Dossier télécoms : Sonatel en ordre de bataille

Face à un durcissement de la concurrence, Sonatel, la filiale ouest-africaine d’Orange prépare sa mue. Sa stratégie : miser sur l’internet mobile, être davantage à l’écoute des clients et réduire les coûts de gestion de ses infrastructures.

L’opérateur est numéro un au Sénégal. © Sylvain Cherkaoui/JA

L’opérateur est numéro un au Sénégal. © Sylvain Cherkaoui/JA

Julien_Clemencot

Publié le 22 novembre 2013 Lecture : 5 minutes.

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Télécoms : en ordre de bataille

Sommaire

Siège de Sonatel, Dakar, le 10 octobre. Alioune Ndiaye, directeur général de cette filiale du français Orange, fait face à la presse à l’occasion du lancement du réseau pilote 4G (très haut débit mobile). Habituellement avare en déclarations, il doit théoriquement se borner à présenter cette nouvelle innovation. Son intervention est finalement en partie destinée à rassurer les puissants syndicats maison. Depuis quelques mois, l’entreprise, première capitalisation d’Afrique de l’Ouest (détenue à 27 % par l’État sénégalais), a accéléré la sous-traitance de la maintenance de ses tours télécoms et participe à l’intérieur du groupe Orange à un projet de mutualisation de la supervision de ses infrastructures. Les personnels craignent un début de démantèlement de l’entreprise. « Sonatel ne vendra aucune de ses infrastructures » et « pas un agent ne sera licencié », insiste Alioune Ndiaye pour calmer les esprits.

Le discours de l’héritier de Cheikh Tidiane Mbaye (qui, après presque un quart de siècle à la tête de l’opérateur, est considéré comme l’un des principaux artisans de sa réussite) parvient semble-t-il à convaincre les partenaires sociaux. « Nous sommes conscients de la nécessité de maintenir le haut niveau de performance de Sonatel, confirme un représentant du personnel. Une structure affectée à la supervision des infrastructures devrait être créée fin 2015. Si le chantier est bien mené, cela ne devrait pas fragiliser les emplois, au contraire. Sur cette question, le dialogue est engagé entre le directeur et les secrétaires généraux des syndicats. »

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Pépite

Nommé en septembre 2012, Alioune Ndiaye jouit encore des succès obtenus à Bamako, où il a créé Orange Mali en 2002. Il peut surtout s’appuyer sur les résultats récemment publiés par Sonatel à l’issue du premier semestre 2013. En un an, l’opérateur a réussi à faire grimper sa base d’abonnés de 26,9 % (20,2 millions de clients), avec des progressions particulièrement fortes en Guinée (+ 61 %) et au Mali (+ 35 %). « C’est excellent, on est en avance sur nos objectifs dans chacune de nos opérations », se félicite Marc Rennard, directeur exécutif d’Orange chargé de l’Afrique, du Moyen-Orient et de l’Asie.

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Pour autant, l’état-major du groupe ne se fait pas d’illusions. Il sait pertinemment que sa pépite ouest-africaine va devoir lutter pour préserver sa domination face à une concurrence de plus en plus rude. Si son chiffre d’affaires continue de progresser (544 millions d’euros au premier semestre 2013, + 10,3 % sur un an), son revenu par utilisateur s’effrite (- 13,3 % sur un an pour l’activité mobile), tout comme sa rentabilité. « Il ne se passe pas deux jours sans qu’un des opérateurs ne lance une nouvelle promotion sur le mobile au Sénégal », reconnaît Alioune Ndiaye. Sans compter l’arrivée, annoncée par les pouvoirs publics sénégalais, d’un quatrième compétiteur sur le marché du mobile.

Terrain

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« Un tel scénario pourrait déclencher une guerre des prix dommageable pour le secteur et se répercuter négativement sur les investissements et sur le personnel », prévient le directeur général. Le ton est grave, mais c’est sereinement que la direction de Sonatel prépare son plan de bataille. Sur le fond, la stratégie ne change pas, hormis la volonté de porter plus d’attention aux attentes des abonnés. Pour y parvenir, Alioune Ndiaye a créé en janvier une direction « service aux clients » distincte de l’activité commerciale, tout comme il a séparé la supervision des réseaux et la direction des systèmes d’information.

Sonatel-parts-marche infoSur le terrain, cela s’est traduit en Guinée par un effort financier important : 19,8 millions d’euros au premier semestre 2013, soit 31,8 % des investissements totaux pour seulement 12,5 % des abonnés au mobile. Objectif : étendre la couverture à 58 nouvelles localités et améliorer la qualité des prestations. Pari gagnant, puisque l’opérateur occupe désormais la première place, devant le sud-africain MTN. Sonatel détenait fin juin 42 % de part de marché (+ 10 points sur un an).

La fin de la guerre au Mali peut également l’inciter à un certain optimisme, même si un troisième concurrent – le groupe Planor, déjà propriétaire de Telecel Faso au Burkina – ne devrait pas tarder à se lancer, après avoir réuni les financements nécessaires à son projet. « Mais le marché malien recèle encore des gisements de croissance, notamment sur les services monétiques [transferts d’argent et paiements par mobile] et sur la data [échanges de données via les portables] », insiste Alioune Ndiaye.

Le web sera sans doute le meilleur carburant de la croissance des opérateurs dans les années à venir. Pour Marc Rennard, c’est sûr, 2013 va consacrer la percée de l’internet mobile. Fin juin, Sonatel avait doublé, en un an, son nombre d’utilisateurs sur ce créneau (chiffre d’abonnés non communiqué). « D’ici à cinq ans, on peut espérer qu’entre 25 % et 30 % des revenus proviendront de cette activité », avance Sami Matri, analyste chez Sofrecom, le bureau d’études d’Orange. Internet semble enfin devenir une priorité pour les opérateurs, comme l’atteste la baisse du prix des smartphones d’entrée de gamme, passé sous la barre des 50 euros. Au Sénégal, les efforts d’Orange ont là aussi été récompensés, avec une place de numéro un dans le domaine de la data, auparavant dominé par l’opérateur Expresso.

Mais le Net ne pourra se généraliser que lorsque les coûts d’accès au haut débit auront encore été abaissés. Un chantier pour lequel Sonatel bénéficie d’un réel avantage, grâce à ses réseaux en fibre optique et aux investissements de sa maison mère dans les câbles sous-marins. Ces infrastructures jouent déjà un rôle déterminant dans son modèle économique et permettent au groupe d’être la plus importante plateforme d’interconnexions internationales d’Afrique de l’Ouest. « C’est une source importante de revenus, confirme Alioune Ndiaye. Toutefois, elle est elle aussi soumise à des menaces telles que l’émergence des logiciels de voix sur IP [Skype, Viber] ou les surtaxes sur les appels entrants, comme c’est le cas en Guinée. »

L’autre évolution stratégique pour l’entreprise pourrait venir d’une nouvelle acquisition. « Il y a un consensus pour faire de Sonatel une tête de pont d’Orange en Afrique de l’Ouest », admet Marc Rennard. L’opérateur Mattel en Mauritanie pourrait faire figure de cible idéale… Réponse début 2014.

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