-REDUX-REA

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Publié le 20 décembre 2020 Lecture : 5 minutes.

Le couscous est entré au patrimoine immatériel de l’Unesco ce mercredi 16 décembre. La candidature a été portée pour la première fois par une union de circonstance entre le Maroc, l’Algérie, la Mauritanie et la Tunisie. Ces quatre pays du Maghreb ne cessent pourtant de souligner leur différence en proposant des variantes de ce mets ancestral – aux légumes, au poulet, à la tête d’agneau, au poulpe, aux escargots ou encore aux oignons…  Seule constante entre toutes ces traditions : une base de semoule, une sauce et une cuisson à la vapeur. 

Quelle est donc la recette originale ? Ou est-elle apparue ? Comment ce plat a-t-il voyagé et évolué à travers le monde ? Quelles épices faut-il préférer ? Jeune Afrique fait le tour des grandes questions qui entourent ou agitent depuis toujours l’univers du couscous.

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Pas forcément du blé dur !

Le couscous se rapporte avant tout à une technique consistant à transformer une céréale en granules plus ou moins fines, en roulant cette semoule. Séchée, elle a le mérite de se conserver longtemps sans pourrir. À travers les siècles, la base de blé dur a aussi pu être remplacée par de l’orge au Maghreb (meltouth), ou encore par du manioc ou du mil au Sahel ou au Cameroun, et du maïs chez les Peuls.

À l’époque médiévale déjà, des variantes originales apparaissent, explique Marianne Brisville, docteure en histoire à l’Université Lyon-II et membre du CIHAM (unité histoire, archéologie, littératures des mondes chrétiens et musulmans médiévaux), comme le fityānī préparé à Marrakech, à base de miettes de pain.

• La bataille des origines

Si le Maroc, l’Algérie, la Mauritanie et la Tunisie se sont entendus pour déposer une candidature auprès de l’Unesco, ils se disputent encore la paternité du couscous. La polémique a d’ailleurs gagné les chercheurs. Des sources historiques évoquent une apparition au Sahel, dans le sud de l’actuelle Algérie, d’autres se réfèrent plus largement au Maghreb, du Zab à Marrakech, en passant par l’Atlas.

Certains attribuent l’origine du plat aux berbères, d’autres à l’Afrique subsaharienne !

En Tunisie, il est mentionné pour la première fois à l’époque hafside (1228-1574), souligne Sihem Debbabi Missaoui, professeur à l’Université de la Manouba, à Tunis. Mais attention ! À l’époque les frontières n’existaient pas et une trouvaille archéologique peut en chasser une autre. Plus largement, certains attribuent l’origine du plat aux berbères, d’autres à l’Afrique subsaharienne ! Et la concurrence entre pays s’étend à des questions de taille : beaucoup tentent chaque année de cuisiner « le plus gros couscous du monde ».

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• De l’Afrique au Vatican

Toujours est-il que le couscous a voyagé depuis le continent africain. Des recettes ont été retrouvées en Orient dès le XIIIème siècle, indique Marianne Brisville, avant que le plat ne soit connu par l’Europe chrétienne – du moins par ses élites – à partir du XVème siècle. On en trouve même des descriptions chez le cuisinier privé du pape Pie V !

Il aurait intégré la gastronomie royale en Espagne au début du XVIIème siècle puis l’Italie via les juifs d’Afrique du Nord, qui ont également importé en France le célèbre « couscous boulettes ». D’aucuns attribuent l’introduction des merguez aux Français, d’autres rappellent que les saucisses de bœuf existaient aussi en Afrique du Nord… Mais le « couscous royal » de l’Hexagone mélangeant différentes viandes est encore souvent perçu comme une hérésie de l’autre côté de la Méditerranée.

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• Querelles de nom

L’étymologie du couscous fait aussi couler beaucoup d’encre. Le mets a été désigné par le vocable taʿam (nourriture ou céréales en arabe) dès le XIème siècle, selon le chercheur Mohamed Oubahli. Des linguistes relient le mot à la racine arabe kassa ou kaskasa qui signifie moudre, d’autres aux mots berbères siksû et kisksû qui auraient ensuite été arabisés. Des mentions du terme kuskusū ont été identifiées dans des textes à partir du XIIème siècle, puis au XVIIème celui de kaskas, qui désignait le récipient troué servant à la cuisson du plat.

• Pléthore de recettes

Cette bataille de noms est également nourrie par les appellations des différentes recettes : le maghlouth (mélangeant semoule d’orge et de blé), le firfish, ou farfoush (aux fanes de fenouil), le borzgane (couscous blanc à l’agneau et aux fruits secs), l’osbane (aux tripes et boyaux farcis)… Dans certaines régions du Nord et du Sud de la Tunisie le mot barkoukish peut désigner un couscous à gros grains cuits. Dans l’Aurès, en Algérie, ce dernier est nommé berboûcha ou aberboûch.

• Couscous de la mer

L’apparition du poisson et des autres fruits de mer n’est pas datée, mais il n’est pas rare que des Tunisiens s’en octroient la postérité. « Dans une société pauvre, les gens cuisinaient ce que la nature environnante leur offrait, souligne Sihem Debbabi, et les Tunisiens de la région du Sahel (côte) vivaient notamment des poissons qu’ils pêchaient puisque la viande était rare et chère. » Cette région côtière cuisine encore aussi un couscous aux sardines à la vapeur ou aux boulettes de sardine, tandis qu’à Tunis, on en trouve aux poissons et aux coings.

Mais le couscous aux produits de la mer n’est pas une spécificité tunisienne, met en garde la chercheuse. Ses voisins connaissent le couscous bônois au poisson (connu vers Annaba, en Algérie), ou celui à la semoule de maïs et aux poissons dans la région marocaine du Souss, à Essaouira et Safi, dit « couscous amazigh ».

• Un festival d’épices

Aneth, fanes de navets, khobiza (mauve)… L’utilisation d’herbes peut donner toute son identité au plat. Il est souvent relevé par des épices, à commencer par le ras el-hanout (cannelle, gingembre, coriandre, cardamome, muscade, poivre..). D’autres lui préfèrent le cumin ou la harissa.

Certains recettes incluent des prunes ou des noix dès l’époque médiévale

• Avec ou sans sucre ?

Des recettes incluent dès l’époque médiévale des prunes ou des noix. Aujourd’hui, le mesfouf désigne un couscous sucré. En Tunisie, on le prépare à la crème et aux fruits secs. Il peut se servir accompagné de thé à la menthe ou d’un verre de lben ou de rayeb (petit-lait et lait fermenté et caillé), parfumé ou non à la fleur d’oranger.

• Un plat de fêtes

Ces variantes sucrées accompagnent souvent la dernière soirée des noces. Comme l’écrit le chef Nordine Labiadh dans son livre Couscous pour tous (éditions Solar, 2020), « à chaque célébration son couscous ». Le plat encadre plus généralement de grandes étapes de la vie : naissance, funérailles et autres fêtes sacrées.

• Mode d’emploi

Si le couscous est présenté dans un plat collectif, chacun doit déguster la part qui se trouve face à lui en roulant une boulette avec l’index et le majeur mais en la portant à la bouche avec le pouce, rappelle encore Nordine Labiadh. La part de chaque convive dispose d’accompagnements : légumes, viandes ou autres, et le surplus est placé au milieu du plat.

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