Mali : Sadio Camara, l’homme de Moscou à Bamako

Il est aussi secret que puissant. Le ministre de la Défense malien, que beaucoup décrivent comme le véritable homme fort de la transition, est aussi celui qui a ouvert les portes de son pays aux mercenaires de la société russe Wagner.

Le colonel Sadio Camara, ministre malien de la Défense assiste au Conseil national de transition à Bamako, le 30 juillet 2021. © AMAURY BLIN/Hans Lucas via AFP

BENJAMIN-ROGER-2024

Publié le 16 mars 2022 Lecture : 11 minutes.

Leur voyage n’a fait l’objet d’aucune communication officielle. Pas question de trop attirer l’attention. Ce 6 mars, il est environ 2 heures du matin quand Sadio Camara et Alou Boï Diarra prennent place en business class sur le vol TK551 de la Turkish Airlines. Derrière les hublots, la nuit est tombée depuis longtemps sur l’aéroport de Bamako. À 3h50, le Boeing 737 Max 8 décolle enfin, direction Istanbul. Mais le ministre de la Défense et le chef d’état-major de l’armée de l’air ne s’arrêtent pas sur les rives du Bosphore. Ils embarquent à bord d’un deuxième vol, cette fois à destination de Moscou.

Les deux hommes n’en sont pas à leur premier voyage en Russie. Ils s’y sont déjà rendus à plusieurs reprises en 2021. Mais le timing de ce nouvel aller-retour interroge. Deux semaines plus tôt, Vladimir Poutine envoyait ses avions, ses chars et ses soldats en Ukraine, une offensive faisant de lui un paria aux yeux de la grande majorité de la communauté internationale.

Le déploiement de Wagner

Pour le colonel Camara et le général Diarra, peu importe les lourdes sanctions contre Moscou ou les innombrables condamnations de cette guerre contre le peuple ukrainien : ce 6 mars, en fin d’après-midi, ils débarquent à l’aéroport international de Vnoukovo comme si de rien n’était.

Que sont bien venus chercher ces hauts gradés maliens dans un tel contexte ? Difficile de le savoir précisément. Seule une courte vidéo postée par le ministère russe de la Défense, le 11 mars, permet d’en savoir un peu plus. On y voit le colonel-général Alexandre Fomine, le vice-ministre russe de la Défense, recevoir Sadio Camara dans une grande salle de réunion. Poignée de main, échanges courtois. En commentaire, ce message : « Les parties ont discuté en détail des projets de coopération de défense existants, ainsi que des questions de sécurité régionale en Afrique de l’Ouest. » Parmi les pistes explorées, de nouvelles livraisons d’équipements militaires russes aux Forces armées maliennes (Fama), à l’instar des quatre hélicoptères Mi-171 acquis par Bamako le 30 septembre dernier.

Voilà pour cette réunion au ministère. Pour d’autres sources, il n’y a guère de doute sur le fait que Camara et Diarra ont aussi profité de leur séjour moscovite pour travailler sur un autre dossier : la poursuite du déploiement des mercenaires de Wagner au Mali. Partisan du rapprochement stratégique avec Moscou, Sadio Camara est en effet le principal artisan de l’arrivée de la nébuleuse de l’oligarque Evgueni Prigojine, un proche de Poutine, dans le pays. Alou Boï Diarra, qui connait le ministre de la Défense depuis leur enfance sur les bancs du Prytanée militaire de Kati (PMK), en est le principal exécutant.

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