Nucléaire iranien : « Dans le contexte actuel, Moscou ne veut pas accélérer les négociations »

Depuis le début de la guerre en Ukraine, les pourparlers entre l’Iran et les pays du P5+1 semblent au point mort. Entretien avec Azadeh Kian, professeure de sociologie et spécialiste de la région.

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian, aux côtés de son homologue russe, Sergey Lavrov, lors d’une conférenc de presse conjointe, à Moscou, le 15 mars 2022. © Iranian Ministry of Foreign Affairs/Anadolu Agency via AFP.

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Publié le 18 mai 2022 Lecture : 6 minutes.

L’accord de Vienne, signé en 2015, concernait l’Iran et six puissances majeures de la communauté internationale (communément appelés les P5+1, ou encore EU 3+3) : la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la Russie et la Chine et les États-Unis. Approuvé par le Congrès américain et le parlement iranien, ce projet prévoyait de limiter l’enrichissement d’uranium et la production de plutonium, de diminuer le nombre de centres nucléaires, de renforcer les inspections de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et de maintenir l’embargo sur les armes offensives (comme les missiles balistiques).

En s’engageant à mettre en œuvre puis à ratifier le protocole additionnel permettant les inspections de l’AIEA, Téhéran espère une levée des sanctions. Pendant trois ans, ces concessions s’avèrent bénéfiques : la croissance reprend de l’élan et près de 135 milliards d’euros d’avoirs gelés à l’étranger sont débloqués. Toutefois, en mai 2018, le président Donald Trump annonce le retrait des États-Unis et le rétablissement des sanctions économiques « les plus élevées ». Motif : l’Iran ne respecterait pas ses engagements, même si les rapports de l’AIEA affirment le contraire. S’ensuivent pour Téhéran une dévalorisation brutale de la monnaie, une montée en flèche du chômage et une inflation historique.

L’approche européenne est différente, puisque la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont mis en place, en 2019, le mécanisme de troc Instex, censé garantir le maintien des échanges commerciaux avec l’Iran. L’échec de cette mesure — surtout symbolique — pousse l’Iran à relancer, deux ans plus tard, l’enrichissement de son uranium ainsi que la construction du réacteur à eau d’Arak. Avec l’arrivée à la Maison-Blanche du démocrate Joe Biden, les négociations entre les P5+1 et l’Iran reprennent, tant bien que mal, en avril 2021… Pour rencontrer une nouvelle impasse, un an plus tard. L’invasion russe en Ukraine pourrait également avoir rigidifié la position de certaines parties.

Pour Jeune Afrique, la spécialiste de la région et professeure de sociologie à l’université Paris Cité, Azadeh Kian explicite les implications, à la fois socio-économiques et géopolitiques de la concrétisation d’un tel accord.

Les négociations entre l’Iran et les autres signataires de l’accord nucléaire de 2015 semblent au point mort depuis plusieurs mois. Qu’est-ce qui bloque encore aujourd’hui ?

Azadeh Kian : Le maintien, par les États-Unis, des Gardiens de la révolution islamique [CGRI, appelés « pasdarans »] sur la liste noire américaine des « organisations terroristes » représente le principal point de blocage. Les Iraniens sont décidés à faire changer cela, mais il semble que les Américains refusent de fléchir sur ce point sensible des négociations.

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Les pasdarans ne représentent pas seulement l’élite militaire de Téhéran : ils sont également un acteur majeur, voire l’acteur principal, de son économie. Et c’est sans compter leur légitimité, qui en fait la force principale du régime. Les considérer comme une force terroriste revient à déprécier le pouvoir iranien dans son ensemble.

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