Congo : 2002-2012, la décennie Sassou

Dix ans après sa première élection depuis la guerre civile, le président congolais Denis Sassou Nguesso est à mi-chemin de son deuxième mandat consécutif. L’occasion de faire le point sur l’évolution du pays et sur ce qu’il reste à faire.

Le chef de l’État congolais à Oyo (Nord), dans sa région natale, en 2011. © Vincent Fournier pour J.A.

Le chef de l’État congolais à Oyo (Nord), dans sa région natale, en 2011. © Vincent Fournier pour J.A.

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Publié le 24 août 2012 Lecture : 4 minutes.

Congo : démocratie cha cha
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Congo : démocratie cha cha

Sommaire

Lorsque la guerre déclenchée le 5 juin 1997 s’achève, à la mi-octobre, la victoire sur les forces du président Pascal Lissouba de Denis Sassou Nguesso, soutenu par l’armée angolaise, et de ses alliés est incontestable. Ses principaux adversaires ont déjà quitté le pays. Brazzaville est exsangue, éventré. Les chiffres sont éloquents : 4 000 morts selon les uns, 10 000 selon les autres.

Le vainqueur, logiquement investi président de la République, comprend que, dans ce contexte de désolation, il ne pourra gouverner seul. Il faut ratisser large. La formation d’un gouvernement d’union nationale s’impose. En janvier 1998, la tenue du Forum national pour la réconciliation, l’unité, la démocratie et la reconstruction du Congo fixe une période de transition de trois ans avant le retour à la normalité institutionnelle. Puis, en 2001, s’ouvre un dialogue national au cours duquel l’accent est mis sur le retour au pays des exilés, en particulier les membres de l’ancien gouvernement. Après un référendum constitutionnel, le 20 janvier 2002, Denis Sassou Nguesso est élu président de la République, sur un projet de société baptisé la Nouvelle Espérance. Une « Espérance » marquée politiquement par un nouveau mode de fonctionnement et par le ralliement à Sassou Nguesso d’un certain nombre d’anciens collaborateurs de Pascal Lissouba, soit à titre individuel, soit via la création de partis satellites qui vont se fondre dans la nébuleuse de la majorité présidentielle. Cette stratégie contribuera à fragiliser, jusqu’à aujourd’hui, l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (Upads, le parti de Pascal Lissouba), qui, minée par de profondes divergences, aura du mal à remonter à la surface.

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Chronologie

25 février-10 juin 1991 Conférence nationale, qui aboutit à un Acte fondamental aménageant une transition démocratique de un an et limitant les prérogatives de Denis Sassou Nguesso, chef de l’État depuis 1979

15 mars 1992 Référendum constitutionnel. La République populaire du Congo devient République du Congo

16 août 1992 Victoire de Pascal Lissouba à la présidentielle

5 juin 1997 Début de la guerre civile

14 octobre 1997 Les forces de Denis Sassou Nguesso prennent le contrôle de Brazzaville. Il est investi président le 25 octobre

20 janvier 2002 Adoption par référendum de la nouvelle Constitution

10 mars 2002 Denis Sassou Nguesso est élu président. Il sera réélu le 12 juillet 2009

Mieux, le président est aussi parvenu à s’allier à ses plus farouches adversaires, Bernard Kolélas, en 2005, et Jacques Joachim Yhombi Opango, en 2007. Ces réconciliations spectaculaires aboutiront à l’entrée dans la majorité présidentielle du Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral (MCDDI, de Kolélas) et du Rassemblement pour la démocratie et le développement (RDD, de Yhombi Opango). Sans oublier, ensuite, le ralliement de la famille de Lissouba. Une aubaine pour Sassou, qui voit sa légitimité renforcée.

Investissements

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Cette décennie 2002-2012 aura surtout été celle de la mise en oeuvre d’une politique de grands travaux, passant en particulier par la municipalisation accélérée : construction d’infrastructures de base, de bâtiments publics et d’ouvrages indispensables (routes, aéroports, complexes hydroélectriques, etc.). Si les résultats sont déjà palpables, beaucoup reste à faire, et d’énormes investissements sont encore nécessaires.

À cet égard, le pays s’est astreint depuis 2004 à répondre aux exigences de discipline budgétaire de ses partenaires extérieurs, ce qui lui a permis d’atteindre, en janvier 2010, le point d’achèvement de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). Résultat, la moitié de la dette extérieure du Congo a été annulée par les bailleurs internationaux (principalement le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et le Club de Paris). Une véritable libération qui doit permettre au pays de mobiliser plus de ressources pour le développement et la réduction de la pauvreté.

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À l’heure du bilan, la décennie Sassou est diversement appréciée. Pour ses concitoyens, ses principaux acquis sont la paix et la construction d’infrastructures. « C’est nettement mieux qu’avant, il suffit de parcourir l’arrière-pays pour s’en convaincre », reconnaissent la plupart des Congolais. S’agissant du chef de l’État, qui a été réélu en 2009 sur un nouveau programme, le Chemin d’avenir, les avis sont partagés. Beaucoup estiment qu’il fait ce qu’il doit faire, tout en lui reprochant de ne sanctionner que trop rarement ceux de ses collaborateurs coupables de manquements. « Le président se fait moins obéir, il devrait donner un coup de balai dans l’écurie », résume un leader d’opinion. Parmi les points négatifs, certains Congolais interrogés déplorent « la présence trop marquée de la famille présidentielle dans la sphère publique », ainsi que « la mauvaise redistribution des revenus du pétrole qui divise la société avec, d’un côté, ceux qui n’ont rien et, de l’autre, ceux qui affichent de manière arrogante des signes extérieurs de richesse ».

Le mandat de Denis Sassou Nguesso s’achève en 2016. Il aura alors 73 ans. Va-t-il se représenter ? Il faudrait, pour cela, que la Constitution soit modifiée.

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Tshitenge Lubabu M.K., envoyé spécial

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