Afrique du Sud : réélu à la tête de l’ANC, Cyril Ramaphosa plus fort que jamais

Englué dans un scandale, on l’imaginait démissionner il y a quelques semaines. Le président s’octroie finalement un second mandat, et part en position favorable pour les élections générales de 2024.

Le chef de l’État, Cyril Ramaphosa (D), félicite Paul Mashatile (G), nouvellement élu vice-président, lors de la 55e conférence nationale de l’ANC, à Johannesburg, le 19 décembre 2022. © Phill Magakoe/AFP

Publié le 19 décembre 2022 Lecture : 4 minutes.

Peu avant l’annonce des résultats, Cyril Ramaphosa affiche un visage sans expression, le poker face des joueurs qui cachent bien leur jeu. Depuis quelques jours, on le dit affaibli, menacé, la partie s’annoncerait serrée face à Zweli Mkhize, son adversaire. Bilan des courses : Ramaphosa surclasse son concurrent avec 56,5 % des voix et 579 bulletins d’écart.

Des alliés

« C’est une victoire écrasante » s’enthousiasme Zizi Kodwa, ministre adjoint à la Sécurité d’État. Ce haut cadre de l’ANC se rappelle les heures difficiles de Ramaphosa après sa courte victoire face à Nkosazana Dlamini-Zuma en 2017. Seuls 179 bulletins séparaient les deux candidats, obligeant Ramaphosa à faire des compromis et à inviter ses opposants à rejoindre son gouvernement. Avec cette victoire incontestable, « il n’a plus besoin de regarder derrière son épaule », résume Zizi Kodwa en pensant à tous ceux qui voulaient lui planter un couteau dans le dos.

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Exit, Nkosazana Dlamini-Zuma. La ministre des Affaires traditionnelles a finalement renoncé à défier le président malgré des mois de campagne contre sa candidature. Disqualifiée, Lindiwe Sisulu, la ministre du Tourisme, en guerre contre Ramaphosa, n’a pas obtenu les voix nécessaires pour se présenter au poste de trésorière.

« Cyril Ramaphosa quitte la conférence avec une direction qui lui est bien plus favorable comparée à 2017, où le secrétaire général était l’un de ses opposants », relève l’éditorialiste Richard Calland. En tant que secrétaire général, Ace Magashule avait donné du fil à retordre à Cyril Ramaphosa avant de se faire exclure pour une affaire de corruption. Parmi le nouveau Top 7 du parti, quatre sont des alliés de Cyril Ramaphosa. Le ministre des Transports, Fikile Mbalula, conquiert le stratégique secrétariat général, tandis que le ministre de l’Énergie, Gwede Mantashe, conserve son poste de secrétaire national (national chairperson).

Zuma porté en triomphe

En devenant l’amicale des pro-Ramaphosa, la nouvelle direction de l’ANC risque de faire de l’ombre à un pan entier de sa base militante. Le KwaZulu-Natal (KZN) est absent du Top 7. Soit la plus grosse province de l’ANC, avec 131 610 membres, mais aussi la plus opposée au président Ramaphosa. « L’ANC va devoir résoudre ce problème s’il ne veut pas que la plaie s’aggrave », met en garde Richard Calland. « Aucune loi n’impose un candidat du KwaZulu-Natal », rétorque Bheki Mtolo, secrétaire général de l’ANC dans le KZN, pour mieux discréditer le sujet et garder la tête haute après des mois de campagne contre Ramaphosa.

Devant les caméras, les membres les plus radicaux du KZN ont pris soin de nuire au président. La faction des « Talibans » est venue coiffée de keffiehs pour afficher leur combativité. Ils ont tapé sur les tables, ont crié « vendu ! » à l’adresse de Gwede Mantashe, ont scandé les mots « délestage » pour souligner la crise de l’électricité que traverse le pays. Ils ont aussi chanté pour évoquer l’affaire Phala Phala qui embarrasse Cyril Ramaphosa. Et quand Jacob Zuma, ennemi juré de Ramaphosa, a fait son apparition, ils l’ont porté en triomphe jusqu’à son fauteuil.

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L’ancien président a fait une entrée de rock star. Jacob Zuma est arrivé en retard, entouré de sa protection présidentielle et sous les chants de ses partisans, obligeant Cyril Ramaphosa à interrompre son discours. C’était « une coïncidence », s’est défendue Duduzile Zuma, la fille de l’ancien président. Le clan Zuma a pourtant passé ces derniers jours à essayer de saboter la candidature de Ramaphosa. Pour l’ouverture de la conférence, la fondation Zuma a annoncé qu’elle poursuivait Cyril Ramaphosa au pénal dans une tortueuse affaire. Une stratégie pour exiger de Ramaphosa qu’il respecte le principe de mise à l’écart qui veut qu’un membre de l’ANC se retire en cas de poursuites. La présidence sud-africaine a dénoncé « un abus » des procédés judiciaires.

Désunion à l’approche de 2024

« C’est un parti qui est très divisé », observe Richard Calland. Cyril Ramaphosa ne disait pas autre chose à l’ouverture de la conférence. « Notre désunion se fait au détriment du soutien que nous devrions obtenir des Sud-Africains », a prévenu le président. Après avoir perdu sa majorité lors des élections locales de novembre 2021, l’ANC redoute le même scénario pour les élections générales de 2024. « Quand les Sud-Africains nous voient désunis, ils nous tournent le dos », a-t-il alerté lors d’un grand discours de politique interne.

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Cyril Ramaphosa aura donc pour mission de rassembler son parti à l’approche des élections générales de 2024. Les militants de l’ANC lui en ont donné le mandat. « Il ressort très renforcé de cette élection, et enhardi pour poursuivre ce qu’il a entrepris », déduit le politologue Ongama Mtinka. « Nous devons être derrière cette direction pour rendre l’ANC encore plus fort », a reconnu Pule Mabe, le porte-parole de l’ANC et candidat malheureux au poste de trésorier. En route pour 2024, « Ramaphosa va pouvoir diriger sans le frein à main », constate Richard Calland. Attention toutefois : s’il est un conducteur averti, Cyril Ramaphosa devrait savoir que les routes sud-africaines peuvent être dangereuses.

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