Kenya : le vice-président, William Ruto, devant la CPI

Le procès du vice-président kényan s’est ouvert devant la CPI le 10 septembre. Le premier témoin l’accusation a commencé sa déposition mardi 17 septembre, racontant comment une église où elle s’était réfugiée avec d’autres villageois avait été incendiée. Accusé de crimes contre l’humanité pour son rôle dans les violences postélectorales de 2007-2008, William Ruto plaide non coupable. 

William Ruto à la Cour pénale internationale à la Haye, le 10 septembre. © AFP Photo/Michael Kooren

William Ruto à la Cour pénale internationale à la Haye, le 10 septembre. © AFP Photo/Michael Kooren

ProfilAuteur_TshitengeLubabu

Publié le 17 septembre 2013 Lecture : 3 minutes.

Mis à jour le 17 septembre à 17h02 (avec AFP)

En ce matin frisquet du 10 septembre, à La Haye (Pays-Bas), un homme d’État en exercice comparaît devant la Cour pénale internationale (CPI). Une première dans l’Histoire. William Kipchirchir Samoei arap Ruto, vice-président du Kenya depuis avril, est inculpé de trois chefs de crime contre l’humanité : meurtre, déportation ou transfert forcé de populations, et persécution. On l’accuse d’avoir planifié les violences de 2007-2008 qui suivirent la victoire électorale contestée de Mwai Kibaki, le président sortant, issu de l’ethnie kikuyue.

la suite après cette publicité

Des attaques avaient alors été lancées contre des membres de cette communauté installés chez les Kalenjins – l’ethnie de William Ruto – dans la vallée du Rift (Ouest). En représailles, les Kikuyus s’en étaient pris aux Kalenjins établis sur leur territoire. Bilan : plus de 1 000 morts et de 500 000 déplacés, selon Human Rights Watch. La responsabilité de Ruto dans ces événements lui avait été signifiée par la CPI à la fin de 2010. Pour l’intéressé, tout cela n’est que "fiction".

Il plaide "non coupable"

À l’ouverture de l’audience, l’accusé, crâne rasé, costume gris, cravate rouge rayée, s’assied à côté de ses avocats. Impassible, même si, parfois, il se balance légèrement sur sa chaise, plisse le front, secoue la tête ou pince les lèvres, il écoute l’exposé des charges. À Chile Eboe-Osuji, le juge-président, il indique d’une voix claire qu’il plaide "non coupable". Et lorsque Fatou Bensouda, la procureure générale de la CPI, fait sa déclaration liminaire, il serre les dents, mais ne bronche pas.

Le 17 septembre, le premier témoin de l’accusation a commencé sa déposition, racontant devant la Cour pénale internationale comment une église où elle s’était réfugiée avec d’autres villageois avait été incendiée. "J’ai essayé de m’échapper, je portais mon petit enfant Myriam sur le dos", a-t-elle raconté. "L’église a été incendiée" par des Kalenjins, l’ethnie de William Ruto, a ajouté la femme, avant de s’effondrer en larmes.

la suite après cette publicité

>> Lire aussi : Premier témoignage à charge contre William Ruto devant la CPI

"Des milliers de personnes sont arrivées sur le village, ils chantaient", a raconté le témoin, évoquant le Jour de l’An 2008 : "ils étaient vêtus de kaki et leurs visages étaient peints à l’argile blanc, ils portaient des bâtons, des machettes et des haches".

la suite après cette publicité

Effrayés, femmes et enfants du village de Kambiaa, dans la région d’Eldoret, se sont réfugiés dans l’église, prise d’assaut puis barricadée par les assaillants. "Je pouvais voir par la fenêtre", a raconté le témoin, assurant avoir reconnu parmi ses agresseurs un candidat local du parti de William Ruto, le Mouvement démocratique orange (ODM). Prénommé Steven, cet homme transportait un jerrycan bleu, a également assuré la femme, avant de répéter : "l’église a pris feu".

Selon l’accusation, entre 17 et 35 personnes ont été brulées vives dans l’église où les victimes, de l’ehtnie kikuyu, avaient été enfermées. Le vice-président Ruto, vêtu d’une chemise bleu clair et d’une cravate jaune, a écouté la déposition attentivement, prenant parfois des notes.

Ambition, colére et corruption

Ruto, 46 ans, est un ambitieux. Pour ses détracteurs, il est colérique et d’une arrogance inouïe. Il est aussi, dit-on au Kenya, un homme très riche, dont le nom a été associé à des affaires de corruption. Issu d’un milieu modeste, il décroche, en 1990, un diplôme en botanique à l’université de Nairobi. Il rencontre alors le président Daniel arap Moi, qui, comme lui, est un Kalenjin, fréquente assidûment les églises évangéliques et ne boit pas d’alcool.

Désormais au service de son mentor, Ruto crée une organisation de la jeunesse. On y distribue beaucoup d’argent pour inciter ses membres à soutenir Moi et la Kanu (Kenya African National Union). D’aucuns suggèrent que le protégé du président se serait servi au passage.

Quoi qu’il en soit, Moi est réélu en 1992 et l’ascension de Ruto commence : il devient député, ministre de l’Intérieur, secrétaire général de la Kanu. En 2006, il annonce son intention de se présenter à la présidentielle de 2007 et se rapproche de Raila Odinga, l’ennemi juré de Moi. Il rejoint sa coalition, l’Orange Democratic Movement (ODM), mais en perd les primaires face à Odinga, qui est investi candidat. La victoire de Mwai Kibaki met le pays à feu et à sang. Le calme revenu, Ruto devient ministre de l’Agriculture dans le gouvernement de coalition que dirige Odinga après un accord conclu en avril 2008 avec le président Kibaki.

Cinq ans plus tard, il rompt son alliance avec Raila Odinga pour en former une nouvelle avec Uhuru Kenyatta. Le duo a remporté le scrutin d’avril dernier, et Ruto est devenu vice-président. En attendant, espère-t-il, de devenir le prochain numéro un. Mais échappera-t-il à son destin ?

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

La rédaction vous recommande

William Ruto lors de son procès à la CPI, le 10 septembre 2013. © AFP

Kenya : premier témoignage à charge contre William Ruto devant la CPI

Contenus partenaires