Tunisie – Zaki Hannache sera-t-il expulsé vers l’Algérie ?

Pour avoir dénoncé les conditions d’arrestation et de détention de certains manifestants du Hirak, l’activiste Zaki Hannache est poursuivi en Algérie et actuellement exilé à Tunis. Ses défenseurs redoutent une expulsion, malgré un statut de réfugié accordé le 17 novembre par le HCR.

L’opposant algérien Zakaria Hannache vit à Tunis depuis août 2022. © DR

Publié le 21 novembre 2022 Lecture : 3 minutes.

Arrivé en Tunisie en août 2022, à la réouverture des frontières avec l’Algérie, l’activiste de 35 ans Zakaria Hannache, surnommé « Zaki », s’était fait discret. Détenu un temps dans son pays après avoir été entendu par un juge d’instruction pour une affaire qualifiée de terrorisme, il était en liberté provisoire quand il a rejoint Tunis pour, affirment des proches à Alger, y suivre des soins. C’est une pétition, motivée par « la profonde inquiétude face au risque de refoulement d’un demandeur d’asile algérien présent sur le territoire tunisien depuis août 2022 » et signée par pas moins de 61 associations et ONG internationales et tunisiennes, qui le met depuis peu sous les feux de l’actualité. Cette  action menée avec une rapidité remarquable a été utile, puisque Zakaria Hannache bénéficie désormais du statut de réfugié accordé par le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) le 17 novembre.

En Algérie, ce lanceur d’alerte qui avait attiré l’attention sur le traitement infligé par les autorités aux militants du Hirak est poursuivi par la justice, notamment pour « apologie d’actes terroristes ». L’affaire a fait grand bruit, d’autant que le directeur et fondateur de Radio M et du site Maghreb Emergent, Ihsane El Kadi, y est également cité. Ce dernier a finalement bénéficié d’un non-lieu et d’un retrait des charges retenues contre lui, mais l’affaire n’est pas close pour autant pour Zaki Hanache, qui ne s’est pas présenté à l’audience du 10 novembre devant le juge de la 5e chambre du tribunal de Sidi M’hamed (Alger). « Le chef d’inculpation a été requalifié et sera du ressort de la correctionnelle », précise un avocat.

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Le précédent Slimane Bouhafs

Une situation qui met Hannache – qui a par le passé connu l’emprisonnement arbitraire et des mauvais traitements – dans une position difficile, où la volonté de se présenter librement devant le tribunal et de se défendre rivalise avec la crainte, assez légitime, d’être de nouveau emprisonné. Il a suscité la mobilisation de la société civile maghrébine qui craignait que ne se reproduise le scénario dont a été victime un autre opposant algérien, Slimane Bouhafs.

Réfugié en Tunisie et mis sous protection du HCR, celui-ci avait été enlevé le 25 août 2021 à son domicile à Tunis, malgré son statut de réfugié, par des inconnus qui l’ont conduit secrètement en Algérie, où il est réapparu quelques semaines plus tard, à Tébessa, pour être aussitôt incarcéré à Alger. « Une opération que les sécuritaires tunisiens ne pouvaient ignorer », assure un défenseur des droits humains, encore choqué que son statut de réfugié n’ait pas protégé Bouhafs.

C’est ce que craignent à leur tour les amis de Zakaria Hannache. « Il pourrait être prélevé à tout moment comme une marchandise et forcé au silence, surtout qu’il est poursuivi dans trois autres affaires », commente un avocat tunisien engagé contre la torture. Depuis la Tunisie, Zakaria Hannache cherche un autre pays d’accueil qui reconnaîtrait son statut de réfugié politique. Jusque-là, aucune capitale européenne n’a répondu aux sollicitations des avocats du lanceur d’alerte.

Jusqu’à 35 ans de prison

En attendant, les défenseurs se veulent rassurants : « En tant que demandeur d’asile, Zakaria Hannache est protégé par la Convention de Genève de 1951, son Protocole de 1967 et par la Convention de 1984 contre la torture, ratifiés par la Tunisie, lesquels imposent aux autorités de le protéger et de ne le refouler sous aucune condition, notamment au vu du risque d’emprisonnement arbitraire et de mauvais traitements auquel il est exposé en Algérie », rappellent les organisations signataires de la pétition, qui craignent les interprétations d’un Code pénal algérien muet ou approximatif sur certains points, comme la collecte de documentation ; mais surtout que le droit à un procès équitable ne soit bafoué. Hannache risque jusqu’à 35 ans de prison.

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Ces faits préoccupants, qui semblent relever de pressions ou d’intimidations, poussent la société civile et les défenseurs des droits de l’homme à souhaiter que, au moins, les autorités tunisiennes « respectent leurs engagements internationaux en matière de droit d’asile et veillent à ce que les défenseurs des droits humains puissent exercer leurs activités légitimes sans entraves, quelle que soit leur nationalité, et ce y compris dans le cadre de leurs collaborations bilatérales sécuritaires ».

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