Depuis Paris, Macky Sall alimente les doutes sur sa candidature à un troisième mandat

Le chef de l’État sénégalais a déclaré le 21 juin vouloir « [marcher] vers la victoire en 2024 ». Sans toutefois préciser s’il comptait se présenter lui-même à la présidentielle, prévue dans huit mois.

Macky Sall ne sera pas candidat en 2024. Ici, lors des Rencontre des Entrepreneurs de France organisées par le Medef à l’Hippodrome de Longchamps (Paris), le 27 août 2020. © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

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Publié le 22 juin 2023 Lecture : 4 minutes.

« Soyez rassurés. Je m’adresserai au pays dans peu de temps. Après cette déclaration, nous aurons de quoi faire pour aller vers la marche du progrès et vers la victoire en 2024 ! ». Mercredi 21 juin, c’est un Macky Sall en verve qui a fait face à plusieurs dizaines de ses partisans dans la résidence de l’ambassadeur du Sénégal à Paris, El Hadji Magatte Seye.

Face aux hourras de ses sympathisants, Macky Sall a pris soin de rester ambigu au sujet de son éventuelle candidature. Mais ses déclarations parisiennes laissent présager son souhait de plus en plus marqué de briguer un troisième mandat controversé lors de la prochaine élection présidentielle, prévue en février 2024.

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Le chef de l’État a ainsi incité la branche française de l’Alliance pour la république (APR, au pouvoir) à provoquer « une déferlante » dans l’Hexagone. « Ce que je peux vous promettre, c’est que, grâce à notre travail, nous nous maintiendrons au pouvoir avec la volonté du peuple », a assuré Macky Sall, promettant de « [défendre] l’indépendance nationale et les intérêts du Sénégal contre les forces obscures qui cherchent à [le] déstabiliser ».

Dialogue politique

Le président a promis de s’adresser « sans tabou » à la nation à l’issue du dialogue national – qui prend fin le 24 juin – initié la veille de la condamnation d’Ousmane Sonko et boycotté par une grande partie de l’opposition. Si la question du troisième mandat a été abordée au cours des discussions, le consensus n’a pas été atteint : il est ressorti des débats qu’il reviendrait au Conseil constitutionnel de trancher en cas de candidature du président sortant.

Ce qui « confirme » un deal, aux dires de l’ancienne Première ministre Aminata « Mimi » Touré : « Tout ce que cherche le président Macky Sall à travers son pseudo-dialogue est de légitimer un troisième mandat juridiquement et moralement inacceptable. Pour rappel, tous les membres du Conseil constitutionnel sont nommés par lui. »

Si les opposants Karim Wade et Khalifa Sall pourraient bénéficier d’une révision des articles controversés L28 et L29 du Code électoral qui les rend inéligibles, Ousmane Sonko, condamné le 2 juin à deux ans de prison ferme, reste pour l’instant hors-jeu du prochain scrutin. Une preuve de plus que Macky Sall est en train de préparer le terrain pour sa propre candidature, selon ses adversaires.

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Depuis plusieurs mois, les signaux qui semblent indiquer que le président sortant pourrait se lancer dans l’aventure dangereuse du troisième mandat se multiplient. Macky Sall a ainsi été investi par son parti, qui déclare « n’avoir ni plan B ni plan Z » pour l’élection à venir. Quant à son Premier ministre, Amadou Ba, en qui beaucoup voyaient il y a encore quelques mois un dauphin potentiel du président, il est en retrait de la scène politique et médiatique.

À l’inverse, les ministres et responsables de la majorité multiplient les déclarations de soutien à la candidature de leur chef, et n’ont de cesse d’en réaffirmer la légalité. Le 3 juin, alors que le Sénégal était traversé par une flambée de violences suite à la condamnation d’Ousmane Sonko, le ministre-conseiller du chef de l’État, Mor Ngom, assurait travailler avant tout à « l’évaluation du bilan présidentiel » et à la mise en valeur de « ses réalisations ».

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« Les compteurs à zéro » et l’article 27

En février dernier, le directeur général de l’aéroport international Blaise Diagne, Abdoulaye Dièye, initiait une pétition « pour un second quinquennat » de Macky Sall afin de donner aux citoyens « le droit de s’exprimer sur leur choix ». Objectif : un million de signatures avant le mois de juillet. Les partisans d’un troisième mandat insistent en effet sur le référendum constitutionnel de 2016, qui remet selon eux « les compteurs à zéro » en modifiant la durée du mandat présidentiel.

Il n’empêche que Macky Sall lui-même et plusieurs de ses ministres ont répété à l’envi pendant des années que, quinquennat ou septennat, nul n’avait le droit de faire plus de deux mandats au Sénégal, comme le dit clairement l’article 27 de la Constitution. Macky Sall l’a même écrit dans son ouvrage Le Sénégal au cœur, publié à la veille de sa réélection en 2019.

« La question du troisième mandat est avant tout morale : il a dit qu’il ne se présenterait pas », concédait il y a quelques mois un proche du président. Macky Sall va-t-il finalement se dédire et décider de porter lui-même les couleurs de sa coalition lors du scrutin de 2024 ?

Rencontre avec Macron

Ses partenaires étrangers, Paris en tête, tentent discrètement de le convaincre de renoncer. « Le troisième mandat, on n’est pas fan, glisse une source diplomatique à Dakar. Macky Sall a beaucoup de bons amis, qu’il risque de perdre s’il venait à se présenter. » Le sujet sera sans doute au menu des discussions qu’il aura vendredi après-midi avec son homologue français Emmanuel Macron, lors d’un entretien bilatéral en marge du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial organisé à Paris.

« Il est assis sur un volcan et il ne s’en rend pas compte, insiste une source qui a rencontré le président récemment. On lui dit ce qu’il veut entendre : troisième mandat, troisième mandat, troisième mandat ! Il est convaincu de pouvoir l’emporter s’il se rend aux élections. » « Le Sénégal suscite la convoitise, a pour sa part insisté Macky Sall mercredi, en référence à l’exploitation très attendue des importantes réserves de gaz et de pétrole, prévue pour la fin de l’année. Ceux qui veulent détruire le Sénégal nous trouverons en face. »

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