Casimir Oyé Mba : « Le pouvoir gabonais doit être déconnecté des affaires »
Passé sous la bannière de l’Union nationale, désormais dissoute, l’ancien Premier ministre d’Omar Bongo Ondimba livre un bilan sans concession du pouvoir… et de l’opposition gabonaise. Interview.
Le Gabon change-t-il vraiment ?
Au premier étage d’un immeuble du centre de Libreville, Casimir Oyé Mba, 70 ans, a établi son QG dans un appartement tout simple. Loin des boiseries de la primature ou du décor rétro-futuriste du ministère du Pétrole, dont il a eu la responsabilité après ceux des Affaires étrangères et de la Planification. Cadre éminent du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir) depuis les années 1970, il en démissionne pour se présenter à la présidentielle de 2009 (avant de se retirer à la dernière minute). Il participe l’année suivante à la création de l’Union nationale (UN), dissoute en janvier 2011 après que son secrétaire exécutif, André Mba Obame, se fut autoproclamé président de la République. Aujourd’hui, Oyé Mba compte les pas restant à franchir par l’exécutif et par l’opposition pour renouer le dialogue. Et réunir les Gabonais.
Jeune Afrique : Quel regard portez-vous sur l’évolution du pays ?
Casimir Oyé Mba : Je vois quelques points encourageants. Le FMI vient de publier une note confirmant un taux de croissance de 7 % en 2011 et de 6 % pour 2012. Ce qui est bien, si l’on considère que l’inflation tourne autour de 2,5 % à 3 %. Notre balance commerciale est excédentaire et notre taux d’endettement s’est desserré après le rachat anticipé de la dette au Club de Paris.
En revanche, cherté de la vie, manque dramatique de logements, accès aléatoire à l’eau et à l’électricité… Trop de points ne donnent pas satisfaction. Le chômage des jeunes est alarmant, les écoles croulent sous des effectifs pléthoriques, et le secteur de la santé est dans un état inquiétant. De sérieux efforts ont été faits pour créer des centres hospitaliers, mais rien ne marche : manque d’équipements, personnel soignant qui demande une rémunération pour des soins théoriquement gratuits, etc.
Qu’attendez-vous du chef de l’État et de l’exécutif ?
Nos gouvernants doivent réaliser qu’ils exercent des responsabilités pour servir le pays. Ça a l’air moralisant, mais c’est pour moi le fondement de l’activité publique. Et le pouvoir doit avant tout être déconnecté des affaires ; ces deux sphères sont aujourd’hui bien trop imbriquées. La famille présidentielle est actionnaire de Total-Gabon, et l’État gabonais tire 60 % de ses recettes du pétrole. Comment fait-on lorsque les intérêts de l’État et du pétrolier divergent ? Cela réduit la puissance publique à l’impuissance. Le devoir d’un président consiste, aussi, à améliorer le fonctionnement démocratique du pays.
En commençant par réformer le cadre de son mandat ?
Je ne suis pas favorable à la réduction de sept à cinq ans du mandat présidentiel, réclamée ici ou là. On n’élit pas quelqu’un pour se mettre tout de suite à attendre son départ. Il faut quatre ans pour s’installer et pouvoir engager des projets. S’il ne reste qu’un an pour les mener à terme, je n’en vois pas l’efficacité. Je suis en revanche favorable à la réforme de la Cour constitutionnelle pour la détacher du pouvoir, ainsi qu’à un scrutin présidentiel à deux tours et à la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels.
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Propos recueillis à Libreville par Laurent de Saint Périer
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