France-Rwanda : les étranges méthodes du juge Bruguière

« Attentat du 6 avril 1994 : un crime sans coupables » (2/3). Témoignages fallacieux, investigations à sens unique, auditions hors procédure… En découvrant le dossier d’instruction du juge Bruguière, les avocats des Rwandais mis en cause dans l’attentat perpétré contre le président Habyarimana n’en ont pas cru leurs yeux. Récit.

Le juge Jean-Louis Bruguière (à g.) et l’avocat Bernard Maingain. © Montage JA- Konrad/Sipa – Fedouach/AFP

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Publié le 9 mars 2022 Lecture : 5 minutes.

À la lecture du dossier, dont ils découvrent enfin le contenu, maîtres Bernard Maingain et Léon Lef Forster sont ébranlés. « En tant que professionnel du droit, mais aussi parce que j’ai suivi de près la situation au Rwanda à partir du début des années 1990 et jusqu’au déclenchement du génocide », précise Bernard Maingain.

Parmi les motifs d’étonnement des deux avocats chargés de la défense des Rwandais mis en cause, l’absence, dans la procédure, de tout témoin direct, ce qui contraste avec la profusion de témoins indirects autoproclamés venus incriminer exclusivement la guérilla du Front patriotique rwandais (FPR).

Par des sources belges, Bernard Maingain apprend que, lors d’une commission rogatoire internationale menée à Bruxelles, au cours de laquelle le juge Jean-Louis Bruguière avait demandé à consulter les procès-verbaux d’interrogatoire recueillis par les Belges dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat, à Kigali, le 7 avril 1994, de dix de leurs Casques bleus, le magistrat français se serait livré à un « tri sélectif ». Il aurait en effet sélectionné exclusivement les PV susceptibles d’apporter de l’eau à son moulin, c’est-à-dire accréditant la thèse d’une culpabilité du FPR dans l’attentat qui, la veille, a coûté la vie au président Juvénal Habyarimana.

Autre découverte, et non des moindres : des messages radio, qui auraient été captés au lendemain de l’attentat par la station d’écoutes de Gisenyi, dans le nord du pays, et censés émaner du FPR, lequel se serait vanté d’avoir abattu l’avion présidentiel – alors qu’il se savait écouté. « Les messages étaient formulés avec une telle naïveté que cela m’avait marqué », se souvient Bernard Maingain.

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