« Merci pour tout » : Daoukro sans Henri Konan Bédié, une ville en pleurs

L’ancien chef de l’État et président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) laisse une empreinte indélébile dans son fief. Peu après son décès, les habitants s’y souviennent, émus, d’un leader d’exception et, surtout, d’un homme généreux, amateur de cigares et d’igname braisé. Reportage.

Sur la place Henri-Konan-Bédié, à Daoukro, le 2 août 2023. © Luc-Roland Kouassi

Publié le 4 août 2023 Lecture : 3 minutes.

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Décès d’Henri Konan Bédié, monument de la politique ivoirienne

L’ancien chef de l’État et président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) est décédé ce mardi 1er août.

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« La ville est triste, ça ne va pas, ça ne va pas, ça ne va pas ! », répète, les larmes aux yeux, Stéphane Kouamé, vendeur ambulant dans le centre-ville de Daoukro. Ce mercredi, jour de marché, la capitale de la région de l’Iffou, dans le centre-est de la Côte d’Ivoire, ne connaît pas sa frénésie habituelle. Et pour cause, « le baobab est tombé », se lamente Charlotte Aka, devant son petit salon de coiffure.

Plus loin dans la rue, Yeo Silué, vendeur de tenues traditionnelles, explique : « Nous sommes en deuil, nous avons perdu notre papa, c’était notre papa à tous. » Le 1er août, l’ancien président Henri Konan Bédié est décédé à la suite d’un malaise. Héliporté depuis son fief, il résidait principalement depuis quelques années, « le sphinx de Daoukro » succombera à la Polyclinique Sainte-Anne-Marie (Pisam) d’Abidjan. Nzueba – « enfant de la pluie », en langue baoulé – comme il se faisait appeler affectueusement, laisse les habitants de Daoukro orphelins.

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« Nous ne savons plus où mettre la tête »

Dans tout Daoukro, les habitants ploient sous le poids de leur tristesse et du ciel lourd de pluie, comme dans un poème de Baudelaire. La place principale s’appelle Henri-Konan-Bédié, et se situe tout près du domaine de plusieurs hectares de l’ex-chef d’État. Sur les murs, des peintures défraîchies rendent hommage à l’illustre enfant de la région. Certaines le montrent aux côtés de son prédécesseur et mentor Félix Houphouët-Boigny. Elles témoignent aussi de la reconnaissance des administrés.

Il payait les études des enfants de familles démunies

Sur un large écriteau qui fut jadis blanc et vert, le portrait du sphinx, près duquel est peint en grosses lettres « Merci pour tout ». Autour d’une cabine de transfert de crédit d’appels et de mobile money installée sur le bitume de la place HKB, des anciens discutent. Parmi eux, un quadragénaire vêtu d’un tee-shirt orné du sigle du PDCI se désole : « Nous avons perdu notre leader, nous ne savons plus où mettre la tête. »

À quelques mètres, au bord du terrain de basket de la place, Yvan Kramo, 16 ans, déplore le départ du patriarche. « C’était un modèle de réussite pour nous, les jeunes de Daoukro. » On loue surtout sa générosité, et les enveloppes largement distribuées à la population. « Il nous aidait beaucoup, raconte Amara Bayo, enseignant dans la localité. Il a commencé quand il était président de l’Assemblée nationale, dans les années 1980, et il a continué jusqu’à sa mort. Il payait les études des enfants de familles démunies jusqu’au supérieur, et même les soins de santé. »

Cigares, cognac et champignons sauvages

La mort de Henri Konan Bédié ne laisse personne indifférent. Partout c’est la désolation, même le siège local du PDCI est fermé, « tous les cadres se sont rendus à Abidjan après l’annonce du décès », résume un voisin de la maison du parti. Homme attaché à sa culture et à ses racines baoulées, il n’était pas qu’un aficionado des cigares et du cognac, « il aimait aussi l’igname braisé et les champignons sauvages », confie un proche de la famille Bédié.

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N’zueba était né à Dadiékro, mais la famille Bédié est originaire du village voisin de Prepressou, à huit kilomètres de Daoukro. « Les délégations des villages voisins viennent présenter les yako – les “condoléances” – à la famille », raconte Antony Kouakou, originaire du village et qui réside à Daoukro. Mais « pour les obsèques, rien n’est décidé, nous attendons les décisions en provenance d’Abidjan ».

L’enterrement du sphinx devrait avoir lieu dans le caveau familial situé au sein de la toute neuve église Sainte-Anne-de-Prepressou, dont la construction a été financée par l’ancien président. Les travaux se sont terminés en 2021, à temps pour accueillir HKB dans sa dernière demeure.

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