La présidence du Nigeria dit vouloir enquêter sur NNPC

Deux semaines après avoir limogé le gouverneur de la Banque centrale Lamido Sanusi, le président nigérian Goodluck Jonathan vient d’annoncer l’ouverture d’une enquête sur la NNPC, la compagnie pétrolière nationale.

La NNPC est souvent décrite comme l’une des sociétés pétrolières étatiques les plus opaques de la planète. © Reuters

La NNPC est souvent décrite comme l’une des sociétés pétrolières étatiques les plus opaques de la planète. © Reuters

Publié le 13 mars 2014 Lecture : 4 minutes.

Après plusieurs semaines de remous liés à la disparition supposée de 20 milliards de dollars de recettes de l’État, le président du Nigeria a autorisé une enquête judiciaire sur la NNPC, la compagnie nationale d’énergie.

Lamido Sanusi, le Gouverneur de la Banque centrale avait écrit une lettre au président Goodluck Jonathan en septembre dernier pour attirer son attention sur le fait que près de 50 milliards de dollars de recettes provenant des exportations de pétrole entre janvier 2012 et juillet 2013 n’avaient pas été versés sur les comptes du gouvernement fédéral. Il dénonçait une violation flagrante de la loi.

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Il a ensuite réduit son estimation à 20 milliards de dollars à l’occasion d’un témoignage devant un comité d’enquête du Sénat le mois dernier, quelques jours avant de se voir suspendu de son poste pour “insouciance financière” et “faute grave”. Des sources gouvernementales et un large éventail de la population sont persuadés que son renvoi est politiquement motivé.

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Ampleur des détournements sans précédent

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NNPC a nié à plusieurs reprises les allégations de Lamido Sanusi. De son côté, la présidence maintient qu’elles ne sont pas fondées et n’avait jusqu’à présent pas répondu aux demandes de vérification indépendante. 

La réputation du Nigeria, plus grand producteur de pétrole d’Afrique et deuxième puissance économique du continent, a été entachée par plusieurs scandales de corruption, mais l’ampleur des détournements présumés est sans précédent et Lamido Sanusi est la personnalité la plus importante à avoir transmis ces questions directement au président.

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Remous

Lamido Sanusi était un gouverneur de banque centrale de renommée internationale et les marchés financiers ont été secoués par sa suspension. Le naira, la monnaie nigériane, a brièvement atteint son plus bas niveau jamais enregistré. La ministre des Finances Ngozi Okonjo-Iweala ainsi qu’un comité sénatorial enquêtant sur les allégations de corruption ont tous deux appelé à une enquête judiciaire de la NNPC depuis que Lamido Sanusi a présenté des preuves.

Les adversaires de Jonathan disent que la suspension de Sanusi montre qu’il n’est pas entièrement engagé dans la lutte contre la corruption, à un an de l’élection présidentielle la plus serrée que le Nigeria ait connu depuis la fin du régime militaire, en 1998.

Revendications infondées

“La présidence tient à réaffirmer que la suspension de Mallam Sanusi n’a absolument rien à voir avec ses demandes non fondées et incohérentes », a déclaré la présidence, faisant référence à l’ancien gouverneur par son titre de Mallam, attribué aux musulmans érudits. « Les allégations de Mallam Sanusi sont manifestement fausses. Mais le gouvernement ne fait rien pour les enterrer, contrairement à ce qu’il prétend », indique le communiqué qui ajoute que « des entreprises internationales réputées » seraient chargées de l’audit.

La subvention est un racket mis en place pour profiter à certains amis choisis dans le secteur du kérosène.
Lamido Sanusi

Selon le témoignage de Lamido Sanusi, le plus grand écart de comptabilité concerne 8,5 milliards de dollars que la NNPC dit avoir retenu sur ses revenus sur une période de 19 mois pour couvrir les subventions qui lui étaient dues sur l’importation d’essence et de kérosène. Une directive de 2009 du président Umaru Yar’Adua, décédé en mai 2010, avait mis fin aux subventions de kérosène. Le ministre du Pétrole et président de la NNPC Diezani Alison-Madueke reconnaît cette disposition, mais a expliqué au comité du Sénat que ces subventions étaient encore payées, en opposition à la loi, “afin d’éviter des difficultés pour des millions de Nigérians pauvres”.

NNPC affirme qu’elle achète le kérosène à 150 naira (0,91 dollar) le litre et le revend aux fournisseurs à 50 nairas. Mais le prix de vente est toujours au-dessus de 150 naira, ce qui prouve selon Lamido Sanusi que la subvention est un racket mis en place pour profiter à certains amis choisis dans le secteur du kérosène.

Fraude massive

« Il est bien d’avoir une vérification judiciaire, mais je pense que c’est simplement une façon de nous maintenir satisfaits pour un peu de temps”, a déclaré à Reuters le sénateur Bukola Saraki, membre de la commission d’enquête. « Les ministres du Pétrole et des Finances ont admis qu’il n’y avait pas de subvention sur le kérosène. Devons-nous attendre une enquête judiciaire pour que le gouvernement cesse d’enfreindre la loi ? », a ajouté Bukola Saraki.

Devons-nous attendre une enquête judiciaire pour que le gouvernement cesse d’enfreindre la loi ?
Bukola Saraki, sénateur

Plusieurs enquêtes sur la NNPC, depuis la victoire de Goodluck Jonathan aux élections de 2011, ont allégué l’existence d’une fraude massive à l’intérieur de ce qui a été décrit comme l’une des sociétés pétrolières étatiques les plus opaques de la planète, mais peu a été fait pour changer la façon dont fonctionne la société.

Une enquête menée en 2012 par l’ancien chef de la cellule anti-corruption du Nigeria, Nuhu Ribadu, a recommandé un remaniement de la NNPC au motif qu’elle manquait de transparence dans la façon dont elle vendait le pétrole, qu’elle exerçait trop de pouvoir et était un véhicule de la corruption. Après les protestations du public, Goodluck Jonathan avait commandé la rédaction de trois livres blancs pour analyser le rapport de Nuhu Ribadu. Ils n’ont jamais été produits.

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