Maroc : Makhzen, mode d’emploi… Les confidences exclusives d’Abdelhak El Merini, porte-parole du Palais

Les codes complexes de la Maison royale n’ont aucun secret pour lui. Mémoire du Royaume, d’ordinaire très économe de sa parole, ce gardien du temple makhzénien s’est longuement confié à JA.

Rbati pur jus, issu d’une famille aux traditions ancestrales, il est entré au service de la monarchie alaouite presque par hasard. © Naoufal Sbaoui pour JA

Rbati pur jus, issu d’une famille aux traditions ancestrales, il est entré au service de la monarchie alaouite presque par hasard. © Naoufal Sbaoui pour JA

FADWA-ISLA_2024

Publié le 27 octobre 2021 Lecture : 16 minutes.

Historiographe du Royaume et porte-parole du Palais, après avoir été pendant de longues années directeur du Protocole royal, Abdelhak El Merini est l’un des gardiens du temple makhzénien. Si elle n’est pas directement politique, sa mission n’en est pas pour autant anecdotique : préserver, par la mémoire des rites séculaires et le compte rendu méticuleux des activités royales, l’ancrage historique de l’une des plus anciennes dynasties encore régnantes.

Rbati pur jus, grandi dans une famille aux traditions ancestrales, descendant de la dynastie mérinide, celui qui a débuté sa carrière comme professeur d’arabe est entré au service de la monarchie alaouite presque par hasard. Féru de littérature et d’histoire militaire, sa participation en juillet 1965 à une émission télévisée sur les Forces armées royales (FAR) lui vaut d’être repéré par Moulay Hafid El Alaoui. Désireux, au lendemain de l’indépendance, de généraliser l’usage de l’arabe dans les échanges avec la direction du Protocole royal et de la Chancellerie qu’il chapeaute, le général décide de prendre sous son aile ce jeune homme érudit aux manières policées, parfait représentant d’une forme d’aristocratie marocaine.

Abdelhak El Merini entre alors au Palais royal comme on entre en religion, en faisant vœu d’abnégation et de discrétion pour le reste de sa vie. Persévérant et méticuleux, attentif aux moindres détails, il apprend peu à peu les us et coutumes de cette illustre maison, et gagne la confiance du défunt roi Hassan II, qui le nomme directeur du Protocole royal en 1998.

Aujourd’hui, à 87 ans, il continue de servir avec dévouement le trône alaouite, mais cette fois en tant que porte-parole du Palais et historiographe du royaume, missions qui lui ont été confiées par Mohammed VI à partir de 2010. Exceptionnellement, cet homme d’État à la réserve légendaire a bien voulu nous recevoir, à Rabat. Entretien.

Jeune Afrique : Vous avez commencé votre carrière comme professeur d’arabe. Comment passe-t-on du lycée au Palais royal ?

Abdelhak El Merini : En 1965, au moment du 8e anniversaire de la création des Forces armées royales [FAR], je me suis rendu au siège de la Radiodiffusion Télévision Marocaine [RTM] pour participer à l’émission télévisée sur l’histoire des armées du royaume depuis l’époque des Idrissides, jusqu’aux Alaouites, sujet de mon livre que j’avais achevé.

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Au lendemain de la diffusion de ce programme, j’ai reçu un appel du directeur de la télévision, Si Ahmed Bensouda, me demandant de me présenter au Palais royal pour rencontrer le général Moulay Hafid El Alaoui, directeur du Protocole et de la Chancellerie de Feu Sa Majesté le roi Hassan II, que Dieu ait son âme.

Ni moi ni Monsieur Bensouda ne savions à quoi nous attendre. C’était une sensation vertigineuse. J’ai d’abord craint d’avoir dit au cours de ce programme télévisé quelque chose d’inconvenant. C’était tout le contraire. Le général Moulay Hafid avait apprécié ma contribution à l’émission sur les FAR. Et tout particulièrement le passage concernant la participation de l’armée marocaine à la Seconde Guerre mondiale, aux côtés des Français, du temps du Protectorat, où j’ai expliqué que le roi Mohammed V avait encouragé les Marocains à soutenir l’effort de guerre des Français dans le but de lutter contre le nazisme et défendre les valeurs de démocratie et de liberté, mais aussi pour pousser les Français à revoir leur position par rapport au Maroc et à son désir d’indépendance.

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Il m’a interrogé sur qui j’étais, et mon parcours. À ce moment-là, j’étais professeur d’arabe au lycée Hassan II [lycée Gouraud sous le Protectorat], tout en préparant un DES à l’Institut des études supérieures arabo-islamiques relevant de l’université de Strasbourg, après avoir obtenu une licence ès lettres à la faculté de Rabat.

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