Rwanda : comment la police allemande a raté le « financier » du génocide

Selon toute vraisemblance, Félicien Kabuga, recherché par le Tribunal pénal international pour le Rwanda, était à Francfort en 2007.

La photo d’identité lui ayant servi pour obtenir un faux passeport tanzanien. © DR

La photo d’identité lui ayant servi pour obtenir un faux passeport tanzanien. © DR

ProfilAuteur_PierreBoisselet

Publié le 27 novembre 2012 Lecture : 2 minutes.

Le 7 septembre 2007, près de Francfort, en Allemagne. Des policiers frappent à la porte d’une maison. À l’intérieur, un homme recherché par le Tribunal pénal international pour le Rwanda : Augustin Ngirabatware, ministre du Plan pendant le génocide.

À la vue des policiers, venus l’interpeller, Ngirabatware a une réaction étrange : il sort une clé USB de sa poche, la jette au sol et la détruit à coups de talon. Maîtrisé par les policiers, il est placé en détention. Que cherchait-il donc à cacher ? Pour en avoir le coeur net, les enquêteurs décident de confier les débris de l’appareil à un laboratoire d’analyse. Mais Augustin Ngirabatware s’est acharné : il faudra plusieurs semaines pour faire parler le support. Les techniciens parviennent toutefois à en extraire plusieurs documents, dont au moins un est intéressant : une facture d’hôpital, d’un montant d’environ 5 000 euros, au nom d’un citoyen tanzanien. Elle mentionne des traitements pour « insuffisance respiratoire chronique ».

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Intrigués, les policiers allemands cherchent et retrouvent la trace du ­passeport utilisé par le patient pour entrer sur le territoire et demandent aux autorités tanzaniennes le dossier de son titulaire. Surprise : la photo qu’ils reçoivent, et que Jeune Afrique s’est procurée (voir ci-contre), est à l’évidence celle du beau-père de Ngirabatware, Félicien Kabuga (77 ans), surnommé le « financier » du génocide. Il était le président de la tristement célèbre Radio Télévision libre des mille collines (RTLM) et est soupçonné d’avoir importé des milliers de machettes destinées à armer les milices génocidaires. Accessoirement, cette photo contredit les rumeurs, qui circulaient déjà à l’époque, affirmant qu’il avait subi une opération de chirurgie esthétique pour changer de visage.

Faux nom

Lorsque les enquêteurs retournent au domicile d’Augustin Ngirabatware, Félicien Kabuga a évidemment quitté le pays depuis longtemps. Mais une enquête de voisinage à l’aide du cliché leur permet d’apprendre qu’il a bien séjourné dans cette maison. Les témoins l’ont vu se déplacer avec une canne anglaise. Selon certains indices, il était même encore dans la propriété le jour de l’interpellation !

D’après une source proche de l’enquête, Ngirabatware a eu le temps de lancer plusieurs phrases « dans une langue inconnue des policiers » avant son arrestation. Était-ce du kinyarwanda ? Était-ce destiné à son beau-père ? Une chose est sûre : le 17 septembre 2007, le génocidaire présumé le plus recherché au monde est passé tout près d’une arrestation. Il s’en est fallu de quelques heures. Peut-être même de quelques mètres.

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Et depuis ? Le procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), Hassan Bubacar Jallow, l’affirme régulièrement : il se trouverait au Kenya. Cet homme richissime y gérerait plusieurs affaires sous un faux nom. Malgré l’arrestation d’Augustin Ngirabatware, certains membres de sa famille restent haut placés, comme son autre gendre, Fabien Singaye, le conseiller spécial du président centrafricain, François Bozizé. Le gouvernement kényan continue de nier que Kabuga est présent sur son sol. Mais un documentaire – il est vrai controversé – de la chaîne privée kényane NTV diffusé en juillet tend à prouver le contraire.

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