La Moudawana, trois mois après

Annoncée le 10 octobre par Mohammed VI, la réforme du Code de la famille – et donc du statut de la femme – est en cours d’examen au Parlement. Son application risque de se heurter au conservatisme d’une partie de la société.

Publié le 12 janvier 2004 Lecture : 2 minutes.

Le projet de loi n° 70.03 va changer la vie de Jamila. Désormais, elle pourra se marier avec qui elle l’entend, sans le consentement d’un quelconque tuteur, demander le divorce et même, si elle vient à se remarier, obtenir la garde de ses enfants. Ce qui était jusqu’à présent impensable. Le nouveau Code de la famille (Moudawana) a été présenté par Mohammed VI, le 10 octobre, dans son discours d’ouverture de la session parlementaire. Le 12 décembre, il a été soumis au Conseil des ministres, puis, cinq jours plus tard, au Parlement. Son adoption constituera un événement à tous égards historique. Pour la première fois, la femme marocaine sera consacrée comme majeure au regard de ses droits et de ses devoirs.

Trois mois après le discours de M6, conseillers du roi, représentants des pouvoirs publics, élus et membres de la société civile n’en finissent pas de débattre. Contrairement au précédent texte, adopté par dahir (« décret royal ») en 1958, il s’agit en effet d’impliquer toutes les composantes de la société dans la rédaction et l’application du nouveau texte. D’abord sollicités, les partis politiques se sont signalés par leur extrême prudence, par crainte d’effaroucher leurs électeurs.

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Mis au point par une commission royale à laquelle participaient trois femmes, le nouveau texte a été salué, après coup, par tous les partis, y compris les islamistes, qui y voient une « lecture moderne du Coran ». « Réformer la Moudawana équivalait à toucher aux textes sacrés du Coran. Ce tabou est désormais brisé », commente la parlementaire socialiste Nouzha Skalli. Mais rien n’aurait été possible sans la courageuse initiative du souverain. Il est vrai qu’en sa qualité d’Amir el-Mouminine (« Commandeur des croyants »), celui-ci est seul habilité à trancher des questions religieuses. La nouvelle Moudawana se conforme aux grands principes du rite malékite, selon lequel l’islam doit impérativement s’adapter à la modernité.

Il revient désormais au ministère de la Justice de mettre en place les tribunaux de famille prévus par la loi et d’assurer la formation des magistrats. Et à la société civile, dont l’engagement de longue date a enfin été reconnu, d’assurer le relais et d’expliquer à une population encore majoritairement analphabète et traditionnellement soumise aux influences patriarcales le sens de la réforme. Alors, véritable changement ou simple ravalement de façade ? La pratique le dira.

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