Crise du logement

Les Bamakois ont de plus en plus de mal à trouver un toit.

Publié le 12 mai 2003 Lecture : 3 minutes.

Yaura-t-il encore des maraîchers dans vingt ans à Bamako ? Rien n’est moins sûr. Selon l’organisation non gouvernementale française Agrisud, la moitié des terres cultivées de la capitale auraient disparu au cours des quinze dernières années et la sécurité alimentaire de la ville serait en danger. La cause : une explosion démographique spectaculaire jointe à une urbanisation débridée.
À la suite de la construction d’un premier pont sur le Niger en 1970, la capitale s’est rapidement étendue sur la rive droite du fleuve. Ne comptant pratiquement pas d’immeubles, la ville dépasse aujourd’hui les limites du district. Agglomération de villages totalisant environ 100 000 habitants au début des années soixante, Bamako est aujourd’hui une métropole de plus d’un million d’âmes. À son rythme de croissance actuel (6 % par an), sa population aura doublé dans dix ans.
Mais l’habitat ne suit pas. La demande à Bamako serait estimée à 12 000 nouveaux logements par an, alors que, selon le ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat, les constructions annuelles dépassent difficilement les 3 000. La moitié d’entre elles se feraient sans autorisation. Depuis les années soixante-dix, ces quartiers spontanés, où les infrastructures de base sont quasiment inexistantes, se sont développés autour des villages environnant Bamako ou dans les interstices des quartiers de la vieille ville. Les habitants ne disposent que d’une simple lettre d’attribution de terrain, et l’absence de cadastre handicape la gestion foncière.
Pour permettre l’accès du plus grand nombre à un logement décent, l’État a entrepris une série de réformes. À commencer par la création, en 1992, d’une Agence de cession immobilière (ACI), société mixte ayant pour vocation l’aménagement et la vente des terrains de l’État. L’ACI a aménagé les zones dites « ACI 2000 », nouveau quartier des affaires de Bamako, et Bacodjicoroni Sud. Les parcelles ont été mises aux enchères. L’aménagement de la zone de Sotuba est à l’étude, et 1 000 logements sociaux devraient être prochainement construits à Yirimadio. Le Projet de développement urbain, financé par la Banque mondiale, a aussi permis la viabilisation de 5 000 parcelles dans différents quartiers. Parallèlement, des opérations de réhabilitation ont été menées dans plusieurs quartiers « spontanés ». La viabilisation est un enjeu majeur pour la ville, notoirement sous-équipée. Si 78 % des logements sont électrifiés, seuls 42 % disposent d’un accès direct à l’eau potable. La ville ne compte que 27 kilomètres d’égouts, limités essentiellement au vieux centre colonial. Ailleurs, les ménages utilisent des fosses septiques ou des latrines. C’est pourquoi le gouvernement vient de lancer un programme de lutte contre l’insalubrité. Mais la tâche est immense et les moyens manquent.
L’autre aspect des réformes concerne l’accès au financement, défini dans une stratégie nationale du logement en 1995. Ainsi, la Banque de l’habitat du Mali (BHM) et l’Office malien de l’habitat (OMH) ont été créés en 1996, suivis du Fonds de garantie hypothécaire du Mali (FGHM) en 2000. Plusieurs lois sur le financement de l’habitat et la promotion immobilière ont été adoptées en 1999. Des produits financiers ont été mis au point : octroi de crédits sur vingt ans et de comptes épargne- logement par la BHM, bonification des taux d’intérêt par l’OMH, avantages fiscaux pour les promoteurs. Mais la BHM ne peut répondre à toutes les demandes, et les prix de l’immobilier restent trop élevés.
Les logements sociaux coûtent entre 8 millions et 12 millions de F CFA (12 000 et 18 000 euros), et sont inaccessibles à ceux dont le revenu mensuel est inférieur à 150 000 F CFA. En 2001, 60 % des 1 000 prêts accordés par la BHM étaient des crédits d’équipement d’environ 300 000 F CFA. Mamadou Diawara, PDG de la BHM, explique que les ménages dont les revenus mensuels sont inférieurs à 150 000 F CFA empruntent peu pour la construction ou l’achat d’un logement. Quant à l’épargne-logement, elle compte aujourd’hui 25 000 clients mais la moitié des dépôts (6 milliards de F CFA) sont réalisés par des Maliens de l’extérieur. Même constat au Fonds de garantie hypothécaire où près de 80 % des clients sont des Maliens de l’étranger ou des titulaires de revenus mensuels supérieurs à 300 000 F CFA.
Quant aux promoteurs privés apparus sur le marché, ils ont lancé quelques programmes de construction dont certains de logements « économiques et sociaux », encouragés par des dégrèvements fiscaux. Mais cela ne représente encore que quelques centaines de logements. Une goutte d’eau. L’accès à la propriété reste donc réservé à une minorité aisée. Dans les quartiers qui longent la rive droite du fleuve, de luxueuses villas poussent comme des champignons. Et deux programmes immobiliers de logements de standing sont en gestation. En attendant, il n’existe pas de plan d’aménagement des berges, et seules trois des six communes de Bamako utilisent un plan d’occupation des sols. Les maraîchers ont du souci à se faire.

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