Cameroun : comment le port de Kribi s’impose en Afrique centrale

Quatre ans après le démarrage de ses activités commerciales, le complexe industriel joue déjà un rôle considérable dans l’économie de la sous-région.

Depuis le démarrage de ses activités commerciales, en mars  2018, le PAK a déjà vu transiter près de 1 600 navires. © Kepseu/Xinhua via AFP

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Publié le 21 octobre 2022 Lecture : 4 minutes.

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Avec le départ de Bolloré Africa Logistics, le fret connaît un accroissement de la concentration de ses acteurs. Dans le même temps, des infrastructures voient leur rayonnement élargi, des routes se construisent et d’autres sont délaissées, au gré des crises mondiales.

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« Kribi or not Kribi ? » La question ne se pose plus au Cameroun depuis une bonne quinzaine d’années devant l’ambition affichée par les autorités de construire le plus grand complexe industrialo–portuaire de la sous-région. Pierre angulaire de ce projet à plusieurs milliards de dollars, son port en eau profonde, destiné à pallier les insuffisances nautiques d’un port d’estuaire comme Douala. Ses 16 mètres de tirant d’eau « justifient à eux seuls sa réalisation », estime Patrice Melom, le directeur général de l’Autorité du Port autonome de Kribi (PAK).

Présent sur ce dossier depuis son origine, en 2005, il tient à rappeler que seulement « un dixième des installations portuaires prévues initialement est aujourd’hui sorti de terre ». Avec un impact déjà certain sur toute l’économie de l’Afrique centrale. Quatre ans après le démarrage de ses activités commerciales, en mars  2018, le PAK a déjà vu transiter près de 1 600 navires, pour un trafic global estimé à plus de 33 millions de tonnes de marchandises diverses, essentiellement grâce aux exportations de gaz naturel liquéfié (GNL).

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Vocation sous-régionale

Le tout sans installer de réelle concurrence avec Douala. Fidèle à la promesse faite par le président Paul Biya, à l’origine du projet, Kribi joue bien « ce rôle de grand port de transbordement à vocation sous-régionale », pendant que Douala reste concentré sur les trafics à l’import et à l’export liés au marché camerounais. « Même si l’objectif est de développer la desserte domestique, bien plus rémunératrice que le transbordement de conteneurs », précise la direction portuaire de Kribi.

Les chiffres confirment cette évolution puisque, pendant que les volumes d’import-export baissaient de 6,5 % à Douala en 2021, ils doublaient dans le même temps à Kribi dans le sens des importations. Sur le Kribi Conteneurs Terminal (KCT), exploité par un groupement d’actionnaires composé de Bolloré Ports (30,83 %), CMA CGM (29,62 %), CHEC (20,55 %) et un consortium d’investisseurs camerounais (19 %), la proportion des trafics de transbordement a baissé de moitié entre 2020 et 2021, en faveur des volumes conteneurisés destinés au pays en général et à Douala en particulier. Initialement prévu pour devenir le port d’exportation du minerai de fer extrait dans la région, Kribi a jusqu’à présent justifié son existence grâce aux trafics énergétiques et conteneurisés. En attendant que les projets miniers se concrétisent un jour, la tendance promet de durer.

Plateforme logistique

D’autant que les représentants du PAK et du KCT ont signé le 26 septembre un avenant à la convention de concession, confirmant la réalisation de la deuxième phase de développement du port. Attendue pour le début de 2024, cette nouvelle phase prévoit une extension du KCT, avec la réalisation d’un nouveau linéaire de quai de 715 mètres équipé de cinq portiques supplémentaires et disposant d’une surface de stockage de 30 ha. Un agrandissement dont profitera également le terminal voisin, le Kribi Multipurpose Terminal (KMT), géré depuis 2020 par ICTSI. Spécialisé dans les trafics rouliers et les marchandises conventionnelles, l’opérateur philippin disposera d’un linéaire de quai de 650 mètres de longueur, contre 265 actuellement. Une fois cette deuxième phase réalisée, pour près de 600 millions de dollars, apportés pour une large part par CHEC, le KCT verra sa capacité annuelle passer de 350 000 EVP (équivalent vingt pieds) à plus de 1 million, pendant que le KMT sera en mesure de traiter 4 millions de tonnes de marchandises par an, contre 1,2 aujourd’hui.

En décembre 2018, la première phase de la construction du PAK conduite par la China Harbour Engineering Company. © Lv Shuai/XINHUA-REA

En décembre 2018, la première phase de la construction du PAK conduite par la China Harbour Engineering Company. © Lv Shuai/XINHUA-REA

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Dans le même temps, Kribi entend renforcer son rôle de plateforme logistique à l’échelle de l’Afrique centrale et compte pour cela sur ses opérateurs privés. Bolloré Transports & Logistics (BTL) a inauguré son Kribi Logistics Hub (KLH) le 8 juin dernier, alors que Ceva, le logisticien détenu par CMA CGM, prévoit d’implanter son propre port sec dans un avenir proche.

La compagnie maritime française, qui traite actuellement 80 % des trafics conteneurisés de Kribi, a fait des terminaux du PAK l’un de ses points de chute favoris dans la région depuis Shanghai, qu’elle rallie en trente-deux jours sans arrêt en passant par Singapour, et depuis Anvers ou Valence, via les ports de la côte ouest-africaine, chaque semaine. Ses caboteurs assurent ensuite le service vers Libreville ou Cotonou pour ramener le bois, le cacao ou le coton qui partiront vers l’Asie ou l’Europe. Le troisième armateur mondial va prochainement être rejoint sur les quais du PAK par le premier : MSC Shipping va débarquer dans la foulée du rachat des actifs de Bolloré Africa Logistics (BAL), effectif en 2023, et parmi lesquels figure en bonne place le KCT. Une arrivée « qui ne peut pas être nuisible pour le port », estime Patrice Melom.

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Engrais et clinker

Le KCT contribuera à attirer de nouveaux opérateurs privés qui viendront renforcer l’aspect industriel du complexe. Alors que le terminal d’ICTSI commence à recevoir des trafics d’engrais et de clinker, les minoteries de Douala s’installent à proximité du terminal, et une première cimenterie est attendue avant la fin de l’année. Une deuxième est annoncée pour l’année prochaine par l’ivoirien Atlantic, qui transforme déjà du cacao sur site. La direction portuaire veut aussi convaincre les industriels camerounais de venir implanter leurs usines de montage.

Cette deuxième phase en appellera une troisième, consacrée à la mise en place de terminaux spécialisés dans le roulier, le fruitier, le vraquier ou le minéralier… sans oublier les projets offshore dans le pétrole et le gaz. Autant d’activités qui bénéficieront de la future connexion ferroviaire sur le tronçon reliant Edéa à Kribi. « L’objectif pour le port est de générer ses propres trafics », affirme le patron du PAK, qui, avec ses dizaines de milliers d’hectares de foncier sous la main, ne semble connaître que le ciel comme limite à ses ambitions.

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