Ces Africains qui resteront dans l’histoire des Jeux olympiques

Des plus beaux exploits aux chutes mémorables en passant par un 100 m interminable, Jeune Afrique revient sur les grands moments de l’histoire africaine des JO.

L’athlète éthiopien Abebe Bikila dépasse le Marocain Abdeslam Radi aux JO de Rome en 1960 © EPU / AFP

L’athlète éthiopien Abebe Bikila dépasse le Marocain Abdeslam Radi aux JO de Rome en 1960 © EPU / AFP

Publié le 3 septembre 2021 Lecture : 6 minutes.

Dans Les histoires insolites des Jeux olympiques de l’Antiquité aux Jeux de Rio 2016, paru en 2020 aux Éditions Amphora, Luciano Wernicke raconte plus de 400 histoires olympiques. On se souvient notamment de celle de l’athlète noir américain Cornelius Johnson, champion du saut en hauteur (2,03m), qu’Hitler refusa de saluer aux Jeux de Berlin en 1936 et à celle du boxeur Mohammed Ali, victime de racisme même après avoir gagné une médaille d’or lors des Jeux de Rome en 1960. Mais nombre d’athlètes africains ont aussi été les héros de grands moments des Olympiades. Histoires marquantes, tragiques, hilarantes ou ridicules, bruit de couloirs ou indiscrétions jamais révélées… En voici une sélection.

Guinée équatoriale : Eric Moussambani, un nageur hors du temps

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Surnommé ironiquement « l’anguille » par ses collègues, le nageur équato-guinéen Eric Moussambani est devenu célèbre en réalisant le 100m nage libre le plus lent de l’histoire olympique (une minute et 52 secondes), finissant bon dernier, aux JO de Sidney, en 2000. D’autres nageurs ont même hésité à plonger pour le secourir. Le sportif n’a pas eu l’occasion de retenter sa chance quatre ans plus tard, puisqu’il a commis une erreur d’accréditation. « Je ne sais pas quoi faire. Je suis très déçu et j’envisage de prendre ma retraite » avait-il alors déclaré.

Éthiopie : la revanche de Miruts Yifter

Toujours à Munich, en 1972, les JO de Miruts Yifter commence de manière malheureuse… dans les toilettes. Quatre jours après avoir obtenu le bronze au 10 000m, l’Éthiopien est frappé d’une diarrhée carabinée lors des éliminatoires du 5 000m. « Le sportif de 28 ans passa la moitié de la journée dans ses WC, et l’autre dans son lit, épuisé », confie Luciano Wernicke.

Il ne put pas prendre sa revanche lors de l’édition suivante, à Montréal, puisque nombre de pays africains, dont l’Éthiopie, avaient refusé de participer aux Jeux pour lutter contre l’apartheid en Afrique du Sud. Mais aux Jeux de Moscou, en 1980, il décrochera deux fois l’or, au 5 000m et au 10 000m.

Abebe Bikila, champion aux pieds nus

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Aux Jeux olympiques (JO) de Rome en 1960, le marathonien éthiopien Abebe Bikila qui remplace un coureur blessé, ne trouve pas chaussure à son pied, littéralement. La marque Adidas, qui fournit des baskets aux athlètes n’ayant pas l’équipement nécessaire, lui a procuré une paire qui lui cause des ampoules. Lui dont les « voutes plantaires étaient habituées à sillonner les routes africaines rugueuses et arides » prend donc la décision de courir les 42 195 m sans chaussures. Non seulement il remporte l’épreuve, devant le Marocain Abdeslam Radi, mais il établit également un nouveau record.

Alors que l’Éthiopie avait gagné son indépendance face à l’occupant italien à la fin de la Seconde Guerre mondiale, « les maîtres des lieux eurent leur “revanche”, raconte Luciano Wernicke. Pendant la remise des prix, les musiciens de l’orchestre officiel, qui ne connaissaient pas l’hymne éthiopien, jouèrent celui de l’Italie ». Mais en 1964, lorsque Abebe Bikila inscrit un nouveau record – cette fois-ci avec des chaussures – aux Jeux de Tokyo, c’est bien l’hymne de son pays qui retentit.

Le médecin le prévient qu’il risque la mort. Mais l’athlète retourne sur la piste

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Etenesh Dirola, jusqu’au bout

Si nombre d’athlètes ont couru pieds nus aux Jeux olympiques, cela n’a pas toujours été volontaire. Lors de l’édition de 2016 à Rio, Etenesh Dirola est en tête de sa série du 3 000m steeple quand une altercation éclate entre les coureuses. L’Éthopienne perd une chaussure dans la cohue, ce qui la pénalise pour le reste de la course. Elle franchira ainsi la ligne d’arrivée bien après la Bahreïnienne, la Kenyane et l’Américaine… mais recevra quand même l’ovation du public.

"Les histoires insolites des Jeux Olympiques d'été - De l'Antiquité aux Jeux de Rio" de Luciano Wernicke (éditions Amphora) © DR

"Les histoires insolites des Jeux Olympiques d'été - De l'Antiquité aux Jeux de Rio" de Luciano Wernicke (éditions Amphora) © DR

Mali : le combat manqué de Moussa Sangare

À Moscou, le boxeur malien Moussa Sangare, seul représentant de son pays dans cette discipline, est victime de deux coups du sort. Arrivé en retard à la pesée, il est d’abord disqualifié. Mais son pays fait appel de cette décision, et il est finalement acté que ce contretemps n’était pas de son fait. Mais sur le ring, Sangare s’effondre face au Zambien Lucky Mutale. « S’il avait su qu’il subirait une défaite aussi cuisante, il se serait abstenu de faire appel de sa disqualification et ne serait même pas monté dans l’avion pour Moscou ! », commente Luciano Wernicke.

Kenya : l’increvable Kipchoge Keino

Aux Jeux de Mexico, en 1968, le Kenyan Kipchoge Keino dit « Kip », dut abandonner le 10 000m à cause d’une « infection inattendue de la vésicule biliaire qui, moins d’un kilomètre avant l’arrivée, commença à lui provoquer une douleur aiguë insupportable à l’estomac ». Le médecin lui conseille alors vivement d’abandonner et de se retirer, le prévenant qu’il risque la mort s’il retourne sur la piste. Mais l’athlète se présente tout de même au 5000 m et remporte la médaille d’argent, malgré la douleur.

Et ses malheurs ne s’arrêtent pas là : alors qu’il se rend à la finale du 1 500m, il se retrouve bloqué dans les bouchons sur le trajet et décide de courir les 3km qui le séparent du stade. Il arrive à destination à quelques secondes du top départ et son acharnement est récompensé par la médaille d’or et un nouveau record. Quatre ans plus tard, à Munich, il devra se contenter de l’argent au 1 500m, mais décrochera une nouvelle fois l’or au 3 000m steeple.

L’équipe féminine n’a encore jamais joué hors de ses frontières. Mais elle remporte le tournoi

Zimbabwe : l’exploit des hockeyeuses

En plein boycott occidental des JO de Moscou, les Russes sont contraints, pour éviter l’annulation du tournoi de hockey sur gazon, d’inviter l’Autriche, la Pologne, la Tchécoslovaquie et le Zimbabwe à participer. À la surprise générale, l’équipe féminine zimbabwéenne, qui n’a alors jamais joué hors de ses frontières et n’est pas encore membre de la fédération, remporte le tournoi. Les joueuses offrent ainsi une première médaille à leur pays, qui avait été exclu des Jeux de Munich et de Montréal en raison du soutien de son gouvernement à la politique de l’apartheid. En revanche, les hommes finiront bons derniers du tournoi.

Afrique du Sud : Zola Budd-Pieterse, tombeuse de Nike

Lors des Jeux de Los Angeles, en 1984, la coureuse de fond américaine Mary Decker, favorite de la discipline et égérie de la marque Nike, s’élance sur la piste pour la finale du 3 000m. À mi-parcours, alors qu’elle est en tête, sa rivale sud-africaine Zola Budd-Pieterse, qui représente la Grande Bretagne – son pays étant exclu de la compétition – prend l’avantage. Decker tente de la doubler par le couloir intérieur mais trébuche sur les pieds – nus – de Budd, se foulant la cheville. Alors que l’Américaine pleure à chaudes larmes sur la piste, la Sud-Africaine finit sa course sous les huées du public et arrive septième. « Budd n’a commis aucune action antiréglementaire, Decker est victime d’elle-même », tranchera néanmoins John Holt, le secrétaire de la fédération sportive internationale.

Après l’incident, la cote de popularité de Nike n’est plus au beau fixe. « Ce fut un véritable paradoxe que la plus grande star de la marque de chaussures échoue en se tordant la cheville suite à un accrochage avec une Africaine qui, comme Abebe Bikila à Rome, courait pieds nus », souligne Luciano Wernicke.

Josia Thugwane, de rescapé à médaillé

« Ce pygmée de presque 1,58m dut franchir de gigantesques obstacles pour assouvir sa passion de la course », souligne Luciano Wernicke, narrant l’incroyable trajectoire du fondeur sud-africain Josia Thugwane. Originaire d’une région rurale marquée par la misère et les inégalités, celui-ci a tout de même réussi à monter les échelons du marathon, jusqu’à être sélectionné pour les JO d’Atlanta, en 1996. Cinq mois avant la compétition, il est victime d’une tentative de vol de voiture et de kidnapping alors qu’il est sur l’autoroute. Il résiste et saute de la voiture en marche, ce qui lui vaut une balle dans le menton et une chute brutale sur le béton.

Après une hospitalisation de plusieurs semaines, Thugwane se présente au départ du marathon olympique, qu’il remporte avec trois secondes d’avance sur le deuxième. « Trois secondes pendant lesquelles il mesura sa force de caractère et son courage », commente Wernicke.

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