En Tunisie, Rached Ghannouchi, chef d’Ennahdha a été arrêté

La vague d’arrestations d’opposants et de représentants de la société civile se poursuit. Lundi soir, lors de la rupture du jeûne, c’est le chef du parti islamiste et ancien président du Parlement qui a été appréhendé.

Sur cette photo prise le 21 février 2023, le chef du mouvement islamiste Ennahdha, Rached Ghannouchi, arrive à un poste de police à Tunis. © FETHI BELAID / AFP

Publié le 18 avril 2023 Lecture : 3 minutes.

Le 17 avril, les autorités tunisiennes ont arrêté le chef du mouvement islamo-conservateur Ennahdha, un des principaux opposants au président Kaïs Saïed. Rached Ghannouchi, 81 ans, qui dirigeait le Parlement dissous en juillet 2021 par le président tunisien, est l’opposant le plus en vue à être appréhendé depuis ce coup de force.

L’homme a été arrêté par des policiers à son domicile à Tunis, a affirmé Ennahdha dans un communiqué, en dénonçant « ce développement extrêmement grave » et appelant à sa « libération immédiate ».

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Le vice-président d’Ennahdha, Mondher Lounissi, a affirmé que Ghannouchi avait été emmené dans une caserne de police pour un interrogatoire auquel ses avocats n’ont pas été autorisés à assister. Son arrestation survient après des déclarations rapportées par des médias, dans lesquelles il a affirmé que la Tunisie serait menacée d’une « guerre civile » si l’islam politique, dont est issu son parti, y était éliminé.

« Guerre civile »

Une source au ministère de l’Intérieur a confirmé que l’arrestation de Rached Ghannouchi était liée à ces déclarations. Cette arrestation s’est déroulée au moment de l’iftar, le repas de rupture de jeûne du ramadan et quelques heures avant la célébration par les fidèles de la nuit sacrée « du destin ».

Rached Ghannouchi avait déjà comparu en février au pôle judiciaire antiterroriste à la suite d’une plainte l’accusant d’avoir traité les policiers de « tyrans ». Puis il avait été entendu en novembre 2022 par un juge du pôle judiciaire antiterroriste pour une affaire en lien avec l’envoi présumé de jihadistes en Syrie et en Irak. En juillet de la même année, il avait été interrogé pour des soupçons de corruption et blanchiment d’argent liés à des transferts de fonds depuis l’étranger vers une organisation caritative affiliée à Ennahdha.

Vague d’arrestations

Depuis début février, les autorités ont incarcéré plus de vingt opposants et des personnalités parmi lesquelles des ex-ministres, des hommes d’affaires et le patron de la radio la plus écoutée du pays, Mosaïque FM. Ces arrestations, dénoncées par des ONG locales et internationales, ont visé des figures politiques de premier plan du Front de salut national (FSN), principale coalition d’opposition dont fait partie Ennahdha, que le président Saïed a qualifié de « terroristes ».

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« L’arrestation du chef du plus important parti politique au pays, qui a toujours montré son attachement à l’action politique pacifique, marque une nouvelle phase dans la crise », a réagi le président du FSN, Ahmed Néjib Chebbi. « Cela relève de la vengeance aveugle contre les opposants », a-t-il ajouté.

Opposant de premier plan sous les régimes de Habib Bourguiba et Zine el-Abidine Ben Ali, le retour au pays de Rached Ghannouchi après vingt ans d’exil à Londres, à la suite de la chute du dictateur en 2011, avait été célébré par des milliers de personnes. Mais son étoile a progressivement pâli depuis la révolution, ses détracteurs l’accusant d’être un manœuvrier pragmatique prêt à tout pour se maintenir au pouvoir.

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« Démocrate musulman »

À défaut de pouvoir réunir une majorité absolue, il s’est toujours arrangé pour qu’Ennahdha soit incontournable dans les différentes coalitions depuis la révolution. Quitte à passer des alliances contre nature avec le parti libéral Qalb Tounes de l’homme d’affaires Nabil Karoui, ou avec l’ancien président Beji Caïd Essebsi, en arguant de la nécessité d’un « consensus » nécessaire à la transition démocratique.

Au début de son parcours, il s’était d’abord inspiré des Frères musulmans égyptiens, avant de se réclamer du modèle islamiste turc de Recep Tayyip Erdogan. Il a ensuite transformé Ennahdha en mouvement civil, censé n’être consacré qu’à la politique, et s’affiche depuis comme un « démocrate musulman » défendant des valeurs conservatrices sans dogmatisme.

(avec AFP)

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