Pas de pyramides pour Travis Scott

La star texane ne pourra pas se produire à Gizeh. Selon Le Caire, le rappeur affiche un manque de respect des « traditions » égyptiennes inacceptable.

© Damien Glez

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Publié le 19 juillet 2023 Lecture : 2 minutes.

Chargé de la validation de toute diffusion d’œuvre musicale numérique ou en live, le syndicat des musiciens égyptiens vient d’interdire, ce mardi, un concert du rappeur américain Travis Scott. Le spectacle était prévu le 28 juillet prochain, devant les pyramides de Gizeh. Si l’information devient peu à peu virale, c’est que le site ancestral qui fait face au Caire a abrité les scènes de nombreuses prestations contemporaines d’envergure, comme celles, mémorables, du compositeur Jean-Michel Jarre, du collectif IAM ou du groupe Black Eyed Peas.

Et si le veto opposé au projet de Travis Scott interroge, c’est que la justification en est, pour l’heure, assez lapidaire : « Après examen des opinions exprimées sur les réseaux sociaux et des positions de l’artiste, le syndicat a trouvé des images et des informations documentées sur les rituels étranges qu’il pratique et qui vont à l’encontre des traditions du peuple égyptien »…

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Susceptibilité récente

La nature virale ayant horreur du vide, les observateurs replacent l’événement dans la perspective de la tendance récente de l’Égypte à dénoncer la quête d’une présumée filiation des mouvements africains-américains avec les pharaons. Jarre est un artiste européen propret de musique électronique. Même classé dans la famille hip-hop, les Black Eyed Peas développent une œuvre davantage teintée d’ambiances pop que de revendications identitaires. Quant aux rappeurs d’IAM, à leur musique urbaine, à leurs racines subsahariennes –­ sénégalaises ou malgaches­– et à leurs pseudonymes égyptiens – Akhenaton, Shurik’n, Kheops ou Imhotep –, ils s’étaient produits au pied des pyramides de Gizeh il y a maintenant quinze ans, bien avant qu’on reproche à Beyoncé ou Rihanna leur pillage présumé de l’esthétique antique égyptienne.

Cette « susceptibilité » semble plutôt récente, si l’on convoque les écrits de Cheikh Anta Diop, dont on célèbre le centenaire. L’historien sénégalais ne se contentait pas d’affirmer que « l’Égypte pharaonique était une civilisation africaine, élaborée en Afrique par des Africains ». Il théorisait, dès le milieu du XXe siècle, que « toutes les classes de la société égyptienne appartenaient à la même race noire », justifiant ses propos par « les traits typiquement négroïdes des pharaons Narmer, Djéser ou Khéops », ce dernier n’étant pas un DJ marseillais mais un constructeur de pyramide.

Actuellement en tournée mondiale, Travis Scott et ses « rituels » ne devraient pas être trop ébranlés, le rappeur ayant déjà été au cœur de polémiques de nature à l’écarter de scènes programmées comme l’édition 2022 du prestigieux Festival Coachella. Les autorités égyptiennes devraient également rester droites dans leurs bottes, au risque de ré-ré-écrire ce qu’elles dénoncent comme une « réécriture » de l’histoire de leur pays…

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