Pascal Agboyibor, le « bélier noir » à forte tête

À 46 ans, l’avocat franco-togolais Pascal Agboyibor accède aux plus hautes marches du cabinet américain Orrick. Retour sur un parcours sans faute.

Pascal Agboyibor, patron de la pratique Afrique du cabinet américain Orrick. © Vincent Fournier/JA

Pascal Agboyibor, patron de la pratique Afrique du cabinet américain Orrick. © Vincent Fournier/JA

NTeysseire

Publié le 7 mars 2014 Lecture : 4 minutes.

Lorsqu’il nous accueille dans ses bureaux parisiens, non loin des Champs-Élysées, Pascal Agboyibor ne cache pas sa satisfaction. Et pour cause : il vient d’être nommé au conseil d’administration mondial d’Orrick. Le Franco-Togolais entre ainsi dans le cercle très fermé du pouvoir – onze membres – de ce cabinet d’avocats américain classé parmi les vingt premiers de la planète.

Né en 1967 à Tabligbo, dans le sud-est du Togo, Pascal Agboyibor était prédestiné à une carrière de juriste. D’abord parce qu’il est le fils de Yawovi Agboyibor, l’un des avocats les plus en vue du pays. Surnommé « le bélier noir » (de l’éwé agbo yibor), le gérant du plus ancien cabinet d’avocats togolais a également été Premier ministre de transition de 2006 à 2007. Et, bien entendu, il a eu une influence déterminante sur les choix de son fils. Malgré ses velléités d’indépendance.

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Venu étudier en France à l’âge de 16 ans, Pascal Agboyibor décroche une place dans l’école de commerce ESC Lille. Un choix qui déplaît à son père. « Cela ne respectait pas le plan initial, raconte-t-il avec un sourire. Mon père ne pouvait imaginer que je ne devienne pas avocat. Je disais moi-même depuis mon plus jeune âge que je le deviendrais. Me voir choisir une autre voie l’a profondément déchiré. » En parallèle de l’ESC, il commence des études de droit pour conserver le soutien financier paternel, mais aussi parce que « les meilleurs avocats d’affaires en Europe et aux États-Unis ont allié une formation en droit avec des études de management et de finance ». Finalement, il abandonne son école de commerce au bout d’un an.

Son père est Yawovi Agboyibor, l’un des avocats les plus en vue du Togo, Premier ministre de transition de 2006 à 2007.

Recommandation

S’il rejoint les équipes de Jeantet Associés à l’âge de 26 ans, c’est aussi grâce à la recommandation de son père. « J’ai rencontré Yawovi Agboyibor à l’occasion d’un dossier lié à un accident d’avion en Afrique centrale, se souvient Stéphan Alamowitch, aujourd’hui associé gérant du bureau parisien d’Olswang. Lorsqu’il est venu me voir à Paris, il m’a parlé de son fils, que j’ai engagé comme stagiaire. » Pascal Agboyibor qualifie d’ailleurs Stéphan Alamowitch de « mentor ».

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Si Agboyibor senior n’a en rien contribué à la carrière de son fils par la suite, il lui a en revanche apporté un soutien crucial lorsqu’il a recommencé à s’intéresser au continent, à partir de 2008. « C’est grâce à l’intervention de son père que Pascal Agboyibor a obtenu le dossier guinéen [il est le conseil de l’État dans la commission d’audit des contrats miniers avec trois autres cabinets], affirme un avocat spécialiste du secteur. De même en RD Congo, où il marche sur les traces de son père. Il a ainsi pris le relais sur ses dossiers d’arbitrage contre les « fonds vautours ». »

Cependant, Pascal Agboyibor doit aussi sa carrière à son ambition et à son obstination. Reprenant à son compte le surnom paternel de « bélier noir », ce père de deux enfants est déterminé, voire carriériste. « C’est un très bon juriste, un collaborateur que j’ai beaucoup apprécié, mais il ne plaît pas à tout le monde, confie l’un de ses anciens collègues. Cela va de pair avec un caractère bien trempé. Un jour, alors que je lui demandais de ménager ses interlocuteurs, il m’a répondu que ce n’était pas dans sa nature : « Je fonce et j’écrase », m’a-t-il déclaré. »

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Le parcours de cet homme à la poignée de main vigoureuse reflète son tempérament. Recruté au sein du cabinet Jeantet pour travailler sur des opérations de titrisation (une forme de montage financier), il est rapidement sollicité sur des dossiers liés aux ressources naturelles en raison de ses origines africaines.

« Si j’ai traité des dossiers miniers, c’est aussi pour leur rapport avec l’Afrique. Pourtant, le financement structuré et la titrisation m’intéressaient davantage. Je n’étais pas entré chez Jeantet pour réaliser des opérations africaines », explique-t-il.

Les douze mois qu’il passe au siège de la Banque africaine de développement (BAD) entre 1996 et 1997, à Abidjan, sont déterminants pour son carnet d’adresses africain. « C’était passionnant, mais je me suis rendu compte que la vie de cabinet me manquait. Il me fallait des clients », reconnaît Pascal Agboyibor. À son retour au cabinet, il souhaite travailler sur des thématiques plus financières. « Mais Jeantet ne m’offrait pas cette possibilité », estime-t-il.

Ascension

La séparation se fera à son initiative un an plus tard environ – il a alors 33 ans : Stéphan Alamowitch, devenu associé chez Watson, Farley & Williams, le débauche. Son ascension est rapide. Il laisse l’Afrique de côté et fait de la titrisation « à haute dose » jusqu’en 2008, au moment de la chute de la banque d’investissement Lehman Brothers. Tout en gravissant les échelons de Watson, Farley & Williams, avalé en 2002 par l’américain Orrick. « Orrick a connu beaucoup de restructurations. Si Pascal est toujours en place, c’est aussi grâce à son sens politique aiguisé », analyse Stéphan Alamowitch. En 2003, il devient associé puis, en 2008, gérant du bureau de Paris, où il dirige 90 avocats.

La fin de l’euphorie financière des années 2000 oblige Orrick – 25 bureaux et un chiffre d’affaires annuel d’environ 1 milliard de dollars (730,6 millions d’euros) – à revoir sa stratégie. Pascal Agboyibor opère alors un retour en force sur le continent, conciliant enfin son intérêt pour celui-ci avec le financement de projets. En plus du bureau parisien, il prend la direction de l’activité Afrique d’Orrick.

Aujourd’hui, il affirme consacrer « 99 % de son travail au continent, contre 10 % en 2008 ». Point d’orgue du développement qui se profile : l’ouverture d’un bureau en Afrique de l’Ouest. Une manière de boucler la boucle pour celui qui, parti de Lomé pour Paris, aura toujours gardé le continent en tête.

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