Algérie : le TAJ d’Amar Ghoul, une machine à gagner ?

Rassembler nationalistes, islamistes et démocrates dans la perspective de la présidentielle algérienne de 2014, telle est l’ambition d’Amar Ghoul, dont le parti a tenu ses assises constitutives lors d’un congrès, du 20 au 22 septembre.

Discours d’Amar Ghoul lors du congrès inaugural du TAJ, le 20 et 21 septembre à Alger. © Billelz

Discours d’Amar Ghoul lors du congrès inaugural du TAJ, le 20 et 21 septembre à Alger. © Billelz

Publié le 9 octobre 2012 Lecture : 4 minutes.

Depuis l’entrée en vigueur, en décembre 2011, de la nouvelle loi sur les partis, le paysage politique algérien s’est enrichi d’une trentaine de nouvelles formations, agréées par le ministère de l’Intérieur. Mais de tous ces nouveaux venus, un seul fait vraiment parler de lui : le Tajamou Amal el-Jazaïr (TAJ), le Rassemblement Espoir de l’Algérie, dont le sigle signifie « couronne » en arabe. Un parti plutôt populiste si l’on décrypte le discours consensuel de son principal promoteur, Amar Ghoul, 51 ans, ministre des Travaux publics depuis une décennie, transfuge du Mouvement de la société pour la paix (MSP, d’obédience Frères musulmans), pour qui « le TAJ oeuvre à mobiliser les forces vives du pays, au-delà des clivages idéologiques. Islamistes, nationalistes et démocrates s’y retrouvent afin de semer l’espoir et de construire une Algérie unie, prometteuse et pionnière ». Rien de moins.

Mais l’inflation du langage ne s’arrête pas là. Amar Ghoul affirme que sa démarche s’inspire de celle… du FLN du 1er novembre 1954 qui « avait rassemblé l’ensemble des courants nationalistes en vue de la guerre d’indépendance. Nous voulons agglomérer tous les courants de pensée qui traversent la société en vue de la réalisation d’un seul objectif : faire de l’Algérie un pays prospère et leader ». De quoi caresser dans le sens du poil l’Algérien d’en bas. Mais si le TAJ intéresse chancelleries et médias et alimente les conversations dans les salons et cafés, il ne le doit pas à ce discours consensuel mais à un faisceau d’éléments qui le démarquent du reste de la classe politique. Le parcours et la personnalité de son fondateur, Amar Ghoul, sont, sans doute, les plus significatifs.

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Natif de la région d’Aïn Defla (140 km à l’ouest d’Alger), le patron du TAJ est titulaire d’un doctorat en génie nucléaire obtenu en France. Ministre des Travaux publics au moment où l’État investit des sommes considérables (quelque 300 milliards de dollars, soit 232 milliards d’euros, entre 2002 et 2012) pour mettre à niveau les infrastructures du pays, Amar Ghoul acquiert sa notoriété avec la réalisation du chantier du siècle : l’autoroute est-ouest, 1 200 km de bitume reliant les confins tunisiens à la frontière marocaine. Sa présence permanente sur les chantiers, ses colères télévisuelles contre les entrepreneurs, algériens ou étrangers, en retard sur les échéances, lui valent deux surnoms : « Monsieur Autoroute » et, moins affectueux, « Auto-Ghoul ».

Ralliements

Étoile montante des Frères musulmans du MSP – dont il a été l’une des têtes de liste lors des législatives du 10 mai 2012, à Alger, où il a enregistré le meilleur résultat de l’Alliance de l’Algérie verte (AAV, islamiste) -, il a pris ses distances avec son parti quand ce dernier a décidé de se retirer de la coalition gouvernementale. Il lance alors l’initiative TAJ avec un surprenant succès. Une quarantaine de députés fraîchement élus rejoignent la nouvelle formation. Principales victimes de ce nomadisme politique, le MSP, qui voit fondre son groupe parlementaire, et le Front national algérien (FNA, de Moussa Touati), en butte à un vent de dissidence interne.

Le TAJ ne recrute pas uniquement dans la classe politique : « 70 % de nos militants sont des jeunes n’ayant aucune appartenance politique antérieure », assure Mohamed Djemaa, grand maître de cérémonie lors du congrès constitutif du TAJ, les 20 et 21 septembre. Autre cible de choix d’Amar Ghoul : la société civile. Sa prise la plus prestigieuse est, sans conteste, l’Union générale des étudiants libres (Ugel). Ce syndicat estudiantin parmi les plus influents dans les campus universitaires compte près de 120 000 adhérents. Difficile cependant de brosser le portrait-robot du militant du TAJ tant le recrutement cible diverses catégories. On y retrouve l’entrepreneur et le haut fonctionnaire, l’ouvrier et le commerçant, et si le coeur de cible demeure la jeunesse, les femmes, elles, n’auront vraisemblablement qu’un rôle marginal au vu de leur faible participation aux assises constitutives.

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Machine électorale

Un discours populiste, d’importants moyens financiers, un soutien de moins en moins discret de la part du pouvoir, un leader issu de la génération post­indépendance… Autant d’ingrédients significatifs à l’heure où l’Algérie entame une étape délicate : la succession de Bouteflika prévue en 2014. En réussissant à se doter d’un appareil aux allures de machine électorale, Amar Ghoul fait désormais partie de la very short list des prétendants à cette succession.

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Pour avoir largement remporté les législatives de 1997, trois mois après sa création, le Rassemblement national démocratique (RND, d’Ahmed Ouyahia) avait été surnommé le « bébé né avec des moustaches ». Les gènes fondamentalistes de son géniteur et les succès électoraux que lui prédisent ses militants ont valu au TAJ ce bon mot de Fawzi Rebaïne, chef du parti d’opposition AHD 54, rival malheureux de Bouteflika en 2004 et en 2009 : « Le TAJ est un bébé né avec une barbe. » 

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