La Russie profitera-t-elle de l’arrivée du Mozambique au Conseil de sécurité de l’ONU ?

Maputo, que des liens étroits lient à Moscou et qui s’est jusqu’à présent abstenu de condamner la guerre en Ukraine, bénéficiera du statut de membre non permanent à compter de janvier 2023.

Filipe Nyusi, le président du Mozambique, lors du débat général de la soixante-treizième session de l’Assemblée générale de l’ONU, en 2018. © United Nations Photo

Publié le 14 juin 2022 Lecture : 4 minutes.

Il y a un début à tout : le 1er janvier 2023, le Mozambique rejoindra pour la première fois de son histoire le Conseil de sécurité de l’ONU en tant que membre non permanent. Il a été élu lors de la session du 9 juin à New York, après que l’Union africaine (UA) a présenté sa candidature, et il succédera donc au Kenya, dont le mandat de deux ans arrive bientôt à son terme. L’Équateur, le Japon, Malte et la Suisse feront par la même occasion leur entrée au Conseil de sécurité.

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Maputo, qui est en butte à une insurrection islamiste depuis 2017 dans la province du Cabo Delgado, située dans le nord de son territoire, devrait sans surprise faire de la lutte contre le terrorisme l’une des priorités de son mandat. C’est également l’un des pays du continent les plus exposés aux conséquences du changement climatique, frappé aussi bien par des sécheresses que par des inondations et régulièrement touché par des tempêtes tropicales. Mais ce n’est pas ce qui suscite l’intérêt des observateurs.

Dans les couloirs des Nations unies, on se demande déjà comment le Mozambique se positionnera par rapport à la guerre en Ukraine. Les trois pays africains actuellement membres du Conseil – le Kenya, le Ghana et le Gabon – ont en effet tous voté en faveur de la résolution du 2 mars, laquelle dénonçait l’invasion russe, tandis que le Mozambique fait partie des 17 États du continent qui ont préféré s’abstenir.

Exercice d’équilibriste

« Maputo, au grand dam de Washington, est resté relativement neutre ou du moins a essayé de l’être, explique Emilia Columbo, du programme Afrique du Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS). Mais c’est un difficile exercice d’équilibriste, car les États-Unis soutiennent, par le biais de programmes de formation, les efforts fournis dans le Cabo Delgado. Depuis des années, ils sont les principaux bailleurs de fonds du Mozambique. »

De fait, les États-Unis déversent chaque année des millions de dollars sur le Mozambique, lesquels sont principalement alloués au secteur de la santé. Mais ils ont également envoyé des membres des forces spéciales pour aider à former leurs homologues mozambicains à la lutte contre la guérilla islamiste, considérée par l’administration américaine comme une organisation terroriste depuis mars 2021.

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Si la situation est complexe, c’est parce que le Mozambique entretient aussi des liens étroits et anciens avec la Russie. À l’époque soviétique, Moscou a soutenu le Front de libération du Mozambique (Frelimo) dans sa lutte contre le colon portugais. Le Frelimo est depuis arrivé au pouvoir (il est aux commandes depuis l’indépendance de 1975), et la Russie a continué à fournir au pays une assistance sécuritaire soutenue. Selon diverses sources, Moscou maintiendrait d’ailleurs une présence militaire dans le Cabo Delgado, alors même que les mercenaires du groupe Wagner en sont officiellement partis en 2020.

La Russie est toujours avec le Mozambique, et le Mozambique est toujours avec la Russie

Signe de cette proximité, la présidente de la Chambre haute du Parlement russe, Valentina Matvienko, a conduit une délégation d’élus à Maputo à la toute fin de mai pour discuter de l’approfondissement des liens entre la Russie et le Mozambique avec le président Filipe Nyusi.

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Valentina Matvienko passe pour être l’une des femmes les plus puissantes de Moscou. Elle fait partie des personnalités qui ont été sanctionnées par le département du Trésor américain, fin février, en réponse à l’invasion de l’Ukraine – au même titre que le président, Vladimir Poutine, et que le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Un sommet bilatéral a été programmé dans la capitale russe pour le mois prochain et, lors de sa visite, Valentina Matviyenko a annoncé que Moscou préparait un deuxième raout Russie-Afrique après celui de Sotchi, en octobre 2019. « La Russie est toujours avec le Mozambique, et le Mozambique est toujours avec la Russie », a de son côté déclaré la présidente de l’Assemblée nationale mozambicaine, Esperança Bias.

Pour autant, Maputo et Moscou ne sont pas d’accord sur tout. L’année dernière, les pays africains s’étaient unis pour faire avancer une résolution liant le changement climatique à divers problèmes sécuritaires, dont le terrorisme, et la Russie y avait opposé son veto.

Quelle que soit l’approche qu’adoptera le Mozambique lorsqu’il siègera au sein du Conseil, celle-ci sera scrutée de près. La tribune qu’offre une place de membre, même non permanent, présente nombre d’avantages, mais pas uniquement. « En tant que nouveau membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, il a maintenant la responsabilité de montrer le bon exemple et de veiller à ce que les auteurs de violations des droits humains dans tout le pays, y compris des membres des forces de sécurité, soient traduits en justice », a déjà prévenu sur Twitter Zenaida Machado, chercheuse principale pour l’Angola et le Mozambique à Human Rights Watch.

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