Centrafrique : face à Touadéra, la Cour constitutionnelle se rebiffe

Les juges ont invalidé le décret qui portait création d’un comité chargé de rédiger une nouvelle Constitution. L’opposition soupçonne le chef de l’État de chercher à se maintenir au pouvoir.

Le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra lors de la 77e assemblée générale des Nations unies à New York (États-Unis), le 20 septembre 2022. © Eduardo Munoz/REUTERS.

Publié le 23 septembre 2022 Lecture : 2 minutes.

Il est peu probable que cela change quoi que ce soit aux projets de Faustin-Archange Touadéra, mais c’est tout de même un revers pour le chef de l’État centrafricain : les huit juges de la Cour constitutionnelle ont annoncé, ce 23 septembre, qu’ils invalidaient toute procédure visant à modifier la loi fondamentale et que cette décision n’était susceptible d’aucun recours.

La plus haute juridiction du pays, que préside Danièle Darlan, avait été saisie par une partie de l’opposition réunie au sein du Bloc républicain de défense de la Constitution (BRDC), après qu’un décret signé de la main de Touadéra et de son Premier ministre, Félix Moloua, avait ordonné à la fin d’août la création d’un « comité de rédaction du projet de Constitution ».

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Depuis, la tension était montée à Bangui. À la mi-septembre, les adversaires du président centrafricain avaient dénoncé les attaques et les menaces dont était victime la Cour constitutionnelle. Le 8 et le 9 septembre, plusieurs centaines de manifestants s’étaient même rassemblés devant son siège, placé sous la protection des Casques bleus de la Minusca. Ils exigeaient notamment le départ de Danièle Darlan, en fonction depuis 2017.

Alliés russes et rwandais

En l’état, la Constitution interdit au président, élu une première fois en 2016 et réélu en 2020 au terme d’un scrutin contesté, de briguer un troisième mandat. Mais, affirmant devoir répondre « aux voix [qui] s’élèvent pour exiger une modification de la Constitution », Faustin-Archange Touadéra fait depuis plusieurs mois peu de mystère de ses intentions. Il sait pouvoir compter sur les divisions de l’opposition, autant que sur la lassitude de la communauté internationale et le soutien de ses alliés russes et rwandais.

En mars, le Mouvement cœurs unis (MCU, au pouvoir) a déjà tenté, lors d’un « dialogue républicain » excluant la rébellion et boycotté par l’essentiel de l’opposition, d’introduire un amendement faisant sauter le verrou de deux mandats. En vain. Cela n’a toutefois pas empêché le parti de continuer à travailler à faire taire les dissensions internes, le député Brice Kévin Kakpayen présentant quelques semaines plus tard aux représentants des groupes parlementaires de la majorité une proposition de modification de la Constitution – celle-ci doit permettre au chef de l’État de se représenter en 2025. Depuis des mois, les autorités organisent également des manifestations en faveur d’une modification de la Constitution.

Un référendum comme plan B

La décision de la Cour sonne-t-elle le glas des ambitions de Faustin-Archange Touadéra ? Sans doute pas. Avant même que les juges ne rendent leur décision, le premier vice-président de l’Assemblée nationale, Évariste Ngamana, avait laissé entendre qu’aucune institution ne pourrait « entraver la volonté du peuple ». Selon nos informations, Touadéra lui-même s’attendait à une rebuffade de Danièle Darlan. Il a donc échafaudé un plan B, qui passe par un référendum qui pourrait être organisé en même temps que les prochaines élections locales. Cette option, si elle est retenue, aura le mérite de permettre au chef de l’État de jouer la carte de la légitimité populaire pour contourner la Cour constitutionnelle.

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À la fin août, les magistrats suprêmes s’étaient déjà opposés au président en rejetant certaines des dispositions de son projet de cryptomonnaie.

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