Cameroun : bienvenue chez les « seigneurs » de Yaoundé

Ils ont connu l’arrivée des Allemands, l’installation des Français, puis l’indépendance. Jeune Afrique a remonté le temps aux côtés des derniers descendants des grandes familles qui ont fondé la capitale camerounaise.

Les hauteurs de Yaoundé, en 2018. © MARCO LONGARI / AFP.

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Publié le 28 avril 2022 Lecture : 14 minutes.

Un coup de sifflet a mis fin aux conversations. Les montres indiquent 17 heures tapantes. La petite dizaine de notables habitués des lieux a quitté la terrasse du Cannibale pour se positionner à l’intérieur du café, face à l’écran de télévision. Les uns ont leur place attitrée, au premier rang. D’autres se perchent sur un tabouret, accoudés au bar. Ces quinquagénaires sont majoritairement avocats ou fonctionnaires. Mais, en ce 13 janvier 2022, tous sont sélectionneurs de l’équipe de football du Cameroun. Les Lions indomptables s’apprêtent à affronter l’Éthiopie pour leur deuxième rencontre de la Coupe d’Afrique des nations (CAN). Le premier match, une victoire sur le Burkina Faso, a été poussif. Alors forcément, les spectateurs du Cannibale ont l’enthousiasme difficile, malgré les quelques bouteilles de bière servies sur les tables.

Augustin Onambélé Fouda a opté pour un doigt de whisky, qu’il a allongé d’un Coca-Cola bien frais. Propriétaire des lieux, il s’est installé à sa place, juste à côté de la porte d’entrée qui donne sur le carrefour Elig-Essono, dans le cœur historique de Yaoundé. Dans cette atmosphère déjà sombre, il fume cigarette sur cigarette. Le longiligne pharmacien ne fait pas montre d’un élan particulier pour son équipe nationale, dont il regrette les gloires passées. Tandis que certains désespèrent de la mauvaise qualité d’une passe, que d’autres réclament l’indulgence pour le geste manqué d’un attaquant, lui quitte régulièrement sa place, n’accordant qu’une attention toute relative à cette rencontre, qui se terminera pourtant par une victoire des Camerounais quatre buts à un.

Succession manquée

Augustin, comme chacun l’appelle ici, n’a de toute façon jamais été le plus démonstratif des hommes. À deux pas d’ici, un cimetière abrite les tombes de sa famille, et une chapelle y a été érigée par son père, André. Il est le patron de ce lieu où les notables de la capitale ont pris l’habitude de venir discuter politique sans concession. Même si une partie des clients sont fonctionnaires, l’appareil d’État n’y a pas bonne presse. Le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) non plus, malgré la présence de certains de ses élus. On y partage autant de verres que de secrets sur les abus des puissants. Quelques-uns trouvent la force de s’indigner, faisant monter le volume sonore des débats. Augustin Onambélé Fouda fait partie des plus « silencieux ».

Son père reste le premier Noir à avoir présidé aux destinées de la ville, qu’il a marquée de son empreinte

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