Football : la colère de Belmadi pour relancer l’Algérie
Après une CAN ratée et une non-qualification pour la Coupe du monde, le sélectionneur des Fennecs est très nerveux. Il espère une victoire face à l’Ouganda puis à la Tanzanie, les 4 et 8 juin, lors des qualifications pour la CAN 2023.
Il paraît que la colère est mauvaise conseillère. Ce n’est pas l’avis de Djamel Belmadi. Depuis l’élimination, le 29 mars, de l’Algérie par le Cameroun en barrage retour des qualifications pour la Coupe du monde (1-2, 1-0 à l’aller), le sélectionneur a consacré chacune de ses interventions médiatiques à critiquer, parfois en des termes très virulents, l’arbitrage du gambien Bakary Gassama, coupable à ses yeux et à ceux de millions de ses compatriotes, d’avoir joué un rôle prépondérant dans l’échec d’une équipe déjà sonnée par une Coupe d’Afrique des nations (CAN) désastreuse.
D’aucuns auraient pu penser que l’ancien milieu de terrain de Marseille, 46 ans, reviendrait un peu plus apaisé lors de la conférence de presse organisée à Alger le 30 mai, afin de parler des deux matchs de qualification pour la CAN 2023. Placés dans un groupe qui comprend également le Niger, les Fennecs devront faire face à l’Ouganda (le 4 juin à Alger) et à la Tanzanie (le 8 juin à Dar es-Salaam). Bien sûr, Belmadi s’est expliqué sur la présence, ou non, de certains joueurs dans l’équipe, assurant que les portes de la sélection n’étaient fermées à personne – même pas à Andy Delort ! Celui-ci s’était pourtant attiré l’ire – déjà – du sélectionneur et des supporters des Fennecs en octobre, lorsqu’il avait renoncé à la précédente CAN, préférant à l’équipe nationale l’OGC Nice, son nouveau club depuis l’été 2021. Mais rien n’y fait, le champion d’Afrique reste toujours très énervé, et n’en a pas fait mystère.
Mauvais perdant
Promis, juré, Belmadi compte se servir de sa colère, il assure même qu’elle « nous aider[a] à repartir ». Celui qui « n’a pas du tout aimé la façon dont le match face au Cameroun s’est déroulé, surtout [à] la fin », n’a rien perdu de sa verve, reprochant au passage aux journalistes algériens « de ne pas avoir fait leur travail en ne soutenant pas la sélection nationale ». Une attaque qui n’a guère étonné Yazid Ouahib, chef du service des sports d’El Watan. « Belmadi estime que la presse doit le soutenir, ce qui signifie qu’il n’accepte pas la critique. Persuadé d’avoir toujours raison, il refuse de parler de ses propres responsabilités. Sa tendance à voir des complots partout et ce type de discours n’apaisent en rien la situation. »
Le sélectionneur algérien, dont la communication se limite essentiellement aux conférences de presse et aux interviews accordées au média de la fédération algérienne, n’a jamais recherché la compagnie des journalistes, mais ses prises de parole passent rarement inaperçues. « L’exercice médiatique n’est pas celui qu’il préfère, c’est entendu. Dans un milieu tout de même très aseptisé, il a dit tout haut ce que beaucoup de personnes pensent sur la question de l’arbitrage en Afrique. Il a ressenti une grande injustice lors du match retour face au Cameroun, ce qui l’a poussé à communiquer ainsi. Et si cela a écorné son image, c’est surtout auprès de ceux qui veulent que rien ne change », intervient l’ancien international marocain Abdeslam Ouaddou, qui a joué avec Belmadi à Valenciennes avant d’évoluer sous ses ordres à Lekhwiya (Qatar), puis d’effectuer un stage dans l’équipe technique des Fennecs en 2020 dans le cadre de sa formation d’entraîneur.
Après avoir pris le temps de la réflexion, Belmadi a prolongé il y a moins de deux mois sur le banc algérien, avec pour mission de qualifier son équipe pour la CAN 2023 en Côte d’Ivoire. Si son aventure entamée en juillet 2018 a été symbolisée par la conquête de la CAN 2019 en Égypte et une série d’invincibilité de 35 matchs, ses déclarations envers l’arbitre gambien ont donné à une partie de son auditoire le sentiment que le technicien, peu habitué à la défaite, ne savait ni l’accepter ni même en assumer la responsabilité. « Il a eu des résultats, mais ses propos donnent l’impression d’être un mauvais perdant », commente l’ancien international camerounais Patrick Mboma, qui a connu Belmadi au Paris Saint-Germain au début de leurs carrières respectives. « C’est un bon entraîneur, à même de rebondir, fait-il néanmoins valoir. Ce sera intéressant de le découvrir dans un nouveau contexte, après deux échecs et avec une équipe qui a pas mal changé. »
Gros enjeux
Nasser Sandjak, qui fût le premier sélectionneur algérien à convoquer Djamel Belmadi chez les Fennecs, en 2000, souligne la nervosité de son ancien joueur : « Il se met beaucoup de pression et a tendance à la transmettre à son groupe, ce qui peut être négatif. Djamel a opéré un travail énorme avec l’équipe, mais il faut qu’il apprenne à reconnaître ses erreurs, à accepter les critiques et les questions sur ses choix de joueurs, ses choix tactiques. Il avait fait de la Coupe du monde un tel objectif, que la frustration de l’échec subi est à la hauteur de la pression. »
« Belmadi n’a pas choisi la facilité en continuant, alors qu’il aurait pu trouver un club dans le Golfe persique et gagner beaucoup plus d’argent. C’est quelqu’un de droit et honnête, guidé par la passion, qui ne prend aucune décision sans l’avoir mûrement réfléchi », défend, lui aussi, Abdeslam Ouadou.
En Algérie, même s’il reste populaire, Belmadi a pu lasser une partie des supporters et des journalistes. Et le technicien ne peut plus guère compter sur le soutien de sa fédération, puisque Charaf-Eddine Amara, son président et avec lequel il ne s’est jamais vraiment entendu, est sur le départ. « Il jouera très gros lors de ces éliminatoires », prévient Sandjak. « Si les deux premiers résultats sont bons, il sera tranquille jusqu’aux suivants, en septembre. À l’inverse, ses détracteurs ne le rateront pas… Il peut relancer une dynamique, mais il faut qu’il apprenne de ses erreurs ! »
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