Sénégal : Macky Sall et la « peste » des réseaux sociaux

Alors que le Sénégal recule dans le classement de la liberté de la presse de Reporters sans frontières, le président annonce son intention de réguler davantage Facebook, Instagram ou encore TikTok.

 © Damien Glez

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Publié le 5 mai 2022 Lecture : 2 minutes.

« Cancer des sociétés modernes » et « peste mondiale » : en plein débat international sur le projet d’Elon Musk de « débrider » Twitter , le loquace Macky Sall ne dépeint pas les réseaux sociaux avec le dos de la cuillère. Devant des organisations syndicales, le 3 mai, le président sénégalais a annoncé vouloir contrer les dérives d’Internet dans le but de sauvegarder l’intérêt national et la dignité des personnes. « Aucune société organisée ne peut accepter ce qui se passe aujourd’hui chez nous. Nous allons y mettre un terme d’une façon ou d’une autre », a martelé le chef de l’État, non sans préciser que la régulation tiendrait compte des conclusions des récentes Assises de la presse.

Chacun s’accorde sur le fait qu’une modération des espaces numériques de libre expression est aussi impérative que complexe. Mais certains observateurs se demandent si le réel souci de Macky Sall ne serait pas la capacité de mobilisation des réseaux. Les violences qui ont suivi, en mars 2021, l’arrestation d’Ousmane Sonko et les tensions de janvier dernier, lors des élections locales, ont été exacerbées par les publications sur les réseaux sociaux. Faut-il pour autant jeter le bébé de la démocratisation numérique avec l’eau du bain ?

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Recul de 24 places

Certains rappellent que la liberté d’expression sur Instagram, Facebook ou TikTok est la cousine de la liberté de presse – dont c’était d’ailleurs la journée mondiale ce 3 mai. Or le Sénégal a reculé de 24 places dans le dernier classement mondial établi par Reporters sans frontières – avec un score tout de même honorable (73e place sur 180 pays).

Il y a quelques mois, plusieurs organisations de la société civile s’étaient émues de certains décrets d’application de la dernière version du code de la presse sénégalais. Les journalistes risquent ainsi jusqu’à deux ans de prison pour des faits de diffamation ou trois ans pour la publication de « nouvelles fausses » susceptibles de « porter atteinte au moral de population » ou de « jeter le discrédit sur les institutions publiques ». Le nombre d’années requis pour prétendre au titre de directeur de publication et de rédacteur en chef est respectivement de dix et sept ans. Et une autorité administrative compétente peut tenter d’obtenir la fermeture d’un média sans le contrôle d’un juge, en cas d’atteinte à la sécurité de l’État ou d’incitation à la haine…

Au Burkina, la volonté de Kaboré de paralyser Facebook avait fait déborder le vase du mécontentement populaire

Le numérique, déjà, est cerné par un code appliqué de façon rétroactive, notamment en ce qui concerne le nombre minimum d’employés dans une rédaction en ligne ou l’expérience de ses responsables. Cette croisade s’étendra-t-elle bientôt aux réseaux sociaux ? Du fond de sa vraie-fausse liberté, le déchu burkinabè Roch Marc Christian Kaboré sait que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase du mécontentement populaire fut, deux mois avant le putsch, la volonté de paralyser Facebook via la suspension des connexions mobiles.

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