Aya Nakamura, Booba, Nicki Minaj… Ces artistes boudés par les jurys occidentaux

Vendredi 12 février, Aya Nakamura a été boudée par les Victoires de la musique. Mais la chanteuse n’est pas la seule artiste afro-descendante à avoir été oubliée par les grandes cérémonies occidentales ces dernières décennies.

La chanteuse française Aya Nakamura se produit lors de la 36e édition des victoires de la Musique, le 12 février 2021. © Francois Mori/AP/SIPA

La chanteuse française Aya Nakamura se produit lors de la 36e édition des victoires de la Musique, le 12 février 2021. © Francois Mori/AP/SIPA

Publié le 19 février 2021 Lecture : 5 minutes.

Vendredi 12 février, les Victoires de la musique ont célébré en grande pompe (mais avec un public restreint de 200 figurants, Covid-19 oblige) la carrière et les succès de nombreux artistes français, dont Benjamin Biolay et Jane Birkin. Mais la cérémonie de référence a oublié la chanteuse francophone la plus écoutée dans le monde en 2020 : Aya Nakamura. Elle était nommée dans la catégorie « Artiste féminine de l’année » et s’est inclinée face à l’artiste Pomme.

La chanteuse née à Bamako n’est pas la première afro-descendante privée de distinction officielle ces dernières années… Tour d’horizon des célébrités boudées par les jurys occidentaux.

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• Aya Nakamura : déconsidérée malgré son succès planétaire

Ce n’est pas la première fois que l’interprète de « Pookie » repart bredouille des Victoires. En 2019, l’artiste franco-malienne avait déjà perdu contre Bigflo et Oli dans la catégorie « Album de musiques urbaines » et contre Boulevard des airs dans la catégorie « Chanson originale » (pour « Djadja »).

En 2020, elle n’avait tout simplement pas été nommée. « Ces résultats sont difficilement compréhensibles. C’est tout de même la chanteuse française la plus connue dans le monde depuis Édith Piaf », souligne Emmanuel Parent, maître de conférences en musiques actuelles et ethnomusicologie à l’université Rennes 2. En 2018, le titre « Djadja » s’était hissé en tête des ventes aux Pays-Bas, une première pour une chanteuse française depuis « Je ne regrette rien » de la Môme Piaf.

Alors comment expliquer qu’elle ne soit pas reconnue par une institution comme les Victoires de la musique ? « À l’étranger, elle incarne la France post-coloniale, au même titre qu’un Mbappé. Mais en France, on a l’impression que les institutions ne sont pas prêtes à accepter qu’elle puisse représenter la culture nationale », regrette l’ethnomusicologue.

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• Booba : boycott d’une cérémonie « à deux vitesses »

Le rapppeur français Booba lors de la huitième édition du festival « We Love Green » sur la pelouse du Bois de Vincennes près de Paris, le 1er juin 2019. © EDMOND/SIPA

Le rapppeur français Booba lors de la huitième édition du festival « We Love Green » sur la pelouse du Bois de Vincennes près de Paris, le 1er juin 2019. © EDMOND/SIPA

En 2011, Booba est nommé pour une Victoire de la musique dans la catégorie « Album de musiques urbaines ». C’est la première fois que le rappeur – qui fête alors ses dix ans de carrière – reçoit une nomination pour cette récompense. Cette année-là, il a sorti « Lunatic », un album encensé par la critique et le public : il se classe numéro un des charts français à sa sortie et se vendra à 200 000 exemplaires.

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Mais le « Duc de Boulogne » décide finalement de boycotter la célébration. En cause, l’idée retenue par les organisateurs de scinder la cérémonie en deux soirées : l’une, consacrée surtout aux révélations et aux musiques urbaines, sur la chaîne publique à l’audience confidentielle France 4 ; l’autre, avec toutes les catégories grand public, diffusée le 1er mars en prime time sur France 2.

Booba dénonce alors dans un communiqué une « délocalisation des musiques dites “spéciales” et des révélations à une soirée secondaire, [qui] témoigne, une fois encore, de Victoires de la musique à deux vitesses ». Il ajoute : « Notre désaccord est profond avec une telle approche de la musique qui ignore l’un des genres les plus populaires auprès du public ». Il sera nommé une seconde fois en 2018, mais il boycottera encore une fois la cérémonie.

• Bob Marley : la reconnaissance passe par ses enfants

Difficile de nier l’influence de Bob Marley. L’homme aux 200 millions d’albums vendus dans le monde, est aussi le plus grand représentant d’un style de musique qu’il n’a pas inventé, mais qu’il a magnifiquement incarné : le reggae. Pourtant, malgré ses chansons cultes comme « One Love », « No Woman no Cry » ou « Redemption Song », il n’a jamais reçu la reconnaissance de l’institution américaine majeure, les Grammy Awards.

À l’époque, le reggae n’est pas considéré comme un genre suffisamment important pour que l’on remette des prix à ces interprètes… Si Bob Marley n’a jamais reçu de consécration de la part des Grammy Awards, ses enfants ont été largement récompensés. Ziggy Marley sera sacré trois fois Meilleur Album Reggae de l’année (1989, 1990, et 1998) avec son groupe les Melody Makers, dans lequel jouent ses deux soeurs Sharon et Cedella et son frère Stephen, et quatre fois en solo en 2007, 2014, 2015 et 2017.

Ses petits frères seront aussi plusieurs fois récompensés par les Grammys : trois fois pour Damian Marley (2002, 2006, 2018) et deux fois pour Stephen Marley, en 2010 et en 2012. Peut-être une manière pour l’institution américaine de se rattraper…

• Nicki Minaj : son héritière et rivale consacrée

La chanteuse Nicki Minaj, en août 2016. © Dennis Van Tine/STAR MAX/IPx/AP/SIPA

La chanteuse Nicki Minaj, en août 2016. © Dennis Van Tine/STAR MAX/IPx/AP/SIPA

Au cours de ses 14 ans de carrière, la rappeuse américano-trinidadienne a accumulé les récompenses et les trophées. Elle est la première artiste féminine à avoir placé sept singles en même temps dans le classement américain Billboard Hot 100. Elle a aussi été consacrée, en 2013, femme noire la plus influente par le New York Times, aux cotés de Beyoncé et Michelle Obama.

En avril 2017, Minaj devient même l’artiste féminine la plus classée dans l’histoire du Billboard Hot 100, surpassant le record précédent d’Aretha Franklin (73). Pourtant, malgré ses 100 millions d’albums vendus, un titre lui échappe toujours : un Grammy Award… alors qu’elle a été nommée 10 fois par l’institution américaine.

Ironie du sort, c’est son « héritière », Cardi B, qui reçoit les honneurs. Les deux rappeuses se détestent et en sont même venues aux mains en marge de la Fashion week de New York en 2018, Cardi B lançant à son aînée une chaussure en pleine tête. Un an plus tard, Cardi B remportera le prix du Meilleur album rap, pour « Invasion of Privacy », devenant alors la seule femme à avoir remporté cette distinction. Nicki Minaj continue, elle, de courir après le trophée.

• Kendrick Lamar : boudé par les Grammys, avant d’être reconnu par tous

Kendrick Lamar lors de la 60e édition des Grammy Awards, à New York, le 28 janvier 2018. © REUTERS/Lucas Jackson

Kendrick Lamar lors de la 60e édition des Grammy Awards, à New York, le 28 janvier 2018. © REUTERS/Lucas Jackson

2012 est une année exceptionnelle pour le rap anglo-saxon. Kanye West, Jay Z et Drake ont tous trois sortis d’excellents albums. Mais c’est le petit nouveau, Kendrick Lamar, et son album « Good Kid, m.A.A.d. City », encensé par la critique, qui est le favori pour le Grammy Award du meilleur album rap l’année suivante.

Et pourtant, ce ne sont aucun de ces artistes afro-descendants qui vont remporter le prix, mais le duo Macklemore et Ryan Lewis, avec leur album The Heist. Le rappeur Macklemore est d’ailleurs le premier étonné par sa victoire. Il décide même d’envoyer à Kendrick Lamar un SMS dans lequel il lui dit : « Tu as été volé. Je voulais que tu gagnes. Tu aurais dû gagner », avant de le publier sur Instagram.

Mais si cette première rencontre avec les Grammy Awards a été manquée, Kendrick Lamar s’est depuis bien rattrapé. Il compte désormais 13 victoires (pour 37 nominations), dont deux Grammys du meilleur album rap de l’année. Cette reconnaissance va même plus loin puisque son album Damn (2017) est le premier album ni classique ni jazz à recevoir le prix Pulitzer de musique. Une belle revanche.

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