En Afrique, un coup d’État sinon rien !

Plutôt courants lorsque les contre-pouvoirs sont trop faibles pour défendre les institutions, les putschs ne sont pas une exception africaine. Mais sur le continent, les condamnations à géométrie variable de Paris suscitent quelques interrogations.

Affiches de campagne du président gabonais déchu Ali Bongo Ondimba et de son parti politique, le Parti démocratique gabonais (PDG), à Libreville, le 7 septembre 2023. © AFP

Rachid Ndiaye ministre guineen de la Communication © Rachid Ndiaye (Guinee), ministre de la Communication, ancien journaliste puis conseiller du president Alpha Conde. A Paris le 18.01.2018. Photo : Vincent Fournier/JA
  • Rachid Ndiaye

    Rachid Ndiaye, ex-ministre d’État de Guinée. Ex-conseiller spécial du président Alpha Condé.

Publié le 8 septembre 2023 Lecture : 4 minutes.

Mali, Guinée, Soudan, Burkina Faso, Tchad, Niger… et aujourd’hui, le Gabon. Depuis 2020, une partie du continent africain est confrontée au retour des militaires sur la scène politique. Le dernier en date remonte au 30 août à Libreville, date de la fin du régime du président Ali Bongo Ondimba au pouvoir depuis août 2009. Ce coup de force est à proprement parler plus une révolution de palais qu’une offre politique. Faut-il, pour autant, céder à un déterminisme qui incite à penser que le continent africain est frappé par la malédiction des coups d’État ?

Les putschs sont une réalité aussi vieille que le monde. Comme le coup d’État du 18 brumaire mené par Napoléon Bonaparte en 1799, à quelques exceptions près, c’est toujours la crise, soit la désynchronisation des normes légales et des principes de légitimité, qui conduit au coup d’État. Là où les contre-pouvoirs sont trop faibles pour défendre les institutions, une minorité armée arrive toujours à s’emparer de l’État surtout, en ce qui concerne l’Afrique, lorsqu’il s’agit de pays qui ont à peine une soixantaine d’années d’indépendance.

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Choisi par les gaullistes

La communauté internationale analyse les crises africaines à la lumière des périls qu’elles peuvent exporter au-delà des frontières du continent, en cette période où la question migratoire devient un enjeu de politique interne dans les pays européens. La démocratie comme le coup d’État doit passer par l’analyse au cas par cas. La France du président Emmanuel Macron souhaite, par exemple, rétablir dans ses fonctions légitimes le président Mohamed Bazoum, chef d’État élu du Niger, qui n’a pas démissionné. Alors qu’à l’inverse, le renversement du président guinéen élu à trois reprises, Alpha Condé, n’a pas bénéficié de la même préoccupation du retour à l’ordre constitutionnel par les autorités françaises. Les mêmes qui considèrent aujourd’hui l’arrivée au pouvoir, au Gabon, du général Brice Oligui Nguema comme une issue technique à un régime dont le principal acteur, à cause de son état de santé, était devenu un facteur de blocage de la vie politique gabonaise.  Une situation considérée à long terme comme préjudiciable aux puissants intérêts économiques français, parce que le Gabon a toujours entretenu des relations étroites avec la France.

C’est le pays qui est choisi par les gaullistes au début des années 1960, pour compenser la perte de l’Algérie sur le plan des ressources pétrolières. Son premier président, Leon Mba, ne rêvait-il pas de faire du Gabon un département français ? Renversé par des jeunes militaires progressistes en 1964, il sera rapidement rétabli dans ses fonctions par les troupes françaises.

Grâce à une réforme constitutionnelle supervisée par le célèbre Monsieur Afrique du général de Gaulle, Jacques Foccart, Omar Bongo Ondimba fut installé au poste de vice-président afin qu’en 1967, à la mort de Léon Mba, il devienne président sans passer par le suffrage universel. Bongo père restera une quarantaine d’années à la tête du Gabon grâce à la manne pétrolière, dont la redistribution permettait d’assurer la paix sociale, et à la présence de l’armée française.

Le jeu trouble de Paris

Président convalescent marqué par une gouvernance solitaire et aventureuse, Bongo fils a commis entre autres péchés, celui d’avoir rompu avec la légendaire « générosité » de son père, pour une utilisation des ressources de l’État au profit de son unique clan, « appauvrissant » au passage certains fidèles de l’ancien régime partis grossir les rangs de l’opposition.

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Ceux-là même qui n’hésitèrent pas pour battre campagne contre lui en 2016 sur le thème de sa filiation extra-gabonaise ! On pense au président Bédié inaugurant le concept d’ivoirité pour éliminer son adversaire Alassane Dramane Ouattara, lequel exerce aujourd’hui son troisième mandat après avoir adopté légalement une nouvelle Constitution par voie référendaire, sans susciter de critique majeure de Paris, ni de nombreux africanistes qui glosent sur la « malédiction » du troisième mandat en Afrique.

Est-ce une des causes du fameux sentiment anti-français en Afrique ? Ne pas comprendre l’erreur qui consiste à « trier » les bons des mauvais coups d’État, les bons des mauvais troisièmes mandats, est une vraie hérésie. Le sentiment anti-français des élites repose en partie sur l’idée que la France tolère certains régimes autoritaires au nom de la stabilité et condamne d’autres lorsque les relations personnelles sont exécrables avec les chefs d’État en place, ou les intérêts économiques inexistants. Parfois, pour le citoyen lambda du continent, le sentiment anti-français commence tout simplement au cours de l’ubuesque parcours de combattant pour obtenir un visa de séjour en France.

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On ne peut plus rien prévoir avec certitude, sauf à prédire des évènements qui ont déjà eu lieu… comme disait un humoriste.

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