Sénégal : quand le trafic de bois alimente la rébellion en Casamance
« Trafic de bois : les coulisses du pillage » (3/5). Entre le Sénégal et la Chine, via la Gambie, le commerce illicite de bois de rose continue de prospérer. Une catastrophe écologique qui génère des sommes colossales et finance la lutte armée.
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© MONTAGE JA : JOHN WESSELS/AFP
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Trafic de bois : sur la piste d’un crime environnemental
D’Abidjan à Yaoundé, en passant par Kinshasa et Dakar, Jeune Afrique a enquêté sur le trafic de bois, un pillage qui menace le continent.
Son nom pourrait évoquer quelque dinosaure tout droit sorti du film Jurassic Park. Mais pterocarpus erinaceus n’a rien d’un ptérodactyle reconstitué sur grand écran, à partir de son ADN, afin de donner des frissons aux adolescents. Au sud du Sénégal, cette espèce de bois précieux – appelée, indifféremment, bois de rose ou bois de vène – a longtemps été l’un des trésors secrets des vertes forêts de la Casamance. Trésor écologique s’entend, avant que son exploitation sauvage et son commerce clandestin ne se transforment en un business juteux au carrefour du Sénégal, de la Gambie et de la Chine. Avec, en toile de fond, une rébellion armée qui a vite compris quel intérêt en tirer pour se financer.
Embuscade meurtrière
Le 24 janvier 2022, un accrochage meurtrier est venu rappeler que le conflit ancien dans cette région méridionale du Sénégal ne relevait pas seulement des revendications indépendantistes du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC). Cette rébellion, qui sévit depuis 40 ans – la plus ancienne d’Afrique -, est aujourd’hui scindée en deux maquis distincts qui entretiennent conjointement un conflit de basse intensité face aux forces armées sénégalaises. Au sud, à la frontière bissau-guinéenne, César Atoute Badiate maintient une pression relative après avoir fait scission avec son frère ennemi, l’incontrôlable Salif Sadio, puis avoir opté pour un cessez-le-feu.
Au nord, dans la zone qui jouxte la frontière gambienne, ce dernier reste, lui, actif militairement. C’est entre les rebelles emmenés par Salif Sadio et les « Diambars » (le surnom des soldats sénégalais) qu’a eu lieu le récent accrochage à l’origine d’un possible virage dans le conflit. Quatre militaires sénégalais y ont trouvé la mort tandis que sept autres ont été provisoirement retenus en otages. Et au cours des mois suivants, une offensive de l’armée sénégalaise a traduit l’intention de Dakar d’en finir avec cette rébellion qui se voudrait irréductible.
Au lendemain de l’affaire, le 25 janvier 2022, un communiqué de presse de la Direction des relations publiques des armées (Dirpa) vient lever une zone d’ombre sur le casus belli. Signé du lieutenant-colonel Saliou Ngom, celui-ci indique que l’échange de coups de feu survenu la veille s’est déroulé « en Gambie, au sud de Bwiam […], dans le cadre d’une action de sécurisation et de lutte contre les trafics illicites, notamment contre l’exploitation criminelle du bois sur la frange frontalière avec la Gambie ».
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