À Paris, la foire d’art contemporain africain AKAA explore le temps

La foire d’art contemporain Also Known as Africa revient au Carreau du Temple du 11 au 14 novembre, après une édition soufflée par le confinement.

« Spirit Guide » de Benji Reid. L’artiste est exposé à la foire AKAA. © Benji Reid / October Gallery

« Spirit Guide » de Benji Reid. L’artiste est exposé à la foire AKAA. © Benji Reid / October Gallery

Publié le 12 novembre 2021 Lecture : 3 minutes.

Il est devenu difficile de parler de rendez-vous d’art, de scènes, de spectacles… sans évoquer le Covid-19. Et la sixième édition de la foire AKAA (Also known as Africa), qui a lieu au Carreau du Temple, du 11 au 14 novembre, en est une nouvelle preuve. D’abord parce qu’en 2020, le confinement lui a volé la vedette deux semaines avant d’entrer en scène. Mais aussi parce que cette année, elle a tenté le coup en dépit du risque de faire face au même destin, et a réussi son pari. Trente-quatre galeries ont fait le déplacement, six n’ont pas pu passer les frontières. Alors l’édition propose un format hybride, entre présentiel et digital, bien dans l’air du temps.

Entre angoisse et créativité

De fait, toute la foire a été réfléchie autour du prisme de la crise collective que l’on traverse. Non pas en évoquant la maladie, les masques, le côté sanitaire, avertit Victoria Mann, créatrice de l’événement, mais plutôt sous le prisme d’un nouveau rapport au temps, comme l’explique la directrice artistique, Armelle Dakouo.

On a arrêté d’être dans une course effrénée à la production, et cela a eu un impact sur la création

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« Nous avons fait l’expérience d’un temps latent, d’un temps étiré, on a du appréhender l’attente, repenser complètement notre relation à la temporalité. On a arrêté d’être dans une course effrénée à la production, et cela a eu un impact sur la création artistique. » De cette observation naît la thématique de cette sixième édition, « À rebrousse-temps ».

Le temps distendu n’a laissé personne indifférent. Les artistes ont-ils eu le temps de créer, de profiter de ce moment déconnecté de toute sollicitation pour nourrir leur création plastique ? Ou ont-ils, au contraire, été freinés par l’angoisse de la situation ? Une question semble circuler au fil des allées d’AKAA : comment vivra-t-on avec cette expérience-là, y aura-t-il bien un « temps d’avant » et un « temps d’après » ?

Leticia Barreto répond à sa manière en présentant un travail conçu pendant le confinement, une plongée introspective présentée sur le stand de la galerie Krystel Ann Art. Tatenda Chidora, de la galerie BKhz, signe pour sa part une série baptisée « If Covid was a color », qui nous englouti dans un océan de gants bleus, nous enferme dans une pièce construite à partir d’un assemblage de masques et habille les portraits des objets sanitaires qui ont envahi le « nouveau quotidien ».

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Temps passé et transmission

En parallèle de cette réflexion, une partie de la biographie de l’écrivain sénégalais Birago Diop, intitulée « À rebrousse-temps », inspire Armelle Dakouo, « parce qu’il reprend des contes traditionnels sous un œil contemporain, parce qu’il jongle en permanence avec les repères temporels », note-t-elle. Elle soumet aux galeries une réflexion autour de l’histoire, de la temporalité, de la mémoire, de la transmission, qui sont des thèmes déjà fréquemment abordés en art.

L’artiste sud-africain Morné Visagie expose pour l’occasion une œuvre monumentale sur le thème du temps passé, du souvenir. Un tissu aux diverses nuances de bleu flottant accueille le visiteur, elle raconte un moment de l’enfance de l’artiste. « Il s’agit d’une réminiscence vécue sur Robben Island, où il a vécu petit. Son père était gardien de la prison où était enfermé Nelson Mandela. Il raconte ici le souvenir d’une piscine, d’une enfance joyeuse », explique-t-elle.

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Le temps d’avant, et la façon dont il influence celui d’après est au cœur du travail des nombreux artistes africains-américains présents pour cette édition. « Ils portent la voix d’une génération qui a évolué dans un contexte revendicatif », précise-t-elle. Ils posent le souci de la représentation, coincée entre la figure de l’icône et celle du martyr, de combats historiques qui sont encore d’actualité. « On retrouve des hérésies aujourd’hui qui étaient déjà présentes du temps de l’apartheid, les luttes se poursuivent, mais prennent davantage d’ampleur au travers de mouvements comme Black Live Matters », ajoute-t-elle.

Danae Howard, par exemple, tourne sa réflexion autour du manque de soutien des institutions américaines aux communautés noires-américaines. Delano Dunn pose la question « Qu’est-ce qu’être noir en Amérique? » et interroge le concept de « black utopia », selon lequel le sol américain pourrait être un endroit sûr et équitable pour les personnes noires. Mais une question reste en suspens : Quand ?

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