Algérie : pourquoi Alger veut couper le gaz à l’Espagne

Dans un contexte de fortes tensions diplomatiques entre Alger et Madrid, Sonatrach menace de ne plus fournir l’Espagne en gaz, l’accusant à mots couverts de le rétrocéder au Maroc.

Complexe de Hassi Messaoud, à Ouargla. © J-F ROLLINGER/Only World via AFP

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Publié le 28 avril 2022 Lecture : 3 minutes.

Nouvel épisode dans la crise politique entre l’Algérie et l’Espagne. Et celui-ci est suffisamment grave pour détériorer un peu plus les relations algéro-espagnoles. Le 27 avril, le ministère algérien de l’Énergie et des Mines, Mohamed Arkab, a menacé de rompre le contrat de fourniture de gaz à l’Espagne si cette dernière venait à l’acheminer « vers une destination tierce ».

Selon un communiqué officiel, le ministre a été informé par un message électronique de son homologue espagnole, Teresa Ribera, de la décision de l’Espagne d’autoriser le fonctionnement, en flux inverse, du Gazoduc Maghreb Europe (GME) et que « cette opération interviendra ce jour ou demain ».

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Le GME a été fermé en octobre 2021 par l’Algérie après la rupture, en août, de ses relations diplomatiques avec le Maroc, privant ainsi le voisin de l’ouest du gaz algérien acheminé en Espagne via le royaume.

Sécurité énergétique

En vertu des dispositions du GME, le Maroc couvrait 97 % de ses besoins en gaz en le prélevant directement sur les quantités transitant sur son territoire, au titre des droits de passage, et en l’achetant à un tarif préférentiel au géant algérien Sonatrach.

Seulement, le 3 février, le gouvernement espagnol a annoncé qu’il allait aider le Maroc à « garantir sa sécurité énergétique » en lui permettant d’acheminer du gaz à travers le GME, en inversant donc le sens de circulation du gaz.

L’Espagne a pourtant continué à recevoir du gaz algérien, via le gazoduc sous-marin Medgaz, d’une capacité de 10 milliards de mètres cubes par an. Entré en activité en 2011, Medgaz est le fruit d’un partenariat entre Sonatrach et Medina Partnership (50 % détenus par la société espagnole Naturgy et 50 % par la compagnie américaine BlackRock). C’est ce gazoduc que l’Algérie menace de fermer.

Alger ne précise pas l’identité de cette destination tierce, mais il s’agit sans aucun doute du Maroc

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Mohamed Arkab a ainsi averti le 27 avril que tout acheminement de « quantité de gaz naturel algérien livré à l’Espagne, dont la destination n’est autre que celle prévue dans les contrats, sera considéré comme un manquement aux engagements contractuels, et par conséquent, pourrait aboutir à la rupture du contrat liant Sonatrach à ses clients espagnols ».

Alger ne précise pas l’identité de cette destination tierce, mais il s’agit sans aucun doute du Maroc. « En aucun cas le gaz acquis par le Maroc ne sera d’origine algérienne », a assuré, le 27 avril, au soir le ministère espagnol de la Transition écologique en réponse au communiqué algérien.

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Le département que dirige Teresa Ribera précise que « l’activation de ce mécanisme a été discutée avec l’Algérie ces derniers mois et communiquée aujourd’hui [le 27 avril, ndlr] au ministre algérien ».

Colère d’Alger

Ce mécanisme permettrait donc au Maroc de pouvoir acheter du gaz naturel liquéfié (GNL) sur les marchés internationaux, de se le faire livrer en Espagne, où il sera regazéifié avant d’être acheminé vers le royaume via le GME. Depuis 2020, Madrid a diversifié ses sources d’approvisionnement en gaz. En 2020, les États-Unis sont ainsi devenus le plus gros exportateur de gaz naturel vers l’Espagne.

La menace d’Alger de couper le gaz à l’Espagne intervient dans un contexte de vives tensions après la décision espagnole en mars de soutenir le plan d’autonomie du Maroc pour le Sahara occidental.

Sonatrach va-t-elle rompre le contrat avec le risque d’engager une coûteuse bataille judiciaire avec le partenaire espagnol ?

Alger avait alors immédiatement rappelé son ambassadeur à Madrid pour consultation et annoncé qu’il allait prendre des mesures de rétorsion. Début avril, le PDG de Sonatrach n’a pas écarté l’hypothèse d’augmenter les prix du gaz fourni à l’Espagne tout en précisant que son pays respecte les contrats avec ses clients.

Ce communiqué du ministère de l’Énergie et des Mines change donc la donne et semble remettre en question la volonté des Algériens de respecter ces contrats, notamment avec l’Espagne. C’est que depuis une année, Naturgy est en négociation avec Sonatrach pour le renouvellement du contrat, indiquait début avril son président .

« Le contrat qui nous lie à Sonatrach est très complexe de par les clauses et les prix qu’il contient, a récemment expliqué le président de la société espagnole, Francisco Reynès. Bien que les tarifs doivent être révisés périodiquement, le contrat est en vigueur jusqu’en 2032 avec une valeur d’environ 12 milliards d’euros. »

Sonatrach va-t-elle rompre ce contrat avec le risque d’engager une longue et coûteuse bataille judiciaire avec le partenaire espagnol ? La colère de l’Algérie après le revirement espagnol sur le dossier du Sahara laisse à penser qu’elle y est prête.

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