Mégaprojet de TotalEnergies en Ouganda : nouvelle action devant la justice française

Appuyés par des ONG françaises et ougandaises, des membres de communautés affectées par les projets de forage pétrolier Tilanga et d’oléoduc Eacop du géant français des hydrocarbures ont demandé des « réparations ».

Des militants écologistes de Just Stop Oil manifestent devant le siège de TotalEnergies, à Londres, le 27 juin 2023. © HENRY NICHOLLS / AFP.

Publié le 27 juin 2023 Lecture : 3 minutes.

Expropriations abusives, compensations insuffisantes, harcèlement, inondations des terres… Confrontés à divers « violations des droits humains » causées, selon eux, par TotalEnergies dans le cadre de ses projets de forage pétrolier Tilenga et d’oléoduc East African Crude Oil Pipeline (Eacop) en Ouganda, vingt-six Ougandais et cinq associations françaises et ougandaises ont lancé ce 27 juin une nouvelle action en justice en France pour demander « réparation » au géant français des hydrocarbures pour les « préjudices » subis.

Tilenga est un forage de 419 puits de pétrole, dont un tiers dans le parc naturel des « Murchison Falls » (chutes du Nil blanc, parmi les plus puissantes au monde), remarquable réserve de biodiversité et plus grand parc national d’Ouganda. Tandis qu’Eacop est un oléoduc chauffé de 1 500 km jusqu’à la côte tanzanienne, qui franchit plusieurs aires naturelles protégées.

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Les demandeurs sont 26 membres des communautés affectées par les deux mégaprojets, le défenseur des droits humains ougandais Maxwell Atuhura, et cinq associations françaises et ougandaises (Afiego, les Amis de la Terre France, Nape/Amis de la Terre Ouganda, Survie et Tasha Research Institute).

Une première action en justice en 2019

En octobre 2019, les associations françaises Amis de la Terre et Survie et quatre ONG ougandaises avaient assigné Total en justice en France en dénonçant les violations des droits humains et risques pour l’environnement de ces deux projets. En février 2023, le tribunal judiciaire de Paris avait déclaré leur recours en référé inadmissible pour une question de procédure, en reprochant en creux aux ONG de ne pas avoir suffisamment exploré la voie du dialogue avec le géant pétrolier avant de saisir la justice.

La nouvelle action en justice a été annoncée lors d’une conférence de presse à Paris, en présence des associations concernées et de plusieurs des demandeurs ougandais. Cette fois, « il s’agit d’une action en réparation car les violations des droits humains » que la première action en justice lancée en 2019 visait à empêcher « se sont désormais réalisées faute de décision judiciaire rapide sur le cœur de l’affaire », précise un communiqué de ces associations. Elles espèrent faire condamner TotalEnergies à les « indemniser » pour les « graves préjudices » causés aux demandeurs, notamment les violations de leurs droits à la terre et à l’alimentation, ajoute le communiqué.

Près de 120 000 personnes touchées par des expropriations

« Il est inacceptable que les compagnies pétrolières étrangères continuent de réaliser des superprofits alors que les communautés affectées par leurs projets en Ouganda sont harcelées, déplacées, mal indemnisées et vivent dans une pauvreté abjecte sur leurs propres terres », dénonce Frank Muramuzi, directeur exécutif de l’association Nape/Amis de la Terre Ouganda.

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Selon ces ONG, plus de 118 000 personnes en Ouganda et en Tanzanie sont affectées par des expropriations totales ou partielles du fait des deux projets. Elles accusent TotalEnergies d’avoir fait signer à beaucoup à partir de 2017 des accords de vente de leurs terres, très souvent en les intimidant, et sans indemnisation ou en échange de sommes insuffisantes.

À cause de Tilenga et EACOP, des personnes « ont été privées de la libre utilisation de leurs terres et ce pendant plus de trois ou quatre ans », rapporte le communiqué. Cela a conduit à la « privation de leurs moyens de subsistance, et donc à des situations de graves pénuries alimentaires » dans certaines familles.

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En outre, à partir de 2022, « les terres de certains villages ont été fortement impactées par des inondations répétées causées par la construction de l’usine de traitement du pétrole (CPF) du projet Tilenga », ajoute le communiqué. Pour toutes ces raisons, « la responsabilité de Total est engagée », a affirmé lors du point de presse l’avocate des demandeurs, Elise Le Gall.

Menaces et harcèlement

« Plusieurs demandeurs ont subi menaces, harcèlement et arrestations simplement car ils avaient osé critiquer les projets pétroliers en Ouganda et en Tanzanie et défendre les droits des communautés affectées », dénoncent par ailleurs les ONG. Elles citent notamment les cas de deux Ougandais venus en France en décembre 2019 à l’occasion de la toute première audience au tribunal. « À leur retour en Ouganda, l’un a été arrêté à l’aéroport et l’autre a été attaqué chez lui dix jours après », regrettent les ONG.

Le défenseur des droits humains Maxwell Atuhura, directeur de Tasha, présent à la conférence de presse, a raconté avoir été « menacé », subi des « effractions à son domicile personnel » et « arrêté arbitrairement deux fois en 2022 ».

À Londres, au cours de la même matinée, des militants écologistes du groupe Just Stop Oil s’en sont pris au siège de TotalEnergies en l’aspergeant de peinture orange et noire, afin de dénoncer ce même mégaprojet pétrolier en Ouganda.

(Avec AFP)

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