En Égypte, même les bons samaritains se serrent la ceinture

En cette période de graves difficultés économiques, les Égyptiens s’accrochent à la tradition de charité du ramadan, les donateurs et les personnes dans le besoin plaçant leurs espoirs dans la générosité des fêtes.

Un vendeur de dattes sur le marché traditionnel de Road al-Farag au Caire, le 22 mars 2023. © Khaled DESOUKI / AFP

Publié le 28 mars 2023 Lecture : 3 minutes.

En Égypte, le ramadan est synonyme de dons aux plus pauvres. Mais cette année avec la crise économique, les prix se sont envolés, les donateurs se sont faits plus rares et les soupes populaires ont dû sérieusement réduire la voilure.

« L’année dernière, on a servi 360 repas de rupture du jeûne par jour pendant le mois de ramadan. Cette année, on ne pourra même pas en assurer 200 », estime la fondatrice d’une petite association caritative dans le quartier populaire d’al-Marg au Caire. Et pourtant, cette bonne samaritaine confie que ces repas gratuits sont devenus vitaux, les prix des denrées alimentaires ayant  plus que doublé alors que l’inflation frôle les 33 % et la dévaluation les 50 %.

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Pour beaucoup de familles, récupérer un panier ou s’attabler dans une de ces associations est devenu « l’unique option pour manger de la viande ou du poulet », deux denrées désormais hors de portée pour la majorité des Égyptiens dans un pays où les deux tiers des 105 millions d’habitants vivent sous, ou juste au-dessus, du seuil de pauvreté.

Aumône annuelle

Le ramadan est synonyme de charité en Égypte : « C’est une tradition à laquelle on tient beaucoup, la plupart des Égyptiens donnent leur aumône annuelle à ce moment-là », explique Manal Saleh, aujourd’hui à la tête de la Banque vestimentaire égyptienne après avoir fondé en 2004 la Banque alimentaire, l’une des plus grosses associations d’aide du pays. Sur les 315 millions de dollars de dons versés à des associations sur dix mois en 2021 selon les chiffres officiels, « 90 % ont été reçus pendant le ramadan », assure-t-elle.

Mais cette année, la guerre en Ukraine, une forte dévaluation et la flambée mondiale de l’inflation sont passées par là. Pour Fouad, un Cairote de 64 ans, cela s’est traduit par une augmentation en flèche du nombre de familles ayant besoin d’aide pendant le ramadan. L’an dernier, la petite soupe populaire que cet ingénieur à la retraite tient avec plusieurs amis a distribué 250 repas par jour. Cette année, dit-il, il faudra cuisiner davantage « pour ne pas aider uniquement les plus démunis ».

Il voit désormais passer des travailleurs journaliers ou petits employés qui, toute l’année, sautent le déjeuner et économisent ainsi « 60 ou 70 livres », soit environ deux euros, « car ils savent que cette somme peut faire la différence pour leur famille ».

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Classe moyenne écrasée

Car en Égypte, l’un des cinq pays au monde qui risque de ne plus pouvoir rembourser sa dette, il n’y a plus de petites économies. Selon les derniers chiffres officiels datant de 2021, le salaire moyen était de 120 euros. Or, aujourd’hui, le kilo de viande locale la moins chère du Caire est à 6,5 euros, soit le quart d’une paye hebdomadaire.

Cette année, Fouad et ses amis sont parvenus à doubler leur budget. Mais au prix de gros efforts et surtout en sachant que cela ne permettrait pas de doubler le nombre des bénéficiaires, tout juste de le dépasser un peu. « À deux semaines du ramadan, on a regardé les chiffres et on s’est dit qu’on devait peut-être tout annuler cette année », raconte-t-il. « Mais heureusement ceux qui le pouvaient ont doublé leurs donations car ils savent à quel point c’est important pour nous de répondre présents dans des moments comme celui-ci ».

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Avant le ramadan, les ONG racontaient déjà recevoir la classe moyenne écrasée par la flambée des prix, réclamant des chèques pour payer le loyer, l’école des enfants ou la maintenance de leur voiture. Ceux-là, jusqu’à l’année dernière généreux donateurs, ne peuvent plus aider les plus pauvres. Manal Saleh reste confiante : « On a traversé des crises avant celle-là, et les Égyptiens se sont serrés les coudes. Même si les gens ne peuvent plus donner autant, on va voir davantage de bénévoles, de volontaires prêts à cuisiner pour les autres. Même s’ils n’ont pas d’argent à donner. »

(avec AFP)

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