Duel Macron-Le Pen en France : vraie ou fausse indifférence africaine ?

Le regard du continent sur l’élection présidentielle hexagonale, dont le second tour se tiendra le dimanche 24 avril, oscille entre fier détachement et préférences parfois inattendues.

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Publié le 18 avril 2022 Lecture : 2 minutes.

À en croire les médias français, la dernière ligne droite du scrutin présidentiel prévu dimanche 24 avril ne passionne guère le continent. En grattant le vernis de cette désaffection apparente, on peut pourtant lire ou entendre des couvertures médiatiques certes scolaires, mais nombreuses, et des débats de maquis plus enflammés qu’il n’y paraît.

Je-m’en-foutisme radical

Le mot « France » a été à ce point injecté dans les encres, les salives et les pancartes des manifestations, ces derniers mois, que la reconduction ou l’éjection du régime Macron ne pouvaient laisser indifférent. Et certaines réactions sont parfois assez inattendues. « Que les Français votent Marine Le Pen ! » lancent de nombreux twittos africains, notamment ceux qui militaient, en 2021, pour le retrait des militaires français du Sahel. Et de développer des analyses qui se résument en ces termes : « La France laissera enfin l’Afrique tranquille. » Une sorte de je-m’en-foutisme radical qui tranche avec le soutien presque systématique du continent, ces dernières décennies, aux candidats français de gauche.

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La lignée Le Pen serait-elle dédiabolisée en Afrique aussi ? Si les financements présumés du père, Jean-Marie, par certains régimes africains n’étaient pas du goût des citoyens lambda, ce sont bien des internautes de l’­« Afrique d’en bas » qui valident aujourd’hui le discours global de sa fille, son programme annonciateur de collaborations souverainistes, de funérailles définitives de la Françafrique, d’invitation à ne pas quitter le continent pour mieux le développer, et même de bienveillance à l’égard d’un pouvoir russe qui séduit nombre d’Africains.

D’ailleurs, l’arrivée de Le Pen au pouvoir ne serait pas incompatible avec l’affection pour le continent, si l’on en croit les suffrages qu’elle obtient – certes, minoritaires­– parmi les expatriés français qui ont fait le choix de s’y installer. Simple nostalgie néocoloniale ?

Inquiétude de la diaspora « légale »

Si le manque d’intérêt d’une présidentiable française pour l’Afrique devient paradoxalement une sorte d’atout, les positions du Rassemblement national sur l’immigration (fin du droit du sol, suppression du regroupement familial, limitation du droit d’asile, durcissement de l’accès aux visas et à la nationalité française) continuent d’inquiéter la diaspora « légale », qui devrait – si elle était élue – composer avec la « priorité nationale », ainsi bien sûr que les clandestins, qui seraient la cible d’une traque plus implacable, et même les Africains restés sur le continent, qui reçoivent des mandats des uns ou des autres.

Face à Marine Le Pen, Emmanuel Macron, lui, ne parle de l’Afrique qu’en prolongeant des discours assez vagues de « changement du rapport de la France au continent africain », lequel continuerait d’être « un axe tout à fait stratégique et prioritaire de la politique étrangère » du pays. Dans la continuité de « happenings » qui furent parfois perçus comme cosmétiques, ouagalais (débats sans filtre avec des étudiants) ou montpelliérains (sommet Afrique-France sans chefs d’État africains).

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Quant aux plus intellectuels des observateurs, ils seront peut-être les seuls à s’attarder sur la place accordée à la francophonie – prioritaire pour Le Pen, moins exclusive pour Macron –, sur le rapport à l’histoire commune – plus pénitent chez Macron que chez Le Pen – ou encore sur la restitution d’œuvres d’art ou la réforme du franc CFA. Dans une indifférence apparente aux résultats du scrutin français, chaque Africain voit donc midi à sa porte.

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