Réaction des organisations humanitaires face aux expulsions

L’expulsion de 13 organisations humanitaires du Soudan met en péril plusieurs centaines de milliers de civils les plus vulnérables, ont averti des groupes d’aide humanitaire, en exhortant le gouvernement à réexaminer sa décision.

Publié le 6 mars 2009 Lecture : 4 minutes.

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Le vice-président Ali Osman Taha a indiqué aux journalistes le 4 mars que plusieurs organismes d’aide humanitaire avaient été priés de quitter le pays, accusés « de violer la législation nationale ».

M. Taha ne s’est pas étendu sur la question, mais a toutefois ajouté que le Soudan « maintenait son engagement s’agissant de la mise en œuvre de l’accord signé avec les Nations Unies et d’autres ONG ».

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Parmi les organisations expulsées figurent Oxfam, CARE, MSF-Pays-Bas, Mercy Corps, Save the Children, le Conseil norvégien pour les réfugiés, l’International Rescue Committee (IRC), Action contre la faim, Solidarités et CHF International.

Des sources ont affirmé que ces organismes avaient été sommés de partir après le lancement par la Cour pénal internationale (CPI) du mandat d’arrêt à l’encontre du président Omar el-Bashir, accusé de crimes de guerre.

M. Bashir rejette tous les chefs d’accusation, estimant qu’ils « ne valent pas l’encre avec laquelle ils ont été écrits ».

« Peu après cette annonce, le gouvernement soudanais a révoqué le permis de plusieurs organisations humanitaires, notamment Mercy Corps », a déclaré Neal Keny-Guyer, son directeur général. « Nous prévoyons de faire appel de la décision, en vertu de la législation soudanaise ».

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Toutefois, l’expulsion des ONG ne s’applique pas à la région du Sud Soudan, semi-autonome, qui poursuit sa lente reconstruction après plus de deux décennies de conflit avec le nord, sauf décision contraire du gouvernement, ont indiqué les sources.

« Nous avons été informés que nous avions 24 heures pour partir, que nous devions simplement partir », a expliqué le représentant d’une ONG, qui a tenu à rester sous couvert d’anonymat. « Il semblerait que nous n’ayons d’autre choix que de nous conformer à cette décision ».

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Selon des observateurs, le retrait des principales organisations risque d’avoir des conséquences terribles pour les plus défavorisés, plus particulièrement dans la région ouest du Darfour, où la violence a contraint plusieurs millions de personnes à quitter leur domicile.

Au minimum 2,5 millions de déplacés au Darfour dépendent des organisations humanitaires pour la nourriture, l’eau salubre et d’autres produits de première nécessité, d’après M. Keny-Guyer.

« Un sérieux revers »

Le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, a déclaré que la décision constituait « un sérieux revers pour les opérations humanitaires au Darfour », et appelé le gouvernement à la reconsidérer.

L’arrêt des activités de deux organisations soudanaises, le Centre de Khartoum pour les droits humains et le développement de l’environnement (Khartoum Centre for Human Rights and Environmental Development) et le Centre Amal pour la réhabilitation des victimes de violence de Khartoum (Khartoum Amal Center for the Rehabilitation of the Victims of Violence), a été également été annoncé le 5 mars.

La révocation du permis d’Oxfam affecterait plus de 600 000 Soudanais bénéficiant d’une aide humanitaire et d’une aide au développement, a déploré Penny Lawrence, directeur international d’Oxfam.

« Oxfam n’a aucune opinion sur les activités [de la CPI] ; notre seul but consiste à répondre aux besoins humanitaires et de développement au Soudan », a déclaré l’organisation dans un communiqué.

L’IRC a été sommé de mettre fin à ses programmes d’aide humanitaire au Darfour ainsi que dans le nord et l’est du Soudan. La décision, estime l’organisation, menace 1,75 million de personnes.

« Nous sommes extrêmement préoccupés par l’interruption forcée de nos opérations d’aide humanitaire », a déclaré George Rupp, président de l’IRC. « Il semblerait que les efforts d’aide humanitaire internationaux déployés dans la région soient gelés, ce qui suscite de sérieuses inquiétudes quant au sort de millions de Soudanais, qui doivent leur survie à l’aide humanitaire ».

CARE a déclaré avoir reçu un courrier du gouvernement révoquant son autorisation d’exercer ses opérations au Soudan ; l’organisation tente d’évaluer les répercussions d’une telle décision pour ses 1,5 million de bénéficiaires.

Selon Save the Children, la décision prise par les autorités soudanaises de suspendre ses opérations affecterait 50 000 enfants à Khartoum ainsi que dans le nord-est du pays. La plupart de ces enfants, a indiqué Ken Caldwell, directeur des opérations internationales, vivent désormais dans des camps, après avoir été contraints à quitter leur domicile pour fuir le conflit actuel.

Avertissement du gouvernement

En février, des représentants du gouvernement ont conseillé à plusieurs organisations humanitaires d’éviter toute implication dans la politique soudanaise, et ont accusé ces dernières d’œuvrer aux côtés de leur propre gouvernement contre Khartoum.

« Nous savons que certaines ONG sont gouvernementales », avait alors déclaré Hassabo Mohammed Abdel Rahman, qui préside la commission des affaires humanitaires. « Nous constatons dans la pratique une implication accrue des hommes politiques, ambassadeurs ou gouvernements, au sein des ONG ».

Au lendemain de l’annonce faite par la CPI, les dirigeants soudanais étaient d’humeur défiante, alors que des milliers de partisans de M. Bashir organisaient une manifestation de grande envergure à Khartoum.

« Nous craignons que le processus d’expulsion se poursuive et s’applique à d’autres organisations », a déclaré un autre personnel humanitaire à Khartoum, qui a souhaité rester anonyme. « L’avenir nous inquiète ».

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