Allemagne : Karamba Diaby, le défricheur

Représentant du parti social-démocrate à Halle (Saxe-Anhalt), ce Sénégalais est devenu le premier député d’origine africaine au Parlement allemand.

Si ses racines sont au Sénégal, Karamba Diaby fait de la politique pour ceux qui l’ont élu. © Jens Schlueter/AFP

Si ses racines sont au Sénégal, Karamba Diaby fait de la politique pour ceux qui l’ont élu. © Jens Schlueter/AFP

Publié le 20 septembre 2013 Lecture : 4 minutes.

En ce mardi soir, les sociaux-démocrates allemands organisent leur première rencontre postélectorale. Au milieu des nouveaux et des anciens députés, Karamba Diaby ne passe pas inaperçu. Tous connaissent au moins son nom, sa circonscription ou une partie de son histoire. Il faut dire que, en tant que premier député d’origine africaine à entrer au Parlement allemand, ce natif de Casamance (Sénégal) fait l’objet depuis six mois d’une attention toute particulière de la part de la presse mondiale. « Au début, j’étais irrité, confie l’homme de 51 ans. Je voulais être considéré en ma qualité de membre du SPD et non pour la couleur de ma peau ou mon identité. Puis je me suis dit que ma candidature et mon élection en tant que député pouvaient servir à ouvrir un débat sur la trop faible représentativité des personnes d’origine étrangère en Allemagne. » L’élection pour la CDU de Charles M. Huber, fils d’un diplomate sénégalais à Munich, montre d’ailleurs que la société allemande commence peut-être à changer.

>> Lire aussi « Charles M. Huber, descendant de Senghor, député et « Allemand comme tous les autres »

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Comment cet orphelin de Marsassoum en est-il venu à embrasser un destin national en Allemagne ? Issu d’une famille pauvre, élevé par sa soeur, il a très tôt été confronté à l’injustice et s’est impliqué dans les mouvements étudiants de gauche. Mais c’est grâce à la chimie qu’il s’est envolé, en 1986, vers l’ancienne Allemagne de l’Est (RDA), un pays situé alors derrière le rideau de fer. « Après le bac, j’avais sollicité une bourse dont le but était d’encourager les étudiants à poursuivre leur formation dans un pays de l’ancien bloc socialiste. J’avais donc coché trois disciplines – l’électronique, la chimie et l’agronomie – et trois destinations – la RDA, la Bulgarie et la Tchécoslovaquie. » Arrivé à Leipzig, il est pris en main par le pays qui l’accueille, apprend l’allemand, poursuit un doctorat. Tenant à s’investir dans les associations, où il est souvent la seule personne étrangère, il prend des responsabilités au sein du Conseil des étrangers de l’université. Mais s’il estime avoir eu des facilités pour s’intégrer, le rêve de retourner au pays ne le quitte pas avant le milieu des années 1990. « J’ai cherché du travail dans la chimie au Sénégal, sans succès. Entre-temps, notre fille est née », se souvient ce père de deux enfants de 18 ans et 11 ans marié à une Allemande rencontrée pendant ses études. Il s’établit à Halle, ville de 230 000 habitants à 200 km au sud-ouest de Berlin, où il devient président du Conseil des étrangers puis conseiller municipal.

Le grand saut, il l’accomplit en 2001 en adoptant la nationalité allemande et en abandonnant la sénégalaise. Un choix longtemps repoussé. « J’ai toujours eu l’intention de contribuer au débat politique, ce qui impliquait d’adopter la citoyenneté allemande. Mais je trouvais injuste qu’en tant que Sénégalais je sois obligé d’abandonner ma nationalité, alors que pour d’autres pays, européens par exemple, ça n’est pas nécessaire. » Il s’est décidé en 1999, alors qu’une poignée d’élus de droite lançait une pétition contre la double nationalité, rencontrant un grand succès parmi la population et suscitant même un flot de remarques racistes.

Après son adhésion au SPD, en 2008, tout s’enchaîne. Aux élections fédérales de 2013, il présente sa candidature à Halle, sous le slogan « La diversité crée des valeurs ». Toujours souriant, d’un contact facile, il séduit les électeurs, qui lui accordent 23 % de leurs voix. Un score insuffisant face à son concurrent de la CDU, mais qui lui permet de faire son entrée au Parlement grâce au mode de scrutin partiellement proportionnel. Sur le racisme ordinaire, il s’épanche peu. Tout juste évoque-t-il quelques e-mails insultants et des graffitis sur ses affiches. Pas plus que pour d’autres candidats. Son résultat indique que les mentalités évoluent.

Aujourd’hui, il veut défendre l’égalité des chances dans l’éducation, se bat pour l’instauration d’un salaire minimum de 8,50 euros brut de l’heure, la généralisation de la double nationalité ou le développement des crèches, pour faciliter l’apprentissage de l’allemand. « Mais si je suis sensible au thème de l’intégration, je ne veux pas en faire un sujet central. Mes racines sont au Sénégal, mais je fais de la politique pour les gens qui m’ont élu, c’est-à-dire les Allemands de ma circonscription », insiste-t-il.

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Cela ne l’empêche pas de conserver avec son pays un lien fort et particulier. Il s’y rend tous les deux ans pour retrouver ses soeurs et son frère restés là-bas. « Et si je peux faire bénéficier le Sénégal et les pays africains des contacts que j’ai noués en Allemagne, leur ouvrir des portes, je le ferai tout naturellement. »

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