Nabil Ben Khatra : « Les écosystèmes contribuent à la vie économique des pays »

Lors du Congrès mondial de la nature organisé cette semaine à Marseille, le secrétaire exécutif de l’Observatoire du Sahara et du Sahel a dévoilé ses données sur les bénéfices financiers que peuvent générer la préservation et la restauration des écosystèmes. L’Afrique a tout à y gagner.

Opération de désherbage dans la réserve naturelle de Koyly-Alpha, au Sénégal, dans le cadre du projet de la Grande Muraille verte. © Jane Hahn/REDUX-REA

Opération de désherbage dans la réserve naturelle de Koyly-Alpha, au Sénégal, dans le cadre du projet de la Grande Muraille verte. © Jane Hahn/REDUX-REA

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Publié le 9 septembre 2021 Lecture : 7 minutes.

««Et si la protection de l’environnement était avant tout un enjeu économique ? C’est ce que tend à démontrer la « comptabilité écosystémique du capital naturel » (CECN). Le concept, à première vue hermétique, a de quoi écorcher la langue des novices, mais il pourrait bouleverser les schémas de pensée des dirigeants.

Il repose sur une réalité simple : détruire la nature amenuise de nombreuses sources de revenus des populations comme des États et amplifie les risques – et donc les coûts – de catastrophes environnementales et climatiques.

Chiffrer la valeur des services rendus par les écosystèmes au moyen de données satellites, physiques et socioéconomiques concrètes permet au contraire d’évaluer les bénéfices de sa conservation et de son exploitation raisonnée.

À l’occasion du Congrès mondial de la nature de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) qui se tient à Marseille du 3 au 11 septembre, l’Observatoire du Sahara et du Sahel a présenté pour la première fois le bilan d’étape des six projets qu’il a menés depuis un an en la matière.

Ils portent sur des écosystèmes africains type, dans le cadre du programme Copernicea (Coopération régionale pour de nouveaux indicateurs de comptabilité écosystémique en Afrique), qui se déroule sur quatre ans au Maroc, en Tunisie, en Guinée, au Niger, au Sénégal et au Burkina Faso.

Basées à Tunis, les équipes scientifiques de l’Observatoire travaillent sur les enjeux liés à la biodiversité, au changement climatique, à la gestion de l’eau et à la désertification dans la zone.

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L’Observatoire compte 33 États membres, dont 26 africains, auxquels s’ajoutent des partenaires européens et le Canada, mais aussi plus d’une dizaine d’organisations internationales et régionales.

Son secrétaire exécutif, l’ingénieur agronome spécialiste en télédétection et en systèmes d’information géographique Nabil Ben Khatra, entend développer ces projets pilotes à de plus grandes échelles sur le continent.

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Jeune Afrique : Vous avez présenté au Congrès mondial de la nature les résultats de vos travaux sur la « comptabilité écosystémique du capital naturel [CECN] ». Quel sont les objectifs de celle-ci ?

Nabil Ben Khatra : Tout projet ou initiative de développement nécessite de comptabiliser la rentabilité des programmes et investissements qu’on souhaite mettre en œuvre. La CECN consiste à donner une valeur monétaire aux investissements sur les écosystèmes, que ce soit pour les préserver ou les restaurer.

En donnant une valeur monétaire aux services que rendent les écosystèmes, on peut évaluer ce que rapportera leur réhabilitation dans les dix prochaines années.

En donnant une valeur monétaire aux services qu’ils rendent, on peut évaluer ce que rapportera leur réhabilitation dans les dix prochaines années. Les écosystèmes contribuent à la vie économique des pays. Or nous avons tendance à l’oublier et à prendre ces richesses pour acquises.

C’est très important, car jusqu’à récemment, quand un ministre de l’Environnement ou de l’Agriculture présentait son programme de travail, on avait l’impression qu’il défendait tel ou tel écosystème par pure idéologie.

Désormais, on donne des moyens chiffrés au décideur pour prouver la rentabilité de la préservation d’un site, sa valeur ajoutée et ses retombées financières.

À terme, des investissements ciblés en faveur des écosystèmes ne coûtent pas plus cher, et sont plus intéressants et durables. Notre avenir en dépend.

En quoi le continent africain est-il particulièrement concerné ?

C’est peut-être celui où le développement économique et social de l’homme est le plus étroitement lié à la nature et aux potentialités des écosystèmes.

Bien s’informer, mieux décider

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