Au Maroc, la course contre les flammes

Depuis huit jours, les autorités sont mobilisées pour stopper l’avancée de plusieurs feux de forêts qui ravagent une partie du nord du royaume. Récit d’une catastrophe que le pays tentait d’éviter depuis des mois.

Des pompiers marocains luttent contre les flammes près de Ksar el-Kebir, le 15 juillet. © FADEL SENNA/AFP

Publié le 18 juillet 2022 Lecture : 4 minutes.

« À 18h, le 15 juillet, tout le monde était à la plage pour se rafraîchir à cause de la chaleur et tout d’un coup, le ciel est devenu noir, le soleil cuivré, c’était apocalyptique, étouffant. Pourtant, nous sommes à des dizaines de kilomètres des différents feux de forêt, c’est dire leur puissance ! », raconte à Jeune Afrique une résidente d’Asilah, une station balnéaire située dans le nord du Maroc.

Déjà éprouvée par la sécheresse depuis de longs mois, la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima subit des épisodes caniculaires depuis la mi-juin ainsi que les assauts du chergui – un vent puissant et brûlant venant de l’est ou du sud-est. Une situation dangereuse, qui a viré au drame : depuis l’Aïd, le 10 juillet, les feux de forêts font rage dans le royaume.

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« Le jour de la fête du mouton, deux incendies se sont déclarés : l’un près de Ouezzane et l’autre dans le massif forestier de Boujediane, près de Ksar El Kebir, dans la province de Larache, où c’était le pire », témoigne un photographe de presse. La presse a également évoqué un incendie dans la ville de Larache, située au bord de l’Atlantique, mais « en réalité ce feu ne s’est déclaré que le 15 juillet et il a été éteint aussi vite qu’il s’est déclaré », précise-t-il.

Le fléau de l’été

Si le Maroc se prépare depuis des mois contre le fléau des incendies – les 9 milliards d’hectares de forêts du royaume sont soumis à un risque élevé pendant cette période estivale -, les pompiers et les services de lutte anti-incendie mobilisés sur le terrain ont d’abord paru dépassés par les événements.

« Du côté des autorités, il y a un processus très clair : on doit absolument maîtriser un site avant de passer à un autre. Les équipes ont d’abord été mobilisées à Ouezzane et n’ont pu se rendre qu’après dans les alentours de Boujediane. J’ai vu de mes propres yeux trois pompiers en train de lutter, seuls, contre les flammes qui ravageaient un village entier », poursuit le photographe.

À partir du 14 juillet, « c’est carrément devenu fou ! », s’exclame Hamid, un habitant de Ksar El Kebir. Avant de poursuivre : « les feux déjà déclenchés sont devenus incontrôlables. À cause des températures élevées (plus de 40°C) et de la chaleur dégagée par les flammes, tout prend feu très rapidement ». Pire, de nouveaux foyers se sont déclenchés, dans la province de Larache mais aussi dans la forêt de Beni Ider vers Tétouan, et près de Taza et de Chefchaouen, deux villes situées dans les montagnes du Rif.

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Face à l’ampleur des incendies, le Maroc a sorti les grands moyens : pompiers, militaires, forces auxiliaires sont appelés à la rescousse dès le 15 juillet. En parallèle, 1 325 familles originaires de 19 douars (villages) sont déplacées, la plupart du temps par précaution, et plus de 400 personnes sont conduites à l’hôpital pour des blessures légères ou une intoxication liée aux fumées. « Les gens ont à peine eu le temps de préparer un petit sac pour partir en catastrophe, la peur au ventre en se disant qu’ils ne reverraient plus jamais leur maison », relate Hamid.

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Course contre la montre

Sur le front des flammes, « tous se sont mobilisés pour combattre les incendies jour et nuit jusqu’à maintenant. Tout le monde est exténué », relate un témoin. Les autorités sont lancées dans une course contre la montre. Les canons à eau ne sont pas les seuls outils pour lutter contre les flammes. Pendant plusieurs jours, les gendarmes, les pompiers et les forces auxiliaires ont creusé des tranchées, rasé les arbres, coupé les racines pour empêcher l’avancée du feu. Il faut aller vite, fort et sans relâche, le tout avec des équipements parfois rudimentaires.

L’armée de l’air a quant à elle utilisé quatre bombardiers d’eau Canadair et quatre avions d’épandage Turbo Thrush, en effectuant des dizaines de rotations par jour. « Ceux qui pilotent ces avions sont les meilleurs de. En temps normal, ils pilotent des F-16 et d’autres avions de chasse. Leurs manœuvres sont incroyables : ils atterrissent dans les lacs des barrages de la région pour prendre de l’eau avant de redécoller puis de se rendre sur les lieux de l’incendie. Là, c’est comme s’ils rasaient le sol, ils pénètrent les nuages de fumée et larguent des tonnes d’eau, le tout en volant à une vitesse très réduite et en évitant les montagnes », lance admiratif un habitant de la province de Larache.

5 300 hectares brûlés

Même si dans cette région tout est trop sec – la terre, les bois, les champs –, notamment du fait d’une pluviométrie déficiente, les incendies sont tous maîtrisés depuis ce 18 juillet, selon l’Office des Eaux et Forêts. Mais, il y a encore beaucoup de travail avant d’éteindre complètement l’ensemble des foyers.

En attendant, 5 300 hectares sont partis en fumée dans la province de Larache, essentiellement des forêts domaniales de conifères et de chênes lièges – une espèce très inflammable – gérées par l’État et considérées comme une richesse nationale.

Pour les habitants, les pertes de bétail, d’oliviers ou de figuiers sont un drame. Une grande partie des populations déplacées ont pu retrouver leur domicile ou rejoindre leurs proches, mais d’autres – dont les habitations ont été consumées par les flammes – sont encore logés par l’État en attendant la fin des incendies et la reconstruction totale de leur logement. Dans ce chaos, une personne a trouvé la mort, le 15 juillet. Quant aux températures, elles continueront à flirter avec les 40°C cette semaine…

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