Souleymane Bachir Diagne : « La Françafrique, c’est fini »

Il est l’un des plus grands philosophes de notre temps. Que pense-t-il du mouvement décolonial, de la condition noire, de l’islam ? Comment voit-il l’avenir de l’Afrique et sa relation avec la France et le monde ? Entretien exclusif.

Le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne, à l’Université Columbia (États-Unis), le 28 juillet 2008. © Pascal Perrich pour JA

Le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne, à l’Université Columbia (États-Unis), le 28 juillet 2008. © Pascal Perrich pour JA

Clarisse

Publié le 2 mai 2021 Lecture : 19 minutes.

Il est considéré, aux États-Unis et en France, comme l’un des plus grands penseurs contemporains. Professeur de philosophie à l’université Columbia, spécialiste de l’islam des Lumières et de l’histoire des sciences, Souleymane Bachir Diagne publie Le Fagot de ma mémoire (éd. Philippe Rey), un livre personnel et subjectif, qui retrace son itinéraire intellectuel et spirituel entre Dakar, Paris, Boston et Chicago.

Spectateur attentif de son temps, il raconte des mondes où se reflète le moment du postcolonial (dont l’un des aspects est le mouvement de décolonisation de la philosophie par la prise en compte de son histoire islamique). Conseiller à l’éducation et à la culture du président sénégalais Abdou Diouf, Souleymane Bachir Diagne participe aujourd’hui au « Comité Mbembe », chargé par le président Macron de formuler des propositions en vue de refonder la relation Afrique France.

Mais l’enfant des indépendances – il est né à Saint-Louis il y a soixante-cinq ans –, qui vit et habite différentes langues et cultures, exhorte aussi le continent à sortir de son face-à-face avec l’ancienne puissance coloniale pour s’inscrire dans la pluralité du monde.

Islamo-gauchisme, condition noire, montée des fondamentalismes en Afrique de l’Ouest, Covid-19…  L’auteur de Bergson postcolonial (publié pour la première fois en anglais en 2020) et de L’Encre des savants. Réflexions sur la philosophie en Afrique pose un regard lucide mais optimiste sur une humanité fragilisée dans son essence.

Jeune Afrique : Vous dites avoir été éduqué dans l’idée d’un islam rationnel et soufi. Que recoupent ces notions ?

Souleymane Bachir Diagne : Le soufisme est, au sein de l’islam, cette voie de l’éducation spirituelle qui implique un travail sur soi pour devenir pleinement l’humain accompli que l’on doit être. Il n’est donc pas autre chose que la religion elle-même, dans son aspect le plus intérieur. Il se traduit, en général, par des exercices spirituels qui visent à raffermir la foi du croyant en des vérités, au-delà du seul témoignage des sens ou des constructions de la raison. Différentes voies soufies, qui prennent la forme de confréries, sont présentes partout dans le monde islamique, et l’on sait quelle est leur importance dans l’Ouest africain. J’ai grandi et j’ai été élevé dans cette tradition.

Ibn Tayful, au XIIe siècle, a parfaitement expliqué l’islam des lumières »

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