« Non, le Sénégal n’est pas “gangréné par la corruption” »

Un article paru dans le quotidien français « Le Figaro » ne prend guère en compte les efforts entrepris par le pays pour lutter contre la corruption, s’attardant uniquement sur des détails à charge « d’un rapport, au mépris de la déontologie la plus élémentaire », dénonce Samba Alar.

Dans l’imprimerie du Figaro, en août 2020. © MARTIN BUREAU / AFP.

Publié le 14 mars 2023 Lecture : 3 minutes.

Il est des principes auxquels on s’arrime ardemment, mais en regrettant de devoir y tenir. Ainsi de la liberté et, singulièrement, de la liberté de la presse. La liberté n’est pas vertueuse en soi. L’usage qu’on en fait, parfois. À l’instar de la langue d’Esope, elle peut être aussi la pire des choses. Le Figaro est à cet égard exemplaire, qui ravive en moi le goût, par discipline étouffé, d’Anastasie et de ses ciseaux. Le journal a récemment publié un article partial, à charge contre l’État du Sénégal qu’il accuse d’être « gangréné par la corruption » (sic !). Au mépris de la déontologie la plus élémentaire.

Justes proportions

Ainsi le journal cite-t-il, pour étayer ses accusations, un rapport confidentiel de l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), un réseau de journalistes qui reproche au ministère de l’Environnement sénégalais d’avoir souscrit un contrat d’armement sans respecter ses obligations de publicité et de mise en concurrence. En méconnaissance l’article 3 du décret 2014-1212 du 22 septembre 2014 portant Code des marchés publics qui dispense de telles obligations « les travaux, fournitures, prestation de services et équipements réalisés pour la Défense et la sécurité nationales ». Le Figaro eût été plus avisé de vérifier le bien-fondé de tels griefs avant de s’en faire l’écho.

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Poursuivant son réquisitoire, le journal cite un autre rapport, de la Cour des comptes, qui « a constaté des surfacturations et des détournements du fonds public dédié à la lutte contre le Covid-19 pour un préjudice de 7 milliards de F CFA [10,6 millions d’euros] ». Tout en se gardant, cauteleux, de mentionner le montant dudit fonds, qui s’élève à 1 000 milliards de F CFA. Autrement dit, sur les 1 000 milliards de dépenses effectuées, les manquements dont fait état le rapport de la Cour des comptes ne portent « que » sur 0,7% du montant des dépenses.

Il s’agit ici moins de minimiser la gravité de tels manquements, seraient-ils avérés, que de les ramener à leurs justes proportions. La dizaine de personnes mises en cause par ledit rapport font actuellement l’objet d’enquêtes ordonnées par la justice. Dix cas présumés – non avérés à ce stade, les enquêtes suivent leur cours – de malversations suffisent-ils à faire du Sénégal un pays « gangréné par la corruption » ?

Contrôle sans complaisance

Notre pays peut s’enorgueillir d’avoir une Cour des comptes qui contrôle sans complaisance les gestionnaires publics et une justice qui s’applique de manière indifférente aux puissants comme à la menuaille. « Au Sénégal, la lutte contre la corruption fait du surplace », fustige encore le journal. Mais la réalité est obstinée : avec un score de 43, en hausse de sept points depuis 2012, selon le Transparency International index, le Sénégal se situe désormais au-dessus de la moyenne mondiale.

L’adoption de la loi organique n° 2012-23 du 27 décembre 2012 élargissant le champ de compétences de la Cour des comptes, la mise en place de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), ainsi que l’adhésion de notre pays à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie) ont contribué à assainir la gestion des affaires publiques. Le Sénégal a fait, depuis 2012, un bond spectaculaire de 22 places dans le classement mondial établi par Transparency International, devançant même des États membres de l’UE comme la Hongrie.

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Jusqu’ici, Le Figaro avait vocation à rendre compte, à dire le réel. Sa renommée l’aurait-elle enivré et enhardi ? Le Sénégal n’est pas gangréné par la corruption. Un mensonge peut faire le tour de la terre, le temps que la vérité n’enfile ses chaussures. Puisse l’État sénégalais trouver réconfort dans cette phrase de Voltaire : « Il faut toujours que ce qui est grand soit attaqué par les petits esprits. »

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