Cop15 : Abidjan, épicentre de la lutte mondiale contre la désertification

Organisée du 9 au 20 mai en Côte d’Ivoire, la COP15 sera un moment crucial à l’heure où 40 % des terres du globe sont dégradées. Une situation qui affecte 4 milliards de personnes et devrait coûter 23 000 milliards de dollars d’ici à 2050.

Projet de reforestation dans le village de Malamawa, au Niger, en 2019. © LUIS TATO/AFP

photo abou bamba ONU
  • Abou Bamba

    Secrétaire exécutif de la Convention d’Abidjan sur les écosystèmes marins et côtiers en Afrique de l’Ouest, du Centre et du Sud – ONU Environnement.

Publié le 8 mai 2022 Lecture : 4 minutes.

Multiplication des feux, séquestration du CO₂ en baisse, intensification de l’érosion, baisse de la fertilité des parcelles agricoles… La déforestation et l’épuisement des sols sont synonymes de pauvreté, de précarité alimentaire, de propagation à l’homme de nouvelles maladies infectieuses, de migrations et de conflits. La dévastation des écosystèmes et l’instabilité sociale et économique étant plus que jamais liées, nul ne peut désormais minimiser ces menaces.

Environ 4 millions d’hectares de forêt disparaissent chaque année en Afrique

Après l’Inde en 2019, la Côte d’Ivoire a eu l’honneur d’être retenue pour accueillir la COP15 consacrée à ces questions. Cette conférence internationale, la plus grande jamais organisée dans le pays par les Nations unies, réunira plus de 5 000 délégués, des centaines d’organisations régionales et internationales, plusieurs dizaines de chefs d’État et de gouvernement, des représentants de la société civile et des PDG de grands groupes privés autour d’une cause commune : améliorer la gestion durable de la terre comme levier de développement économique et social.

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Une large place sera accordée aux femmes, qui assurent l’essentiel de l’activité agricole et dont les revenus financiers ne reflètent pas les efforts, ainsi qu’aux jeunes, les agriculteurs de demain qui doivent être formés à des techniques plus durables.

Sécurité alimentaire et reforestation

Face à l’explosion démographique et à l’urbanisation galopante en Afrique, face aux perspectives alarmantes du GIEC en matière de réchauffement climatique, face à la menace que représente la guerre en Ukraine sur l’approvisionnement agricole pour les pays africains, il est urgent de tout mettre en œuvre pour assurer notre sécurité alimentaire et la reforestation.

Environ 4 millions d’hectares de forêt disparaissent chaque année en Afrique du fait notamment de la recherche de sols fertiles, de l’exploitation minière et de la collecte de bois. Cela représente une diminution annuelle de 3 % du PIB du continent.

Arrêtons de dissocier les problématiques du changement climatique, de la diversité biologique et de la restauration des sols

À son échelle, la Côte d’Ivoire a perdu plus de 92 % de ses forêts primaires en soixante ans, ce qui accélère les effets du réchauffement climatique. Conjuguée à l’épuisement des sols, cette situation a entraîné la dégradation d’environ 60 % de ses terres arables, d’où une baisse drastique de la productivité agricole sur plusieurs parcelles dans le pays.

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À titre d’exemple, la production à l’hectare du riz n’atteint que 1,5 tonne en Côte d’Ivoire contre 10,29 tonnes en Australie. Quant à celle de la canne à sucre, elle ne dépasse pas les 78,66 tonnes en Côte d’Ivoire contre 129,05 tonnes au Guatemala.

Face à ces problématiques, le choix de la Côte d’Ivoire comme pays-hôte s’est imposé au vu du potentiel économique que représente son secteur agricole, qui emploie 70 % de la population active et pèse 24 % de son PIB, et de son engagement en matière de protection des sols.

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Le pays a notamment élaboré un Plan national de lutte contre la dégradation des terres en phase avec le cadre décennal (2008-2018) de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CNULD), adhéré au programme « Neutralité en matière de dégradation des terres » (NDT) et multiplié les initiatives de protection de la forêt.

Plusieurs personnes ont par ailleurs été interpellées pour de graves infractions à la législation sur la gestion durable des forêts. Ces actions ont permis de juguler le taux annuel de déforestation en Côte d’Ivoire.

Le tournant de l’ « Initiative d’Abidjan »

La COP15 sera l’occasion de faire un pas de plus avec l’officialisation par Alassane Ouattara de l’« Initiative d’Abidjan », qui ambitionne de mobiliser entre 1 et 2 milliards de dollars auprès des bailleurs de fonds et en ressources domestiques pour restaurer les terres dégradées et augmenter sensiblement la production agricole en Côte d’Ivoire d’ici à 2050.

Si ce pays doit montrer la voie, ce programme appellera plus globalement, les États et le secteur privé à œuvrer pour la durabilité des chaînes de valeur des principales cultures tout en intégrant des alternatives de production capables de résister à l’impact du changement climatique et de protéger les sols.

L’« Initiative d’Abidjan » doit permettre de transformer la trajectoire du développement de la Côte d’Ivoire au cours des 30 prochaines années tout en résolvant les problèmes liés à la gestion des terres et la déforestation. Pour notre pays, il s’agit de concilier protection de l’environnement et amélioration des conditions de vie des populations en zone rurale, en particulier des femmes et des jeunes.

L’opportunité d’inverser la tendance est à notre portée

Pour nous, organisateurs, cette feuille de route restera comme l’héritage politique de la COP15. Elle contribuera au rayonnement de la Côte d’Ivoire et à son leadership sur ces thématiques dans la sous-région et dans le monde pendant les deux ans où notre pays assurera la présidence de la COP15. Tout au long de cette période, Alassane Ouattara devra rendre compte aux Nations unies de ses activités en tant que porte-étendard de la lutte contre la dégradation des sols.

Face à des progrès réels, mais encore largement insuffisants, il restera à exploiter pleinement l’opportunité de remettre les terres en état de production durable et de protéger la biodiversité à travers la reforestation. Arrêtons de dissocier les problématiques liées au changement climatique, à la diversité biologique et à la restauration des sols : cette approche en silos, qui nourrit les divergences, a prouvé son inefficacité.

L’opportunité d’inverser la tendance est à notre portée, sous-tendue par des enjeux de taille : nourrir une population galopante, améliorer les conditions de vie des femmes rurales, créer des emplois pour les jeunes, tout en freinant la dégradation des écosystèmes et en atténuant la menace existentielle que représente le réchauffement climatique.

Donnons-nous les moyens de transformer véritablement nos trajectoires de développement pour les décennies à venir.

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