Liberia : Samuel Doe, une mort au goût de Budweiser (4/6)

« On a tué le président ! » (4/6). Alors que s’est ouvert le procès des assassins présumés de Sankara, Jeune Afrique vous propose de redécouvrir les destins tragiques de six présidents africains assassinés. Aujourd’hui, Samuel Doe, torturé à mort devant l’œil d’une caméra le 9 septembre 1990.

Samuel Doe en avril 1980, à Monrovia © AFP

Samuel Doe en avril 1980, à Monrovia © AFP

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Publié le 14 octobre 2021 Lecture : 6 minutes.

Sylvanus Olympio, François Tombalbaye, Mohamed Boudiaf, Samuel Doe, Melchior Ndadaye et Laurent-Désiré Kabila. © Montage JA
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[Série] « On a tué le président ! »

Alors que s’ouvre le procès des assassins présumés de Thomas Sankara, « Jeune Afrique » vous propose de redécouvrir les destins tragiques de six présidents africains, assassinés dans l’exercice de leurs fonctions. Six hommes, arrivés au sommet de l’État dans des circonstances diverses, mais qui ont payé le pouvoir de leur vie.

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Le président n’est presque plus rien, mais bientôt ce sera pire. Sans chemise, sans pantalon, le slip blanc gorgé de sang. On lui a arraché ses grigris. Il a les yeux écarquillés et déjà plus de jambes : une rafale de kalachnikov s’est chargée de les lui couper. Samuel Doe gît par terre, dans ce bureau miteux, au milieu de soudards surexcités, il supplie. Il est prêt à tout donner. Sa fortune, les caches où se planquent ses proches, le numéro de ses comptes bancaires, son pouvoir – si tant est qu’il lui en reste.

Les soldats le malmènent, on ne sait même plus ce qu’ils veulent vraiment. Sont-ce les supplications de Doe ou les ricanements de ses tortionnaires ? On ne s’entend pas dans la petite pièce de la clinique de Bushrod Island à Monrovia. Au milieu du brouhaha, un journaliste tend un micro au chef de l’État, un autre filme la scène. Elle dure 14 minutes et, au lendemain de ce 9 septembre 1990, elle deviendra un best-seller sur les marchés de Monrovia. Il n’est pas si fréquent de contempler la mise à mort d’un président.

Le sang et la haine

Dans un fauteuil en faux cuir, face à sa victime, Prince Johnson est impassible – ou peut-être a-t-il un petit air amusé. De temps en temps, il s’excite, se lève puis se rassoit. Une femme en blouse d’infirmière l’évente. Il faut rester calme, l’heure est grave. C’est peut-être celle de la victoire. Il boit une gorgée de Budweiser. Voilà près d’un quart d’heure que Samuel Doe geint devant lui. Ça suffit. Ses hommes se ruent sur le président : ils lui découpent une oreille. Encore un peu de Budweiser. La bière est si bonne : elle a le goût amer du sang et de la haine.

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