Quand les jeunes Africains misent sur l’avenir de leur continent

À l’occasion de la journée internationale de la jeunesse, ce vendredi 12 août, attardons-nous sur les aspirations des jeunes adultes du continent. L’enquête « African Youth Survey 2022 » nous les révèle, dans une étude qui compile les espoirs et les craintes d’un peu plus de 4 500 d’entre eux, âgés de 18 à 24 ans et issus de 15 pays.

La foule écoute le concert gratuit du rappeur Smockey, à Ouagadougou. © Anais Dombret

  • Ivor Ichikowitz

    Homme d’affaires sud-africain. Président du groupe Paramount et de la Ichikowitz Family Foundation

Publié le 12 août 2022 Lecture : 3 minutes.

Les jeunes Africains le répètent à l’envi : ils souhaitent que, dans le futur, l’Afrique ne soit plus le continent des juntes et des partis quasi uniques, mais celui où la démocratie et la volonté du peuple triomphent. Comment cela peut-il être possible, alors que la moitié de ces jeunes déclarent que leur vie quotidienne est assombrie par le terrorisme, les insurrections et les conflits ?

Quelle démocratie espérer, quand 15  % d’entre eux ont déjà été personnellement approchés pour rejoindre un groupe terroriste ou connaissent quelqu’un qui l’a été ? Comment faire, lorsque moins de la moitié de ces jeunes ont confiance en leurs dirigeants ?

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Un modèle de démocratie à créer

Bien que les niveaux d’instabilité soient très préoccupants dans certaines parties du continent, 74 % d’entre eux estiment que la démocratie est préférable à toute autre forme de gouvernement. Ils ne sont toutefois pas convaincus par le modèle démocratique occidental, plus de la moitié d’entre eux estimant que l’Afrique doit créer son propre modèle.

Dans une société idéale, les jeunes Africains souhaitent être égaux devant la loi, pouvoir s’exprimer librement et participer à des élections libres, mais des pays comme le Malawi, l’Ouganda ou l’Afrique du Sud mettent l’accent sur l’égalité en droit. En Angola et en Zambie, l’importance d’élections libres et équitables est plus grande.

S’ils sont contraints de choisir, ils placeront la liberté d’expression et la tenue d’élections libres au-dessus de tout, donc si vous pouvez dire ce que vous pensez et choisir librement vos représentants — si la démocratie fonctionne réellement — vous n’avez pas besoin des garanties qui existent lorsqu’elle ne fonctionne pas.

On observe une insatisfaction croissante à l’égard des leaders politiques du continent, en particulier au niveau étatique, où les dirigeants nationaux sont largement considérés comme indignes de confiance et susceptibles de diffuser des fake news pour rester en poste.

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Il existe une réelle intolérance à l’égard de toute tentative de créer des systèmes de parti unique. Plus des deux tiers des jeunes Africains sont opposés à la junte militaire ou à toute tentative de subvertir le système en abolissant le Parlement ou en annulant les élections. Pourtant, seul un jeune Africain sur dix est susceptible de vouloir se présenter aux élections ; au Rwanda (5 %), en Éthiopie (8 %), au Kenya (8 %) et au Nigeria (9 %), ce chiffre est encore plus bas. La RDC et l’Ouganda font exception à la règle, mais on peut s’y attendre si l’on considère les bouleversements actuels dans ces pays.

Haro sur les dynasties kleptocratiques

Le manque d’ambition politique s’accompagne d’un niveau d’activisme légèrement plus élevé, puisqu’une personne sur cinq seulement a pris part à une manifestation politique pendant l’année où le travail de terrain a été effectué. L’exception est le Soudan (60 %), qui était alors en proie à un changement de régime populaire.

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Ces résultats sont très significatifs et extrêmement positifs, car ils montrent deux choses : contrairement aux générations qui les ont précédés, les jeunes d’aujourd’hui ne voient plus le pouvoir politique comme une voie d’enrichissement personnel par le biais du favoritisme. Au contraire, ils veulent faire leur propre chemin et les trois quarts d’entre eux veulent créer leur propre entreprise.

Le deuxième signal est que nous pourrions assister à un changement par rapport à la tolérance de la corruption soutenue par l’irresponsabilité démocratique qui a permis la création de dynasties kleptocratiques qui ont dominé une grande partie de l’Afrique pendant si longtemps. Ces deux éléments constituent des raisons suffisantes pour se réjouir, et commencer à croire que ce siècle africain pourrait être celui que tant de personnes espèrent.

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