« DP World va faire de Dar es-Salaam un hub régional »

Makame Mbarawa, le ministre tanzanien des Travaux publics et des Transports, défend le fait d’avoir choisi le géant Dubaïote pour l’exploitation du port de Dar es-Salaam. DP World serait le mieux placé pour le transformer en hub logistique à destination de l’Afrique australe et de l’Est.

Le port de Dar es-Salaam, le 4 décembre 2009. © Katrina Manson/reuters

Publié le 29 août 2023 Lecture : 5 minutes.

A container ship is seen as its docked next to cranes at the port of Mombasa © REUTERS/Baz Ratner
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Après vingt ans de modernisation à l’Ouest, les opérateurs publics et privés s’attaquent ces dernières années à la mise à niveau des ports de la façade orientale du continent. Autant d’évolutions qui devraient rééquilibrer la desserte maritime du continent et soutenir l’arrivée prochaine de la Zlecaf.

Sommaire

En février 2022, Dubaï World Ports (DP World) et le gouvernement tanzanien ont signé un accord qui autorise la société de logistique à exploiter le port de Dar es-Salaam. Ratifié par le Parlement en juin, le texte est critiqué par des activistes et une partie de l’opinion publique qui estiment que les intérêts du pays ont été lésés.

Jeune Afrique a rencontré le ministre tanzanien des Travaux publics et des Transports, Makame Mbarawa, pour aborder ce sujet. Et parler de l’ambition de la Tanzanie de devenir un hub logistique pour l’Afrique australe et de l’Est.

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Jeune Afrique : Pouvez-vous nous parler de l’état actuel du port de Dar es-Salaam ?

Makame Mbarawa : L’efficacité du port est loin de répondre aux normes internationales, on le voit aux difficultés quotidiennes de fonctionnement, mais aussi à la faiblesse des recettes perçues par rapport à ses concurrents. Par exemple, le temps d’attente des cargos dans le bassin est de cinq jours, contre 30 heures au port de Mombasa au Kenya et 39 heures au port de Durban en Afrique du Sud.

Les ports d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe sont marqués par une forte concurrence, notamment entre le corridor de Mombasa et le corridor de Dar es-Salaam. L’Angola courtise la Zambie pour qu’elle utilise le port de Lobito, mais la construction du chemin de fer reliant les deux pays prendra des années. Le marché de plus en plus concurrentiel nous a poussés à investir dans la construction d’un chemin de fer à écartement standard. La prochaine étape consistera à investir dans l’efficacité du port de Dar es-Salaam afin qu’il devienne compétitif.

Est-ce cette situation qui vous a poussé à rechercher un nouvel investisseur pour le port ?

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La principale raison de ces lacunes est le manque de technologies modernes, d’installations de stockage de marchandises et de postes d’amarrage. La technologie évolue rapidement dans le domaine du transport maritime et nécessite des investissements importants. Le retard d’un navire de marchandises se traduit par des frais quotidiens de 25 000 dollars. Ce délai fait du port de Dar es-Salaam un port secondaire, ne traitant que des navires d’une capacité de 2 000 conteneurs par rapport aux ports voisins qui peuvent accueillir des navires allant jusqu’à 4 000 conteneurs.

Le gouvernement avait conclu un accord d’exploitation prolongé avec un autre opérateur. Pourquoi l’avoir résilié le contrat ?

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La Tanzanie avait conclu un accord de 22 ans avec Tanzania International Container Terminal Services (membre du groupe Hutchison Holdings), qui prévoyait des droits exclusifs pour l’exploitation des postes d’amarrage 8 à 11 dans le port de Dar es-Salaam. L’accord a expiré en septembre 2022 et le gouvernement a décidé de ne pas le renouveler après avoir constaté qu’il ne correspondait pas aux intérêts du pays. Il a invité les investisseurs potentiels tels que Hutchison Port Holdings, Ports of Singapore Authority, CMA (France), DP World et Abu Dhabi, à soumettre leur manifestation d’intérêt.

Après les avoir étudiées, le gouvernement a choisi DP World parce qu’elle répondait à ses intérêts, à savoir l’expansion de ses liens commerciaux avec les pays enclavés d’Afrique. La société exploite déjà six ports en Afrique, dont une plateforme logistique au Rwanda d’une capacité de 5 000 conteneurs etelle exporte actuellement via Durban.

Les détracteurs de l’accord ont exprimé leur inquiétude quant à sa signature à Dubaï…

Au moins 30 protocoles d’accord entre les agences gouvernementales tanzaniennes et celles de Dubaï, y compris un protocole d’accord entre l’Autorité portuaire de Tanzanie et DP World, ont été signés lors de l’Expo de Dubaï en février 2022.

Pourquoi Dubaï ? Parce que cette ville dispose de l’autonomie nécessaire pour signer de tels accords indépendamment du système fédéral des Émirats arabes unis. Après que les experts juridiques du gouvernement ont facilité la signature des accords avec Dubaï, l’accord-cadre avec DP World a dû être approuvé par le Parlement tanzanien conformément à la Constitution avant d’être mis en œuvre.

L’accord implique que DP World exploite les postes d’amarrage 1 à 7 du port de Dar es-Salaam afin d’attirer de plus grands navires, prévoit un espace de stockage pour les produits agricoles d’exportation et la formation des employés du port de Dar es-Salaam à l’exploitation d’un port moderne.

L’accord intergouvernemental n’est qu’un accord-cadre, les accords commerciaux avec DP World n’ont pas encore été signés. L’entreprise émiratie devra être enregistrée dans le pays et 35 % des actionnaires devront être tanzaniens, comme c’était le cas pour l’investisseur précédent. L’accord prévoit que le gouvernement peut demander à DP World de soumettre sa proposition pour examen s’il existe d’autres domaines dans lesquels nous pouvons coopérer. L’investisseur ne dispose que de 12 mois de droits exclusifs de négociation, et nous engagerons un autre investisseur potentiel si nous ne parvenons pas à un accord dans le délai imparti.

Quels sont les critères de référence mis en place par le gouvernement pour s’assurer que les nouveaux investisseurs atteignent leurs objectifs ?

Le bureau du procureur général, qui supervisera la rédaction et la mise en œuvre de l’accord, inclura des indicateurs de performance dans le contrat négocié. Le contrat fixera également un délai. Plus important encore, les employés actuels ne perdront pas leur emploi.

Globalement, nous visons à réduire le coût du transit des marchandises de 12 000 à 6 000 dollars pour les marchandises à destination du Malawi, de la RDC et de la Zambie. Nous visons un volume de fret qui passera de 18,4 millions de tonnes en 2021 à 47,7 millions de tonnes en 2032. Par conséquent, les droits de douane augmenteront de 7,6 trillions de shillings (3 milliards de dollars) en 2021 à 27,7 trillions de shillings en 2030.

Une des critiques récurrentes souligne que le président qui a signé l’accord et vous-même êtes des Tanzaniens de Zanzibar, alors que Zanzibar ne fait pas partie de l’accord avec DP World.

Il est important de noter que le président m’a donné procuration pour signer l’accord. La Constitution de la République unie de Tanzanie donne au président le pouvoir de déléguer certaines de ses responsabilités à ses assistants. C’est dans ces circonstances que j’ai signé l’accord.

La Convention de Vienne régit l’application de l’accord-cadre que nous avons signé. Par conséquent, les litiges commerciaux découlant du contrat seront résolus dans un pays tiers. L’accord-cadre ne viole pas les lois tanzaniennes sur les ressources naturelles, comme on l’a prétendu, car l’opérateur portuaire est responsable de l’exploitation du port, mais n’extraira pas de ressources naturelles et n’aura pas le droit de louer ou de posséder des terres.

Le gouvernement prévoit-il de prendre en compte les préoccupations de de l’opinion publique ? 

Le gouvernement prendra en compte toutes les réactions du public après l’échange des instruments de ratification avant la signature de l’accord final. Celui-ci contiendra une disposition prévoyant des modifications si le gouvernement estime que certaines parties de l’accord ne servent pas l’intérêt public. Les accords de concession et de bail ne peuvent pas être rendus publics parce qu’ils impliquent des secrets commerciaux. Plus important encore, tout ce que nous avons fait jusqu’à présent n’est pas contraignant tant que l’accord avec le gouvernement hôte n’est pas signé.

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