Sommet de la Francophonie : à Djerba, premiers couacs

À l’approche de l’ouverture du 38e sommet de la Francophonie, ce 19 novembre, à Djerba, les autorités tunisiennes ont donné le coup d’envoi des festivités en inaugurant le village dédié à l’événement. Un rendez-vous en partie gâché par plusieurs ratés protocolaires.

Le président tunisien Kaïs Saïed et la secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie Louise Mushikiwabo, à Tunis, le 11 juin 2021. © DR

Publié le 14 novembre 2022 Lecture : 4 minutes.

À Djerba, l’ambiance est habituellement plutôt indolente les dimanches matins. Ce 13 novembre pourtant, l’île était en effervescence. La veille au soir, l’arrivée de Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), marquait le coup d’envoi d’un programme culturel et événementiel, préambule du sommet de la Francophonie, qui se tiendra les 19 et 20 novembre sur l’île, lequel sera suivi d’un forum économique jusqu’au 22. Louise Mushikiwabo s’est dite convaincue que le sommet de Djerba serait un succès grâce notamment aux efforts déployés par la Tunisie.

Tout était en effet fin prêt ou presque, puisque, jusque tard dans la nuit, le village de la Francophonie bruissait des derniers préparatifs, tandis que des délégations, à peine arrivées, anticipaient une visite des lieux et de leur pavillon.

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Kaïs Saïed pose un lapin à Louise Mushikiwabo

À 10 heures, le lendemain, le président tunisien, Kaïs Saïed, et Louise Mushikiwabo devaient inaugurer en présence des médias locaux et internationaux le village de la Francophonie. Un moment clé chargé de toute une symbolique pour Djerba, qui a relevé le challenge d’accueillir pour la première fois une rencontre d’envergure internationale.

Mais le président tunisien n’a finalement pas fait le déplacement, poussant la secrétaire générale de l’OIF, pour des raisons protocolaires, à déléguer l’inauguration du village à Haoua Acyl, représentante de l’Afrique du Nord auprès de l’organisation.

Un couac qui n’était d’ailleurs pas le premier, malgré un programme taillé au cordeau, du moins sur le papier. La veille au soir, les organisateurs tunisiens ont déroulé des visuels portant une calligraphie arabe, dont est féru le président Saïed. Que le village de la Francophonie soit annoncé en arabe pourquoi pas ? Mais que le texte mentionne « village tunisien de la Francophonie » semblait assez incongru, puisque le village de la Francophonie est d’abord celui de tous les membres de l’organisation.

Formulation maladroite

La formulation est pour le moins maladroite, d’autant que la mention en français figure en dessous du texte arabe mais dans des caractères si petits qu’elle en est presque illisible, comme absorbée par le fond noir dont on ne sait s’il est une variante prévue par la charte graphique de l’événement.

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Un incident qui a eu du mal à passer, mais, se disait-on, l’important demeurait l’inauguration du village. Des dents ont grincé, certains se sont agacés, mais les plus sages répétaient : « Allons, l’essentiel est que le sommet se tienne. » Par pragmatisme, mais aussi comme pour briser une sorte de fatalité – la pandémie, mais pas uniquement – qui s’entête depuis trois ans à contrer la tenue du sommet.

Les organisateurs ont bien anticipé d’éventuels contretemps, mais personne ne s’attendait à ce que le président annule sa venue pratiquement à la dernière minute et sans véritable explication officielle.

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C’était pourtant bien Kaïs Saïed qui avait décidé de déplacer en 2019 le sommet de Tunis à Djerba, au nom de l’inclusion et de la décentralisation. Et c’est lui, et lui seul, qui représente la Tunisie au plus haut niveau. Mais il a fait fi de tout protocole et a préféré aller commémorer la journée de l’arbre en plantant un olivier dans les environs de Tunis.

Risques d’attentat ?

Pour expliquer son absence à Djerba, certains dans son entourage évoquent des raisons de sécurité et des risques d’attentat, d’autres une appréhension des déplacements, aussi majeurs soient-ils pour l’image de la Tunisie et sa position internationale.

D’autres encore rappellent qu’en août 2022 le locataire de Carthage était présent à tous les moments forts de la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique, la Ticad 8, qui se tenait à Tunis.

« L’enjeu avec la Francophonie est essentiel, Kaïs Saïed aurait pu se faire remplacer par la cheffe du gouvernement plutôt que par Hayet Ketat, ministre de la Culture », commente un journaliste d’une radio tunisienne bien informé des règles de préséance.

La ministre tunisienne de la Culture, Hayet Ketat Guermazi, inaugure le village de la Francophonie au Parc Djerba Explore, le 13 novembre 2022. © Nicolas Fauque

La ministre tunisienne de la Culture, Hayet Ketat Guermazi, inaugure le village de la Francophonie au Parc Djerba Explore, le 13 novembre 2022. © Nicolas Fauque

Najla Bouden sur la touche ?

Son commentaire semble confirmer que, depuis son déplacement à la COP27, la cheffe du gouvernement Najla Bouden est sur la touche. Plusieurs partis de gauche et certains soutiens du président l’accusent en effet de « normalisation avec l’entité sioniste » au motif qu’elle a, durant son séjour à Charm el-Cheikh, échangé des sourires avec le président israélien Isaac Herzog lors de la photo de famille. Une trahison aux yeux de certains Tunisiens.

Malgré tous ces incidents et entorses au protocole, l’ouverture du village de la Francophonie au grand public est tout de même un franc succès. Seul bémol : certains visiteurs disent avoir de la peine à dénicher parmi les pavillons des pays exposants des exemples du thème du sommet, à savoir, pour en reprendre le formulation officielle « La connectivité dans la diversité : le numérique, vecteur de développement et de solidarité dans l’espace francophone. »

« Dans le pavillon tunisien, il n’y a pas de réelle mention de Habib Bourguiba, qui figurait pourtant parmi les quatre pères fondateurs de la Francophonie, regrette aussi une enseignante de l’Alliance française à Djerba. Si je ne m’abuse, ce sommet, avec un peu de retard, est aussi celui du cinquantenaire de la Francophonie. » À l’inverse, remarque-t-elle, « le pavillon de l’OIF a rendu hommage » à ses pères fondateurs.

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