Tunisie : le début de la faim

Publié le 23 octobre 2012 Lecture : 2 minutes.

Il est des anniversaires qui se fêtent dans l’allégresse et d’autres qui ressemblent à un deuil renouvelé. Tel celui du scrutin populaire du 23 octobre 2011, qui a porté au pouvoir, pour la première fois dans l’histoire (moderne) de la Tunisie, les islamistes du mouvement Ennahdha. Toute l’oeuvre de Bourguiba s’est alors subitement écroulée comme un château de cartes. Le peuple tunisien s’est révélé à 40 % profondément religieux ou à tout le moins antilaïc. L’arabisation à outrance de l’enseignement sous feu Mohamed Mzali, lorsqu’il était ministre de l’Éducation, et l’« assassinat » systématique de la langue française sous Ben Ali ont donné à Carthage des dirigeants jadis qualifiés d’enturbannés.

Néanmoins, on espérait que ces leaders novices allaient débarrasser la Tunisie de la corruption et du népotisme. Premier désenchantement retentissant : Cheikh Rached Ghannouchi a fait nommer son gendre (blanc-bec, s’il en est) au poste très délicat de ministre des Affaires étrangères. S’est ensuivi un chapelet de maladresses, gaffes, lapsus et autres pas de clerc déroutants. Jaloux de cette faveur, le président provisoire, Moncef Marzouki, vient de nommer son frère à la tête du consulat général de Tunisie à Bonn (Allemagne).

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Où sont passés la démocratie, le bien-être, la justice ou encore l’intégrité promis à cor et à cri au lendemain de la victoire des « fils » spirituels de Hassan al-Banna (fondateur du groupe des Frères musulmans en Égypte) ? Pis : les « Frères » ont enfanté un monstre, les « salafistes », qui met impunément le pays dans le wagon de Kaboul. Juste avant l’incendie de l’ambassade américaine, un salafiste pouilleux a saccagé le mausolée de Habib-Bourguiba à Monastir. Mais madame la vice-présidente de l’Assemblée nationale constituante (ANC) a cru bon de le défendre en prétendant qu’il voulait déposer une gerbe de fleurs sur la tombe du leader disparu… Faut-il en rire ou en pleurer ?

Le peuple, en tout cas, un an après le 23 octobre, a le moral dans les charentaises. Le couffin de la ménagère est désespérément vide en raison de l’incroyable hausse des prix. Le jour, le gouvernement hurle son aversion pour l’inflation. La nuit, il augmente le gaz, l’essence, la viande et les télécoms. Double visage, triple langage… À chaque ghazwa (« conquête ») sanglante des salafistes, Cheikh Ghannouchi joue à la vierge immaculée prêchant amour, entraide, solidarité… Ses enfants mongoliens, dont la barbe est nettement plus longue que la pensée, lancent aujourd’hui des débats d’un autre âge : faut-il couper le clitoris aux filles ? Faut-il rétablir la polygamie ou le mariage morganatique ? Tristesse des idées ! Saint Augustin, Ibn Khaldoun, Tahar Haddad et Bourguiba se retournent dans leurs tombes.

Il faut quand même reconnaître, in fine, que deux acquis atténuent la grisaille : la relative liberté d’expression et le très probable prix Nobel de médecine qui sera attribué à ce crétin qui a « découvert » que la polygamie diminuait les risques de cancer de l’utérus… 

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